Sera-t-elle candidate en 2027 pour la Présidentielle ? "Pourquoi pas ? Il faut une femme avec des valeurs féminines, bienveillantes… Présider c’est aimer, vouloir le bien des autres." Au micro de Sud Radio, Ségolène Royal a répondu aux questions de Jean-François Achilli puis de Patrick Roger et des auditeurs.
"On n’a pas le droit de transmettre ce déclin aux jeunes"
Jean-François Achilli : Pourquoi exhumer aujourd’hui, en l’inversant, cette formule machiste ?
Ségolène Royal : "C’est la disqualification d’une femme pour lui dire ‘mais qu’est-ce que tu fais là ? Pourquoi es-tu candidate à l’élection présidentielle ? Occupe toi donc de tes enfants’."
La phrase a été attribuée à Laurent Fabius, qui l’avait démentie.
"Oui, mais vous voyez, je ne le cite même pas parce que je pense qu’il faut aller au fond des choses, savoir ce que ça veut dire aujourd’hui. La vérité, c’est que justement la politique ne devrait s’occuper que des nouvelles générations.
Aujourd’hui, ce qu’on voit c’est une montée de l’anxiété des jeunes. Mais aussi un désespoir, une difficulté d’imaginer l’avenir. Et aussi le sentiment d’un déclin, elle se demande si elle aura autant que la génération précédente. Et ça, on n’a pas le droit de transmettre ce déclin : la politique, c’est rendre un pays dans un meilleur état que quand on l’a pris en main."
"Les réseaux sociaux font énormément de dégâts sur les jeunes."
La nouvelle génération dit se sentir rackettée ?
"Non seulement parce qu’il y a la dette, mais aussi une dette climatique, morale, sociale… Le monde est de plus en plus brutal. Et ce que j’appelle l’effondrement des tendresses a été particulièrement douloureux au moment de la Covid-19. Ce qui avait été promis, c’est une réparation après la crise. Mais rien n’a été réparé, et il y a un effondrement des moyens de la médecine psychique qui se traduit par une montée du nombre de suicides et tentatives de suicides chez les jeunes, et en particulier chez les filles."
Emmanuel Macron veut interdire l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 15 ans, comme en Australie. Qu’en pensez-vous ?
"Les réseaux sociaux font énormément de dégâts sur les jeunes. Notamment sur les tentatives de suicide : il y a un décalage entre la vie réelle et la vie telle qu’elle est projetée dans les réseaux sociaux à cause de la violence, de l’accès à la pornographie. Il y a une vraie dégradation mentale des jeunes. Je suis donc favorable à ça, je l’ai dit même avant qu’il se prononce."
"Pourquoi l’interdire ? Car l’interdit a un double-objectif. Poser une règle et dire aux jeunes ‘ça vous fait mal’. Et lorsque les jeunes transgressent cet interdit, ils savent qu’ils transgressent, et donc ils se projettent aussi dans une analyse critique des réseaux."
Vous écrivez : "présider, c’est aimer : il est temps d’écouter ce que le féminin, au-delà des genres, a à dire au monde". Une femme à l’Élysée, en somme ?
"Ça serait un raccourci de dire ça. Il y a des femmes qui sont plus violentes que les hommes. C’est le féminin. Il y a un déséquilibre sur la planète, très peu de femmes sur les 180 chefs d’État. Et même à l’intérieur des équipes. La virilité toxique imprègne l’exercice du pouvoir.
Qu’est-ce que c’est la pulsion féminine première ? Donner à manger à son enfant. Protéger la vie, les générations futures. L’intention masculine première, c’est prendre les territoires de l’autre."
Marine Le Pen ?
"Une fois de plus, ça ne suffit pas. Margaret Thatcher était une femme et a été brutale dans la répression sociale. On parle plus du fait d’accepter sa part de féminin dans le sens où le maternel c’est protéger, émanciper, faire confiance. Et pas prendre le pouvoir."
Vous dites que la France serait pas dans le même état si vous aviez été élue présidente de la République.
"Évidemment. J’aurais tout fait de différent. Dans ma région, je mets la priorité à l’éducation, à l’exigence environnementale."
Nicolas Sarkozy a dit qu’il s’opposerait à un front républicain contre le RN en 2027, vous approuvez ?
"Il y a une plaisanterie qui a été faite : ‘encore quelqu’un qui s’est radicalisé en prison’. Elle circule sur les réseaux, c’est drôle."
"C’est une digue qui a cédé. Il faut être capable en face des idées toxiques proposées par l’extrême-droite de pouvoir offrir un modèle de société qui fait envie. C’est ça la réalité. Il y a tellement de choses à faire pour sauver la France et donner envie aux nouvelles générations d’entrer dans le monde, de refaire des enfants. Car la crise de la natalité dit beaucoup de choses sur le monde et le désespoir."
"Aujourd’hui, plus de 90 % des viols aboutissent en non-lieu"
Le débat du moment : faut-il rouvrir les maisons closes ?
"C’est aberrant. C’est ça que le RN veut offrir comme idéal à la société ? C’est inadmissible. Les maisons closes étaient des maisons d’abattage, c’est tout."
Brigitte Macron a traité des féministes de "sales connes", qu’en pensez-vous ?
"Il faut comprendre pourquoi ça a soulevé autant d’émotion. Vous savez pourquoi ? Parce que c’était désigné comme une grande cause nationale, la lutte des violences contre les femmes, on se rend compte que la situation est pire. Aujourd’hui, plus de 90 % des viols aboutissent en non-lieu. La parole des femmes n’est toujours pas prise au sérieux. C’est une épreuve d’aller porter plainte pour viol."
"J’ajoute que les violences sur les enfants non plus n’ont pas reculé. Ce sont des enjeux nationaux, et ce n’est pas pris au sérieux comme le déficit budgétaire. Or si, c’est tout aussi important."
Vous restez favorable à la construction de l’autoroute A69 ? Une décision de justice est attendue aujourd’hui sur la poursuite des travaux.
"Je pense que le dossier a été très mal géré. Le dossier est inextricable. Mais ce qui est vrai, c’est qu’elle ne correspond pas à ce qu’il faut faire. Pourquoi on ne met pas à deux fois deux voies les routes existantes, ce n’est pas plus malin ?"
Le voile est monté en épingle par les islamophobes"
Patrick Roger : Linda, notre auditrice, a une question : êtes-vous pour l’interdiction du port du voile chez les mineurs ?
"Ce sont des questions délicates. Ce qui est désolant, c’est qu’ils sont, ces sujets-là, instrumentalisés par les uns et par les autres. Le voile est monté en épingle par les islamophobes. Et parfois il est instrumentalisé de l’autre côté lorsque les tenants d’une religion font d’une religion de combat. Une religion, même la laïcité, ce n’est pas un combat. C’est une volonté de vivre-ensemble.
Quel est l’objectif de ce voile sur les mineures ? Si c’est utilisé comme un instrument de combat religieux, il faut expliquer aux parents ‘on ne fait pas ça’"
François Achilli : La pédagogie suffit-elle ?
"Je pense que oui. J’ai eu à régler ce souci quand j’étais ministre de l’Education nationale. Deux jeunes filles turques qui venaient avec le foulard, et ça faisait un événement à l’école et des polémiques.
Ce qui est insupportable c’est de réduire toute cette question-là, à la question du voile. C’est encore les femmes qui subissent cette polémique. D’un côté les intégristes utilisent le voile pour imposer leur religion, et ceux qui sont islamophobes utilisent le voile pour faire avancer leurs idées."
Linda : Mais il y a des enfants qui portent le voile en France, non ?
Combien d’enfants portent le voile ? Quand on fait un sujet national d’un problème de quelques personnes, c’est là que ça devient problématique. Il n’y a aucun enfant qui va avec son voile à l’école. Alors pourquoi on en fait un problème ?"
"Il faut discuter avec X et Elon Musk"
Johan (auditeur) : J’aurais avoir votre réaction suite à l’amende infligée à Elon Musk pour le manque de transparence de X et à ses propos appelant à la dissolution de l’Union européenne. Les combats contre les dérives des réseaux doivent-ils être menés au niveau européen ou nationale ?
"C’est une très mauvaise idée cette sanction. Elle est tombée comme ça, personne n’a été informé. Pourquoi ce réseau-là et pas les autres ? Pourquoi encore une confrontation ? Je pense que ça aurait été plus intelligent de négocier et discuter.
Entrer dans une confrontation, par définition, surtout avec les États-Unis, conduit à des mesures de rétorsion. Et après on va nous dire qu’on n’avait pas vu venir les mesures de rétorsion."
Jean-François Achilli : Le problème des réseaux sociaux, c’est l’algorithme. Il faut expliquer ?
"Tous les réseaux, le problème c’est l’algorithme. Je pense que la première chose c’est effectivement l’interdiction, comme ça a été fait en Australie. On sait qu’il y a une dépendance dangereuse des jeunes et même des très jeunes aux réseaux sociaux.
Sur les algorithmes, je pense que les adultes peuvent savoir comment ça fonctionne et quels sont les risques."
Patrick Roger : l’anonymat, il faut le supprimer ?
"C’est une piste qu’il faut discuter avec X et Elon Musk. Ceux qui enfreignent la loi pour pouvoir les poursuivre.
Il ne faut pas oublier que les réseaux sociaux ont permis une liberté d’expression extraordinaire. Vouloir réduire cette liberté d’expression, c’est toujours dangereux."
Philippe (auditeur) : J’ai une petite boîte de jouets en bois. Des marchands chinois ont copié mes jouets et ont commencé à les vendre moins chers sur Internet. Ça m’a mis les deux genoux à terre. Ils payent pas de TVA, pas d’impôt… Qu’est-ce qu’on peut faire pour arrêter ça ?
"C’est tragique, c’est une injustice flagrante. Et en plus ça s’accélère. Il faut que le prix d’un produit importé intègre le coût environnemental. Il faut calculer la pollution du transport, l’utilisation des routes…"
Jean-François Achilli : il faut donc lancer une guerre commerciale avec la Chine ? Ajouter des taxes ?
"C’est pas une taxe, c’est le juste prix. La Chine a signé aussi l’accord de Paris sur le climat. Toute activité doit intégrer le bilan carbone de sa production et son transport. Et ça, ça n’a pas été fait."
Comment vous intégrez ce coût ?
"Il faut une règle internationale. C’est intégrer au prix le coût du bilan carbone. C’est pas une taxe, c’est une règle juste."
"Dominique de Villepin ? Je trouve qu'il parle juste"
François (auditeur) : L’élection présidentielle 2027 : M. Glucksman pourrait être le candidat idéal de la gauche, qu’en pensez-vous?
"Difficile pour moi de dire. En plus, il n’est toujours pas officiellement candidat. Je pense que les postures de va-t-en guerre, j’adhère pas à ça. Il a des positions sur la guerre auxquelles je n’adhère pas."
Jean-François Achilli : 20 ans après, une femme à l’Elysée… vous ?
"Pourquoi pas ? Il faut une femme avec des valeurs féminines, bienveillantes… Présider c’est aimer, vouloir le bien des autres. Le problème, en politique, c’est que les critère pour accéder au pouvoir ne sont pas les mêmes que pour bien exercer le pouvoir."
Patrick Roger : Vous allez être candidate ?
"Pourquoi pas, on verra la situation. Ce livre est un peu un programme, c’est vrai."
Faire un ticket avec Dominique de Villepin ?
"Pourquoi pas. Je trouve qu’il parle juste, notamment sur l’international. Il faut regarder tous les talents. Ceux qui ont quelque chose à apporter."
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