Vidéo choquante d’un enfant tondu dans un foyer, accusations d’omerta autour de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), pénurie d’éducateurs, vote d’une loi garantissant un avocat aux enfants placés. Au micro de Sud Radio, Arnaud de Saint-Rémy a répondu aux questions de Maxime Lledo.
“L’enfant n’est pas simplement un objet de droit, mais un sujet de droit”
Maxime Lledo pour Sud Radio : Une loi a été votée pour garantir un avocat aux enfants placés ou protégés. Qu’est-ce que cela va changer concrètement ?
Arnaud de Saint-Rémy : “Absolument tout. C’est d’abord une reconnaissance pleine et entière des droits de l’enfant dans toutes les procédures le concernant, et en particulier en assistance éducative. Il faut comprendre qu’un enfant n’est pas simplement un objet de droit, mais surtout un sujet de droit.”
En quoi la législation précédente était-elle insuffisante ?
“La loi de 2022 présentait un écueil majeur : la présence de l’avocat était optionnelle. Or, le droit ne peut pas être optionnel, surtout quand on est face à une partie fragile. Beaucoup d’enfants n’avaient pas d’avocat alors même que leurs parents en avaient un. C’était une différence de traitement absolument anormale.”
Certains disent que la présence d’un avocat ne changera rien à ce qui se passe dans l’intimité des foyers.
“Nous créons un lien de confiance entre l’enfant et son avocat. L’avocat est indépendant des parents, des services gardiens, et même du juge. Sa mission, c’est la protection des intérêts de l’enfant. Si l’enfant confie un mal-être sur son lieu de placement ou dans une famille d’accueil, l’avocat peut agir.”
Comment ?
“Les recours peuvent être menés, des plaintes déposées, des signalements faits beaucoup plus rapidement. Sans remontée d’information, le juge ne peut pas agir. L’avocat, parce qu’il est indépendant et libre de sa parole, portera la parole de l’enfant.”
N’est-ce qu’un « petit pansement » sur un problème beaucoup plus large ?
“Ce n’est pas certain. Le fait de savoir qu’un enfant a un avocat a aussi un effet dissuasif. Il ne s’agit pas de faire peur, mais de protéger. L’enfant sait qu’il peut compter sur quelqu’un à tout moment pour dénoncer une situation qui se passe mal, qu’il s’agisse de maltraitance physique ou psychologique, ou encore de harcèlement par d’autres enfants.”
Un avocat pour chaque enfant de l'ASE : "Tout va changer (...) Si les éducateurs avaient su que ce jeune garçon de 8 ans avait un avocat, il n'aurait peut-être pas été tondu" affirme Me @ArnodeStRemy #GrandMatin
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"Il y a des problèmes de formation et d’encadrement pour certains éducateurs"
La justice aura-t-elle les moyens d’appliquer cette loi ?
“La justice est déjà dans une situation problématique, c’est vrai, mais la mesure est finançable. La proposition de loi prévoit une taxe additionnelle sur le tabac. Ce n’est pas une question de coût, mais de droits fondamentaux. La France était en retard, elle a rattrapé ce retard.”
Le vote à l’unanimité est-il un signal fort ?
“269 voix pour, zéro contre. Cela montre une cohésion nationale et un consensus sur le sujet.”
Au-delà de la loi, il manque aussi des éducateurs, parfois sans qualification spécifique.
“Le rapport de la commission d’enquête parlementaire a fait remonter ces informations. Il y a des problèmes de formation et d’encadrement pour certains éducateurs. Je ne dis pas tous. Beaucoup sont très engagés, parfois en burn-out. Tout est une question d’équilibre. Il faut repérer les dérapages et les sanctionner.”
Les départements dénoncent aussi le poids croissant des mineurs non accompagnés.
“C’est une réalité. Il y a un nombre croissant de mineurs non accompagnés. Comme ce sont des mineurs, la France ne peut que les accueillir. Il faut mettre les moyens et aider les départements qui, pour certains, sont à bout de souffle. Ils investissent des milliards dans la protection de l’enfance.”
Vous appelez à une réforme globale.
“Il ne faut pas se renvoyer la balle. Il faut un plan Marshall de la protection de l’enfance. Ça doit être une priorité pour la France.”
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Avec quel horizon ?
“Pour 2026, il faut une année dédiée à la protection de l’enfance et à la lutte contre la traite des êtres humains.”
Certains foyers sont présentés comme des « machines à prostitution » des mineurs. Partagez-vous ce constat ?
“Je ne valide pas cette image. Il y a des situations extrêmement graves, mais il ne faut pas caricaturer. Il y a surtout des adultes et des réseaux extrêmement malveillants qui exploitent la vulnérabilité de ces enfants. Ce sont ces gens-là qu’il faut arrêter et sanctionner.”
Un avocat pour chaque enfant de l'ASE : "Tout va changer"
Les scandales se multiplient autour de l’Aide sociale à l’enfance, avec notamment cette vidéo d’un enfant tondu comme sanction. Rachida Dati parle d’un « règne de l’omerta ». Est-ce votre sentiment ?
“Manifestement, dans l’affaire qui nous préoccupe, les choses n’ont pas été portées à la connaissance des autorités administratives et judiciaires dans des temps raisonnables. Ça interroge, évidemment. Est-ce que c’était le matin, est-ce que c’est une volonté de ne pas le révéler ? C’est une enquête qui va le déterminer. Ce qui est certain, c’est la difficulté de repérer ces situations.”
Les cas révélés récemment sont-ils isolés ?
“Le cas de ce petit garçon me fait penser à bien d’autres histoires, notamment un jeune, Eliott, qui s’était suicidé. Je pense aussi à une jeune fille qui s’était suicidée. Le placement, c’est quelque chose de très compliqué à vivre. Ce sont des enfants déjà fragilisés, il ne faut pas les fragiliser davantage.”
Que devrait être la priorité selon vous ?
“Il faut les accompagner, les aider, assurer leur sécurité. C’est absolument indispensable. Et s’il y a des dérapages, ils doivent être sévèrement sanctionnés de façon totalement exemplaire.”
Les associations qui gèrent certains foyers sont-elles suffisamment contrôlées ?
“Je ne sais pas si c’est le cas partout en France, ça m’étonnerait. En revanche, ce que nous avons constaté à la lecture du rapport de la commission d’enquête parlementaire, c’est que lorsque des collectivités sous-traitent à des entités qui ne sont pas suffisamment encadrées et contrôlées, ça pose clairement une difficulté.”
Pourquoi est-ce si problématique ?
“On parle de l’exécution d’une mission de service public : la prise en charge d’enfants identifiés comme étant en danger dans leur famille et exfiltrés pour être protégés. L’idée, c’est qu’ils soient aidés, pas exposés à des risques particuliers.”
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