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Cécile Guillou (Picard Surgelés) : "Les entreprises ont une voix qu'il faut entendre"

Par Aurélie Giraud

ENTRETIEN SUD RADIO - Fêtes de Noël, consommation, moral des entreprises : Cécile Guillou, présidente de Picard Surgelés, était “L’invitée politique” sur Sud Radio.

Cécile Guillou entreprises
Cécile Guillou, présidente de Picard surgelés, interviewée par Jean-François Achilli sur Sud Radio, le 2 décembre 2025, dans “L’invité politique”.

Pouvoir d’achat, fiscalité, stabilité économique, avenir de la grande distribution et rôle des entreprises françaises. Au micro de Sud Radio, Cécile Guillou a répondu aux questions de Jean-François Achilli.

"On ne peut pas se permettre de changer de direction tous les quatre matins"

Jean-François Achill : La France traverse une période de grande instabilité, trois Premiers ministres en un an, et un budget qui patine. Comment les entreprises vivent-elles ce contexte ?
Cécile Guillou, présidente Picard Surgelés :"Les entreprises s’inscrivent dans le temps long. Picard existe depuis 1906, et on doit s’inscrire dans le temps long, y compris pour le futur, notamment pour nos budgets et nos investissements."

Vous parlez de chaos, d’instabilité. Comment définiriez-vous la situation actuelle ?
"Ce qui est important, au-delà des aléas du quotidien, c’est de fixer un cap et de s’y tenir. C’est très important pour le ciment de la société que les entreprises jouent ce rôle de stabilité. Et après, au quotidien, on ajuste nos actions en fonction des retours des clients, des collaborateurs et parfois des aléas économiques."

Un rapport de la Cour des comptes préconise de taxer davantage les hauts patrimoines. Les entrepreneurs sont-ils aujourd’hui montrés du doigt ?
"Les entreprises doivent garder leur sang-froid et leur calme, parce qu’elles s’inscrivent dans le temps long. On ne peut pas se permettre de changer de direction tous les quatre matins. C’est très important pour la société, pour les collaborateurs, d’avoir cette stabilité et cette visibilité."

Les débats budgétaires à l’Assemblée, cette “foire aux taxations”, vous effraient-ils ?
"Pour l’instant, on attend l’issue du processus budgétaire pour savoir ce qu’il va en être. Il faut garder la tête froide. Et nous entrons dans une période très importante pour Picard, celle des fêtes, donc nous restons très concentrés."

Justement, dans ce contexte, comment évolue le panier moyen des Français ?
"Le pouvoir d’achat est une préoccupation majeure pour chacun, et c’est bien normal. Heureusement, dans les produits alimentaires, la dimension plaisir reste au cœur des achats. On peut se faire plaisir avec des choses simples, et c’est ce que nous voulons permettre à chacun. Notre meilleure vente, et de très loin, ce sont les haricots verts extra fins !"

Cela veut dire que les produits simples restent les plus achetés ?
"Oui, les produits bruts – légumes, fruits, viandes, poissons – représentent 50 % de notre chiffre d’affaires. La cuisine d’assemblage du quotidien reste une façon accessible de se faire plaisir, sans gaspillage."

"La proximité a un très bel avenir"

Les habitudes de consommation ont-elles changé ?
"Oui, mais plutôt sur le temps long. La taille des foyers diminue, donc les produits une part ou deux parts sont davantage recherchés. Les petits conditionnements aussi, parce que les jeunes ont de petits congélateurs. C’est un mouvement de fond."

Vous parlez souvent d’innovation chez Picard. Qu’est-ce que cela représente concrètement ?
"L’innovation produit est un atout majeur : nous créons chaque année 250 nouveaux produits. Cela signifie que 20% de notre magasin change tous les ans. C’est inédit dans l’alimentaire, et cette innovation permanente permet de s’adapter aux coûts des matières premières et aux nouvelles tendances culinaires."

Vous réalisez près d’un quart de votre chiffre d’affaires à Noël. C’est colossal. Comment vous préparez-vous à cette période ?
"Effectivement, 23% de notre chiffre d’affaires se fait sur 7 semaines. C’est très concentré et intense. Nous proposons 150 produits pour les fêtes, des apéritifs jusqu’aux bûches de Noël, dont 25 créations exclusives à partir de 8 euros. L’an dernier, nous avons vendu plus de 2 millions de bûches !"

Les Français, malgré la crise, sont-ils encore prêts à dépenser ?
"Ils sont surtout prêts à se faire plaisir. Un dessert peut aller de 3,50 à 28 euros. Toutes les gammes de prix existent pour permettre à chacun de se faire plaisir."

Et c’est vous qui goûtez tout cela ?
"Je goûte Noël en avril ! Nous avons une équipe de plus de 30 personnes qui imaginent et conçoivent nos produits. Nous préparons Noël presque un an à l’avance."

Votre entreprise gagne des parts de marché et vous avez annoncé vouloir conquérir un million de nouveaux clients. Comment faire dans un contexte aussi tendu ?
"Nous avons aujourd’hui 7 millions de clients. Nous continuons à ouvrir des magasins – 40 par an – et à développer le digital, qui croît à deux chiffres avec la livraison express et le click & collect."

Les grandes enseignes comme Auchan se replient. Le modèle des hypermarchés est-il en train de mourir ?
"Le modèle auquel je crois, c’est celui des enseignes de proximité. Les tendances socio-démographiques vont dans ce sens : des foyers plus petits, une population vieillissante, une recherche de praticité. Nos magasins font 250 m², et l’objectif est d’être à moins de 15 minutes de chaque Français."

Les grandes surfaces périphériques appartiennent-elles au passé ?
"Le modèle de proximité a le vent en poupe. Il est complémentaire, mais je suis convaincue que la proximité a un très bel avenir."

"Les entreprises ont une voix qu'il faut entendre"

Votre modèle fonctionne bien en France. Envisagez-vous un développement à l’international ?
"Picard est une entreprise française indépendante, appartenant à une famille. Sur les territoires francophones, nous développons le modèle Picard complet. À l’étranger, nous avançons comme marque de surgelés premium, car la demande pour ce type de produits augmente beaucoup."

Dans quels pays ?
"Nous sommes déjà présents en Europe continentale, notamment en Angleterre et aux Pays-Bas. L’idée est d’être dans les rayons des grands supermarchés comme marque de surgelés premium, avec nos croissants ou nos plats signatures."

Sur la qualité et la traçabilité, comment garantissez-vous la fiabilité des produits ?
"La qualité chez Picard, c’est indétronable. Nous ne dérogeons jamais à nos exigences. 70 % de nos produits sont fabriqués en France, et le deuxième pays d’origine, c’est l’Italie."

Peu de patrons français s’expriment sur le débat économique et fiscal. Les dirigeants devraient-ils davantage prendre la parole ?
"Les entreprises ont une voix qu’il faut entendre, et c’est une voix qui doit s’inscrire dans le moyen terme, au minimum. Elles ont un rôle très important en ce moment. Nous avons un réseau d’entreprises françaises incroyable, dont on ne parle pas assez."

Et sur le plan fiscal, les entreprises sont-elles devenues les “vaches à lait” de l’État ?
"Les entreprises françaises ont besoin d’investir pour continuer à se développer. Pour cela, il faut un minimum de visibilité et un climat de confiance."

Retrouvez "L’invité politique" chaque jour à 8h15 dans le Grand Matin Sud Radio

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