Ancien ministre chargé de la Ville et du Logement, puis ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie était l'invité exceptionnel de Christophe Debien dans "La Planète demain" sur l'antenne de Sud Radio. Après avoir quitté la politique en 2022, l'ancien ministre d'Emmanuel Macron occupe désormais le poste de Chief Impact Officer chez Swipp, une plateforme de gestion des données ESG qui aide les entreprises à atteindre leurs objectifs de durabilité. Mais l'ancien secrétaire d’État en 2017 auprès du ministre de la Cohésion est également senior advisor chez Raise, une entreprise d’investissement pour une économie responsable et durable.
A ces divers titres, Julien Denormandie a livré son expertise sur différents sujets environnementaux, dont celui de la politique environnementale européenne.
Elisabeth Quin, réalisatrice de "Edward Abbey, naturellement subversif !", ce soir sur Arte : "Il luttait pour la défense de l'environnement à travers des textes sublimes qui inspiraient les gens à marcher, dans le vivant et la nature"#SudRadioMedia pic.twitter.com/ARzupfQMqg
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Quel regard portez-vous sur les discussions européennes sur la réglementation et sur la CSRD (directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises) ?
"On le voit bien à l'échelle internationale aujourd'hui qu’il y a une dynamique aux États-Unis, en Argentine, qui consisterait à dire que le problème de toutes les compétitivités, c'est la réglementation. Ce qui consisterait à dire : pour augmenter notre compétitivité, on n’a qu'à tout déréguler. On voit bien les États-Unis et d'autres pays essayer d'emporter l'Europe dans une course effrénée à la compétitivité coût. Et pourquoi je suis sévère là-dessus ? Parce que je pense que l'avenir de l'Europe, c’est évidemment d'améliorer sa compétitivité-coût, on le sait tous, et il y a plein de choses qu'on peut faire en termes d'investissement. Mais c’est aussi d'assumer qu’au-delà de la compétitivité-coût, il y a ce qu'on appelle la compétitivité valeur."
"Quand on voit les États-Unis d'Amérique avec le gaz de schiste..."
Selon vous, les produits ne sont pas respectés de la même manière en fonction des pays ?
Oui, des produits faits en Europe ne sont pas faits de la même manière que dans d'autres territoires à travers le monde. La prise en compte de l'environnement, la préservation des ressources, la préservation des êtres humains, doit aussi être un facteur de compétitivité. Et ça, la réglementation européenne, la fameuse CSRD, c'était un des jalons pour y parvenir. C'est-à-dire que ça permettait de dire : toute entreprise, y compris américaine, qui veut faire du business en Europe, vous devez vous soumettre à cette réglementation. Et cette réglementation, elle paraissait complexe, donc il faut la simplifier, mais dans sa vision. Elle est très importante parce que est-ce que le futur de l'Europe, c'est la compétitivité-coût ? Quand on voit les États-Unis d'Amérique avec le gaz de schiste, ou la Chine avec des niveaux de salaire sans commune mesure avec ce qui se passe en Europe... Ou est-ce que le devenir de l'Europe, il est aussi sur la compétitivité valeur ? C'est-à-dire oser une forme de protectionnisme sur la valeur environnementale."
Une étude réalisée par « Agir pour l’environnement » alerte sur les particules issues des pneumatiques
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"L’enquête est à charge : ils ont tout simplement oublié de consulter les manufacturiers. Ça aurait permis de donner un éclairage tout à fait différent"
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Vous considérez également que la compétitivité-coût doit être améliorée ?
“Et pour moi, c'est ça la vision de l'Europe. Elle doit assumer cela, faire des réglementations extraterritoriales là-dessus, et assumer de dire : une production européenne n'est pas faite dans les mêmes conditions que beaucoup d'autres productions à travers le monde. Parce que préserver l'environnement, il ne faut pas se mentir, ça a un coût. Il faut l'assumer, il faut l'expliquer, et il faut en faire demain un aspect de compétitivité, celle de la valeur.”
"La taxe carbone peut être décriée mais moi, je pense qu'il faut aller sur la production finie"
Jusqu’à quel point jugez-vous la taxe carbone utile pour atteindre les objectifs climatiques de l’UE ?
"Si aujourd'hui on prend une production totalement décarbonée en Europe, qui peut coûter plus cher parce que ça nécessite de faire d'autres process de production, de prendre en compte des sources d'énergie dont l'investissement initial est plus coûteux parce que ça implique de changer ce qu'on avait l'habitude de faire, est-ce que ces productions-là - où on sait que d'un pur point de vue compétitivité-coût qu'on va perdre par rapport à la compétition internationale - doivent être protégées par des taxes carbone aux frontières ? Moi, je pense que oui. La taxe carbone, elle peut être décriée mais moi, je pense qu'il faut aller sur la production finie."
Etes-vous en adéquation avec ces accords de libre-échange ?
“Je suis pour le commerce international, je suis pour une Europe qui exporte, je suis pour ces échanges. En même temps, je suis pour un protectionnisme environnemental, et je l'assume, un protectionnisme de la valeur. Je l'ai vécu quand j'étais ministre de l'Agriculture : quand vous importez des biens agricoles que vous n'auriez même pas eu le droit de produire dans votre pays, ça rend dingue. Parce qu'au supermarché, vous avez un blanc de poulet français qui se retrouve à côté d'un blanc de poulet brésilien qui, lui, est fait avec des antibiotiques de croissance, pratique interdite depuis plus de 15 ans en Europe. Ces distorsions de concurrence, ça détruit en fait la préservation de l'environnement.”