La cour d'assises de Paris rend lundi soir son verdict contre l'ex-chef rebelle congolais Roger Lumbala qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour les atrocités commises par ses soldats dans l'est de la République démocratique du Congo en 2002-2003.
Vendredi, l'accusation a réclamé cette peine, le maximum prévu pour complicité de crimes contre l'humanité.
Détenu depuis cinq ans à Paris, Roger Lumbala, 67 ans, a refusé jour après jour d'assister aux débats. Il dénie toute légitimité à la justice française et dénonce une instruction à charge, non pas en quête de vérité mais "à la recherche de la culpabilité", selon l'ultime message quotidien de refus de comparaître envoyé lundi à la cour par cet homme, éphémère ministre dans son pays en 2004.
Viols utilisés comme armes de guerre, esclavage sexuel, travail forcé, tortures, mutilations, exécutions sommaires, pillage systématique, racket, captation des ressources (diamants, coltan...): durant un mois, la cour a écouté le récit d'exactions commises lors de l'offensive "Effacer le tableau", menée contre une faction rivale dans le nord-est du pays par le RCD-N, le groupe rebelle de Roger Lumbala. Soutenu par l'Ouganda voisin, celui-ci était allié au MLC de l'actuel ministre congolais des Transports, Jean-Pierre Bemba.
A l'instar de procès passés sur le génocide des Tutsi au Rwanda, la première guerre civile au Liberia ou les exactions du régime syrien de Bachar al-Assad, Roger Lumbala est poursuivi au titre de la compétence universelle que s'octroie sous certaines conditions la France pour les crimes contre l'humanité.
Ce procès est jugé "historique" par les organisations de défense des droits humains qui espèrent que le verdict mettra à mal le sentiment d'impunité de belligérants qui, depuis 30 ans, guerroient dans l'est de la RDC, avec l'implication de pays voisins comme le Rwanda ou l'Ouganda, et avec comme objectif principal le contrôle des ressources minières et naturelles.
Ces guerres, dont le bilan est impossible à établir, ont fait des millions de morts et de déplacés. Au moment où le procès Lumbala se tient, l'accord "pour la paix" entériné début décembre à Washington demeure lettre morte et la région reste le théâtre d'affrontements, entre le M23, groupe soutenu par Kigali, et l'armée congolaise appuyée par les forces burundaises.
Trois chefs de guerre, Thomas Lubanga, Germain Katanga et Bosco Ntaganda, ont certes été condamnés entre 2012 et 2021 par la Cour pénale internationale. Mais aucune cour nationale d'un pays s'octroyant la compétence universelle n'a jusqu'à présent condamné pour des atrocités commises dans l'est de la RDC, relèvent les ONG.
- "Une des têtes pensantes" -
L'opération "Effacer le tableau" s'inscrit dans cette longue succession de combats entre multiples factions. Selon Hervé Cheuzeville, un travailleur humanitaire alors sur place, elle fut "un paroxysme d'horreur", "une orgie sans précédent de violences et de pillages".
Les faits examinés par la cour d'assises depuis le 12 novembre ne sont que "la partie émergée de l'iceberg" des atrocités même si elles en sont "un échantillon représentatif", selon l'un des avocats des parties civiles, Henri Thulliez.
Durant le procès, un homme a ainsi expliqué comment son frère avait été amputé de l'avant-bras puis exécuté après avoir été incapable de manger son oreille sectionnée; des femmes ont livré le récit de viols par des soldats, souvent collectifs et sous les yeux de parents, d'époux, d'enfants.
Les victimes étaient majoritairement nande ou pygmées bambuti, groupes ethniques accusés par les assaillants de pencher du côté d'une faction rivale.
Et Roger Lumbala fut bien "l'une des têtes pensantes" de l'offensive, il avait "une position d'autorité" sur ses troupes, selon le Parquet national antiterroriste (Pnat) qui a balayé l'autoportrait d'un simple politique sans prise sur les combattants, brossé par l'accusé pendant l'enquête.
Selon les avocats généraux, cet "opportuniste", qui posait volontiers en uniforme et se vantait dans la presse des conquêtes de ses soldats, les a non seulement laissé commettre leurs crimes mais y a "directement participé", certes pas sur le front, mais en leur fournissant notamment munitions et armes, financées par le racket de la population.
Par Nicolas GAUDICHET / Paris (France) (AFP) / © 2025 AFP