"Philippe Aghion c’est l’économiste charmant qui conseille depuis dix ans ceux qui nous ont mis 1.100 milliards de dettes." Au micro de Sud Radio, Laure Lavalette a répondu aux questions de Jean-François Achilli.
"Charles Rodwell n’a surtout pas envie de voter une proposition de loi du Rassemblement national"
Jean-François Achilli : Ce sera pour vous une journée particulière aujourd’hui à l’Assemblée nationale puisqu’il y a cette niche parlementaire du RN et vous proposez la révision de l’accord franco-algérien de 1968. Rien que ça. Est-ce que vous pensez qu’il sera voté ?
Laure Lavalette : "Aujourd’hui, c’est le jour où nous avons le choix des textes, donc c’est une bonne chose. Ce qui est sûr, c’est que ce texte remporte une majorité – en tout cas une majorité d’idées – à l’Assemblée nationale. Nous, nous le réclamons depuis très longtemps."
"Mais vous savez, c’est un texte qui a déjà été à l’ordre du jour de la niche LR l’année dernière ou celle d’avant. Petite particularité étonnante : ils n’étaient qu’un tiers à voter leur texte, qui avait moins de chance de passer. Donc j’espère bien qu’ici, ce matin, à l’Assemblée nationale, nous aurons une majorité pour voter ce texte. Je serais étonnée qu’elle n’y soit pas."
Laurent Nuñez, le ministre de l’Intérieur, a récemment déclaré que cette renégociation n’était pas à l’ordre du jour. Le bloc central risque de se diviser sur la question ?
"Ça fait déjà plus d’un an et demi qu’ils sont divisés sur la moitié des sujets. J’ai déjà vu Gabriel Attal voter contre des amendements du gouvernement, voyez-vous. Donc non, je ne suis pas étonnée qu’ils soient divisés."
"En tout cas, ce qui est sûr, c’est que les Français ont très envie qu’il y ait une révision de ces accords. Il faut expliquer aux gens qui nous écoutent : ce sont des accords qui facilitent l’entrée sur le territoire d’Algériens. Ça pose une vraie question : il y a une majorité de personnes sous OQTF qui sont de nationalité algérienne. Il y a une surreprésentation de cette nationalité aussi dans les actes de délinquance."
Et il y a toutefois un député qui connaît le sujet, c’est Charles Rodwell, d’Ensemble. Il dit que, comme vous n’avez pas aménagé votre proposition de loi, on reviendrait à des accords de 1962. Ce serait un déferlement migratoire.
"Oui, enfin, Charles Rodwell n’a surtout pas envie de voter une proposition de loi du Rassemblement national. Vous savez, ils sont sectaires et dogmatiques. Je le déplore, parce qu’en fait, je suis certaine que M. Rodwell voudrait le voter, mais comme ça vient de chez nous, il ne le fera pas."
Jean-François Achilli : Il y a un deuxième texte qui demande le rétablissement du délit de séjour irrégulier. Là encore, vous défiez la droite, vous l’invitez à voter pour vous. Vous voulez briser le cordon sanitaire ?
Laure Lavalette : "Encore une fois, je pense qu’il y a vraiment une majorité sur le retour du délit de séjour irrégulier, c’est certain, c’est demandé partout. Je vous rappelle que cela avait été voté à l’Assemblée lors de la loi immigration, loi qui avait été retoquée par le Conseil constitutionnel."
C’est une disposition que François Hollande avait supprimée en 2012. La gauche n’en veut pas du tout, du rétablissement.
"Oui, mais il n’y a pas que la gauche à l’Assemblée nationale, et je peux vous assurer que là encore, les Français non seulement en ont envie, mais en ont besoin. On a besoin de cet arsenal qui nous permettra de lutter contre cette immigration massive, irrégulière, que subissent les Français et qui a des conséquences sur notre économie, sur notre identité, sur notre sécurité."
Donc j’imagine que vous ferez les comptes, que Marine Le Pen fera les comptes au sortir de la niche ?
"Ah oui, bien sûr, on sera là pour les faire. Ce n’est pas un défi, ce n’est pas un piège, excusez-nous de mettre à l’ordre du jour des textes qui nous paraissent importants. On est là pour protéger les Français."
"Ce n’est pas aberrant d’aller taxer ces GAFAM pour qu’elles aient la même fiscalité que les entreprises françaises"
Jean-François Achilli : Le Rassemblement national est-il un allié objectif de la France insoumise ? Vous avez voté, contre toute attente, la fameuse taxe GAFAM avec LFI, main dans la main. Un texte initié par Attac et par Gabriel Zucman.
Laure Lavalette : "Non mais vous savez, si le ciel est bleu et que c’est la France insoumise qui dit que le ciel est bleu, je ne vais pas dire qu’il pleut. Ça aussi, c’est peut-être une grande différence que nous avons avec d’autres partis politiques. Effectivement, pour le coup, on n’est pas dogmatique."
"Moi, ça fait trois ans que je suis élue, trois ans que je vote des amendements, d’où qu’ils viennent, s’ils peuvent améliorer le quotidien des Français. Effectivement, ce n’est pas aberrant d’aller taxer ces GAFAM pour qu’elles aient la même fiscalité que les entreprises françaises, justement pour ne pas les mettre en concurrence déloyale."
C’est une justice fiscale que vous réclamez ?
"Oui, cet amendement nous paraissait intéressant et nous l’avons voté. Mais la justice fiscale, bien sûr qu’on la demande. Mais, pour le coup, on est très éloignés de la France insoumise : eux font un budget avec 180 milliards d’euros de taxes supplémentaires."
Jean-François Achilli : Pourquoi alors votez-vous pour la taxe GAFAM mais contre la taxe Zucman ?
Laure Lavalette : "Parce qu’on nous a menti sur le mécanisme et sur l’argent qu’elle allait rapporter. Cette taxe Zucman ferait fuir les entreprises françaises qui continueraient à investir si on ne les taxe pas. Il n’en était pas question."
"A priori, elle ne rapporterait que 5 milliards la première année, et probablement plus rien ensuite, puisque ces entreprises partiraient à l’étranger."
Pourtant, 75 % de vos électeurs, selon l’IFOP, sont pour la taxe Zucman. Vous allez à leur encontre ?
"Un budget, c’est la traduction comptable de choix politiques. Quand on regarde les sondages, notamment celui sur la popularité de Jordan Bardella, je n’ai pas l’impression que nous allions contre nos électeurs. Sinon, ils nous auraient abandonnés depuis longtemps."
"Hier, nous avons eu une grande victoire : nous avons préféré taxer la fortune financière, la spéculation, plutôt que l’immobilier. Nous voulons que la France redevienne un peuple de propriétaires."
"L’impôt sur la fortune financière que nous proposons avec Marine Le Pen sort de l’assiette la résidence principale, les biens professionnels et 75 % des parts dans les TPE, PME ou ETI. Cela concerne moins d’un pour cent des Français."
Votre président Jordan Bardella est perçu comme pro-business, peu favorable aux hausses d’impôts. C’est différent de Marine Le Pen ?
"Pas du tout. Nous faisons baisser les impôts de production : la CFE, la contribution foncière des entreprises, a été supprimée, ce qui baisse de 20 % ces impôts. Quand on baisse le coût du travail, c’est fondamental et c’est une mesure portée par Marine Le Pen."
"Jean-Philippe Tanguy a dit depuis le départ que ce budget passerait par ordonnance. M. Lecornu a dit qu’il n’y aurait pas de 49.3. Donc la seule solution, c’est bien par ordonnance."
Jean-François Achilli : Philippe Aghion, prix Nobel d’économie, dit que vous êtes incompétents.
Laure Lavalette : "Le mec, tout de même… c’est l’économiste charmant qui conseille depuis dix ans ceux qui nous ont mis 1.100 milliards de dettes. Ils ont fait autant de dettes en huit ans qu’entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 2000."
"Qu’il aille s’occuper de son potager ! Il est temps de prendre sa retraite. Il a conseillé tous ceux qui nous ont mis dans le rouge. Et vous voudriez que je sois gênée parce qu’il trouve mon programme irréaliste ? Non. Il vaudrait mieux qu’il garde ses conseils."
Jean-François Achilli : Est-ce que le budget va être bouclé ?
Laure Lavalette : "Non, et on le savait. Nous avions dit dès le départ qu’il ne serait jamais voté. Hier, il restait 2 500 amendements. Même en y passant nos jours et nos nuits, il y a un problème de délai."
"Jean-Philippe Tanguy a dit depuis le départ que ce budget passerait par ordonnance. M. Lecornu a dit qu’il n’y aurait pas de 49.3. Donc la seule solution, c’est bien par ordonnance — ce qui est d’une violence folle, mais nous l’avions dit."
Éric Zemmour dit que vous avez voté avec LFI, que vous êtes socialistes.
"C’est le grand argument de Zemmour. Reconquête fait 5 %, il peut parler librement, lui ne s’apprête pas à gouverner. Nous, nous nous préparons à l’alternance. L’un des premiers slogans de Marine Le Pen, c’était « de Montebourg à Zemmour »."
L’union des droites, au final ?
"Union des droites, union des souverainistes, des patriotes. Moi, factuellement, j’étais la seule circonscription à avoir déjà fait cette union. Avec Éric Ciotti, nous avons quelques divergences, mais elles sont minimes par rapport à ce qui nous rassemble."
"Les Français ont bien compris que nous étions dans un chaos budgétaire, sécuritaire et migratoire. Pour en sortir, il faut une majorité. Il faut aller chercher les souverainistes où qu’ils soient, sur tout l’échiquier politique."
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