single.php

"Crime passionnel" et "féminicide" : des plaidoiries sans pitié contre "le dictateur" et "tyran" Cédric Jubillar

DOCUMENT SUD RADIO – A 3 jours du verdict, Cédric Jubillar n'a pas été épargné par les plaidoiries des parties civiles qui ont réclamé d'une seule voix sa condamnation. Récit de l'intérieur par notre reporter Christine Bouillot.

cédric Jubillar procès box accusés
Cédric Jubillar dans le box des accusés de la cour d'assises d'Albi.

Le procès de Cédric Jubillar est entré depuis hier dans sa dernière ligne droite avec le début depuis ce matin des plaidoiries des parties civiles, au lendemain d'une journée intense au cours de laquelle l’accusé a été interrogé pour la toute dernière fois et durant quatre heures sur ce qu’il s'est passé dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 dans la maison du couple à Cagnac-les-Mines. Le verdict est attendu vendredi devant les assises du Tarn. Cédric Jubillar encourt la perpétuité pour le meurtre de sa femme Delphine.

« Un cas d’école voire paroxysme du féminicide »

Ce mardi matin, Me Pauline Rongier, avocate d’une amie de la victime, a exhorté les jurés à faire preuve de « courage » pour condamner l’accusé malgré l’absence de corps, parlant d’un « cas d’école voire paroxysme du féminicide ». « Il l’a tuée, mais en plus, il l’a fait disparaître, peut-être à jamais », a-t-elle affirmé, décrivant un « contrôle coercitif » exercé par Cédric Jubillar sur son épouse : isolement, dénigrement, violences, surveillance. Selon elle, l’absence de corps n’est « pas une preuve en moins, mais une sauvagerie en plus ».

Rendre une « œuvre de justice et de démocratie »

Son confrère Me Safya Akorri, représentant une proche amie de Delphine, a elle aussi insisté sur la responsabilité morale des jurés, appelés à rendre une « œuvre de justice et de démocratie ». Si elle dit ne pas voir en l’accusé un "monstre froid", elle souligne la « masse d’indices » qui, selon elle, forment un faisceau accablant.

La mère de Cédric Jubillar : « Moi aussi, je veux la vérité, quelle qu’elle soit. »

Dans le box, Cédric Jubillar est resté nerveux, se grattant à plusieurs reprises, tout en continuant de clamer son innocence après plus de trois semaines de procès.

Enfin, Me Géraldine Vallat, avocate de Nadine Jubillar, la mère de l’accusé - présente aux côtés des parties civiles - a rappelé les mots de sa cliente : « Moi aussi, je veux la vérité, quelle qu’elle soit. » Un témoignage symbolique d’une mère déchirée, contrainte de s’asseoir sur le banc des victimes, à l’image d’une vie marquée par les fractures familiales.

« Depuis 5 ans, vous avez tout entendu »

Ce mardi après-midi, c'est au tour de Me Nakache, avocat du faire cadet de Delphine, de prendre la parole et de s'adresser à la cour :

« Je vous demande d’oublier ce qui disent vos amis, journalistes, vos collègues. Il y a toujours quelqu'un qui va savoir. Depuis 5 ans, vous avez tout entendu. On vous a presque formaté. Vous avez entendu les avocats de la défense dire que ce dossier est vide . Tellement vide que nous en sommes à la 4ème semaine de ce procès (…)

« C'est la première fois que je vois des gendarmes maltraités »

« Ce dossier, il est rare de voir un tel travail. Investissement humain et matériel des gens qui ont travaillé à ce dossier. Il va falloir en tenir compte. On est allé tellement loin, jusqu'à salir. Chaque acteur a fait l’objet d’une petite trace (…)

« C'est la première fois que je vois des gendarmes maltraités. Ils ont une vision unique . C’est la première fois que je vois un procureur se faire citer dans une telle procédure. Tout le monde a tort. Moi je ne pense pas que la justice soit à ce point sournoise. Je ne pense pas qu’on a trompé votre juridiction (…)

« Les moyens mis en oeuvre démontrent qu’on ne s’est pas trompé. Il va falloir se mettre à la place de mes clients : Sébastien, Stéphanie et Mathieu (les frères et soeur de Delphine), des gens dont la dignité sont la seule boussole de ce dossier, qui n'ont jamais parlé à tort et à travers, respectant juges, procureurs, policiers. »

« Delphine méritait une vie de rêve »

« Il faut aussi penser à Delphine, une femme de 33 ans, qui se levait tous les matins. Et quand elle allait travailler, c’était pour les autres. Une infirmière au coeur d’or, dont le sourire apaisait les malades. Delphine méritait une vie de rêve, une nouvelle vie. Elle a été piégée dans le mariage, toxique. Ce huis-clos de ces dernières heures de sa vie. Ce dossier, ce sont les larmes figées de Delphine et certainement les preuves irréfutables d’un féminicide. »

« On est passé de la strangulation psychologique à la strangulation physique »

« On est passé de la strangulation psychologique à la strangulation physique. De la jalousie à l’obsession de Cédric. L’ensemble de ses comportements démontrent une jalousie maladive (…)

« Delphine n’est jamais sortie de son domicile, sans téléphone. Cette étude de son téléphone démontre une seule chose : qu’elle n’a jamais souhaité disparaître. Celui qui a touché ce téléphone, c'est son agresseur. Que se passe-t-il ? Cédric la surprend et la grille. Ce sont les voisins qui vont entendre hurler la vérité, les cris de cette femme, les aboiements du chien. Louis fera de même lors des premières auditions. Le véhicule du couple a été utilisé. Cédric Jubillar fait comme d’habitude : il se trompe de sens pour se garer et laisser une fenêtre ouverte. »

« Il y a tous les ingrédients d’un crime passionnel »

« La mère de Cédric n’accepte pas d’avoir un fils meurtrier alors elle va vous rapporter les mots de son fils, ses menaces . Je n’ai jamais vu une mère qui ne ment pas pour son fils . Mais là, il y a tous les ingrédients d’un crime passionnel : la tromperie, la souffrance de voir partir sa femme avec un autre homme. Je peux comprendre qu’on peut tuer sa femme quand on est dans cet état d’esprit ! »

Une phrase choc qui fait sursauter la salle d'audience, des journalistes au public.

« Au nom des frères et soeur de Delphine, au nom de ses enfants, je vous demande de condamner Cédric Jubillar pour que Delphine repose enfin en paix. »

Au tour de Me De Caunes, avocat de la famille Aussaguel : « Quand il y a des morts, il y a des tombes. On peut même dialoguer avec la mort. A travers nos rêves, ils entendent nos voix. Mais l’absence c'est quelque chose de différents, c’est une variété particulière de la douleur, une plaie vive sur laquelle au compte goutte de l'acide se vide. L’absence, c’est une douleur cancéreuse sans anesthésie, sans morphine, sans soins palliatifs. Il faut vivre avec. C’est ce que font Sébastien, Stéphanie et Mathieu.

« Pourquoi Delphine, cet ange, rencontre une personne comme Mr Jubillar ? »

« Le fait que des amis se soient constitués parties civiles - ce qui est rare - montre bien qu'elle avait marqué de son affection tous ceux qui l’ont côtoyée. C’était un ange. Pourquoi cet ange rencontre une personne comme Mr Jubillar ? C'est l'exacte antithèse. Un peu obscur, à moitié joueur-tricheur, drogué, fumeur, malhonnête, intoxiqué par les jeux et le porno. Mais il est surtout indifférent à tout ce qui n'est pas son plaisir, le contraire de Delphine. Mais elle l’a aimé. Ca a été son premier amour. Avec enthousiasme, sans arrière pensée. Et pourtant, alors que sans doute elle l’a empêché de devenir un voyou.

«  Quand ils étaient ensemble, elle était éteinte. Il l’aimait inexistante »

« Elle pouvait partir mais quand ils étaient ensemble, elle était éteinte. Il l’aimait inexistante. L’amour né de l'estime est le seul qui rend heureux. Alors, elle a pris des initiatives, s’est inscrite sur des sites de rencontres. Et il y a eu cette rencontre presque inespérée avec ce Mr Donat-Jean Macquet. Et cet ange qui s'était éteint s'est ouvert à la vie. Elle était sur le point de s’envoler, redevenue chrysalide : le papillon qu’elle était dans sa jeunesse. Sa beauté, sa finesse des traits que l’on peut voir sur cette photo qu’elle a faite d’elle même le soir de sa disparition. Il est évident que Mr Jubillar a vu cette photo par dessus son épaule. Et que cela a provoqué tout ce que nous savons. »

« Il lui a porté des blessures directes »

« On pouvait penser que Cédric Jubillar pouvait respecter cela même après l’avoir fait disparaître. Mais malheureusement, il a pris le comportement qui consiste à la dégrader, à la salir. Il lui a porté des blessures directes, disant que c'était une mauvaise mère. Elle ne les supportait plus, elle avait lâcher le couffin. C’était une mère rejetante. Comment peut-on dénigrer la personne qu’a été Delphine ? Comment peut on porter des coups supplémentaires ? »

« Il n’a pas supporté qu’elle lui soit infidèle »

« Elle souriait ! Sa femme n’avait pas le droit. Cette abolition de Delphine, on la retrouve à ce procès , quand on lui demande ce qu’est devenue Delphine. A la question : que s'est-il passé ? « Je ne sais pas » dit Cédric Jubillar. On insiste. Qu’en pensez vous ? « Non, je n’y ai pas réfléchi ». A quoi bon réfléchir à quelqu’un qui n’était plus sa femme, qui n'était plus mon cercle de préoccupation. C’est assez vertigineux. Cette abolition n’est pas incompatible avec le sentiment de jalousie. Il n’a pas supporté qu’elle lui soit infidèle. Là se tient le mécanisme de son passage à l’acte

« Cédric Jubillar est absent à ce procès : il glisse, s'échappe comme une anguille »

« La famille Aussaguel a suivi l'enquête et le procès avec confiance, respect et dignité. Ils sont là depuis le début. Ils ont suivi toutes les audiences de la Chambre d'Instruction. Eux sont restés dans le silence, ils n’ont jamais pris parti ni pris à partie, ni jamais porté atteinte à la présomption d’innocence. Et pourtant, ils en ont vu des vertes et des pas mures. Ce procès a aussi été exploité pour discréditer l'institution ou pour lancer des attaques à certaines personnes.

« Cédric Jubillar est absent à ce procès. Quand on s’adresse à lui, c'est un mur. Les questions rebondissent, il glisse, s'échappe comme une anguille. Alors ses avocats ont été à l’attaque. C’est une stratégie, on l’a vu hier (…)

«  Cédric Jubillar est un être cyclique et désinvolte »

« Cédric Jubillar est un être cyclique et désinvolte (…) Il n’a pas d’affect. Seul son plaisir compte avant tout. La satisfaction nécessite le respect de son interlocuteur. Il est impulsif quand on lui résiste, quand il sent qu’il peut perdre le contrôle mais il le reprend quand il sent que le danger, c’est quelqu'un qui lui résiste, lui dit « j’en aime un autre ». Mais si cette personne est ramenée à un être inerte, morte, là il reprend le contrôle. Il est homme à le faire.

« L’absence du corps est pour lui un totem d’immunité »

« Tout ce qu’on voit de lui est basé sur un sentiment d’impunité. Il croit à son impunité car on n’a pas de corps. Il vit dans un jeu vidéo. L’absence du corps est pour lui un totem d’immunité. Ce qui lui donne une assurance dans ce jeu de poker dans lequel il participe. Que cet atout sera décisif.

« Cédric Jubillar est un dictateur »

« Que peut la littérature contre la ruée sauvage de la violence ? Elle trouve son salut dans le mensonge. Cédric Jubillar est un dictateur, il règne sans partage. Soit on lui est soumis, soit opposé. Ou étranger et méprisé par lui. Et ce même dictateur est soumis à un tyran : le plaisir. Le sien. Tout le reste est littérature. Dans toutes les situations, c'est d’abord son plaisir. »

« Delphine, repose en terre ignorée. Nous voudrions vous porter quelques fleurs. Ils attendent de nous que nous accomplissions notre devoir. Nous fermerons aux tapages des charlatans qui font leur commerce de Delphine. Ici tout est malheur. La mort de Delphine est malheur. La décision que vous rendrez ne sera pas un bonheur pour qui que ce soit mais vous aurez fait votre devoir. »

Fin des plaidoiries du jour. Demain matin, dernières plaidoiries des deux avocats des enfants du couple Jubillar, Louis et Elyah. Puis réquisitions dans l'après midi.

L'info en continu
20H
19H
18H
17H
16H
15H
13H
Revenir
au direct

À Suivre
/