Le cafouillage sur la suspension de la réforme des retraites, le Budget 2026, les hausses d'impôts... Au micro de Sud Radio, Thomas Ménagé (RN) a répondu aux questions de Jean-François Achilli.
"Emmanuel Macron essaie de continuer à exister, alors même que tout le monde a déjà tourné la page."
Jean-François Achilli : Suspendue ou simplement décalée, la réforme des retraites ?
Thomas Ménagé : "C’est peu ou prou la même chose. Dans tous les cas, les Français se font avoir. On va décaler d’un an, mais à un moment, elle s’appliquera. Aujourd’hui, ça ne va rien changer réellement pour les Français. C’est juste une embrouille qui a été mise en place par les socialistes pour gagner du temps. Et Emmanuel Macron a eu raison. Ce n’est pas suspendu, c’est reporté d’un an. Mais à un moment, après cet année-là, vraisemblablement la loi va s’appliquer. Sauf si, d’ici là, 2027 arrive, avec un nouveau gouvernement, un nouveau président de la République et un nouveau cap qui reviendra sur cette réforme."
Vous avez entendu quand même les mots d’Emmanuel Macron, depuis la Slovénie, quand il dit que c’est le Premier ministre qui a fait un choix. Je résume : il dit que ce n’est ni la suspension ni l’abrogation. Lui, il dit que c’est un décalage. Vous y étiez hier à l’Assemblée nationale, aux questions au gouvernement, quand Sébastien Lecornu répondait au socialiste Boris Vallaud en disant : « la suspension, elle sera grosso modo ancrée dans le texte ». Comment vous expliquez l’attitude du président ?
"C’est le président de la République, comme toujours. Emmanuel Macron, il sait toujours bordéliser, même depuis l’étranger. C’est-à-dire qu’il sent bien qu’il n’a plus la main sur rien, pas directement. Il y a des débats à l’Assemblée nationale, il a mis le bazar à plusieurs reprises et il essaie de continuer à exister, alors même que tout le monde a déjà tourné la page d’Emmanuel Macron, au sein même de son propre camp. D’Édouard Philippe à Gabriel Attal, ils sont tous déjà passés à autre chose. Donc il essaie de rappeler qu’il existe encore."
Jean-François Achilli : Vous dites qu’il « bordélise », je vous cite. Est-ce qu’il savonne la planche de son Premier ministre ? Parce qu’il parle d’autre chose quand même.
Thomas Ménagé : "Je ne suis pas dans la tête d’Emmanuel Macron. Mais indirectement, oui, il n’aide pas Sébastien Lecornu. C’est-à-dire que quand Sébastien Lecornu est obligé de sortir les rames pour essayer de revendre cet accord avec les socialistes et d’expliquer que les socialistes ne se font pas avoir, et surtout que les Français ne se font pas avoir, c’est vrai que ça n’aide pas le Premier ministre, clairement."
Olivier Faure et le Parti socialiste se sont fait rouler dans la farine selon vous ?
"Je pense qu’on va arriver à un moment de vérité, au moment du vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, à la fois pour les LR et pour les socialistes. Mais nous, on est clairs : on n’acceptera pas, en échange d’un report d’un an de l’application d’une réforme, la désindexation des retraites qui est bien aujourd’hui dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le doublement des franchises et tout un tas d’horreurs qui vont faire souffrir les Français.
On ne peut pas, même si c’est une avancée – trois mois de départ plus précoce à la retraite pour certains – sacrifier tout le reste de la population avec des retraites qui vont baisser, des Français qui vont s’appauvrir, et des Français qui travaillent et souffrent déjà énormément."
"On est partants aujourd’hui pour retourner aux urnes, pour censurer, pour obtenir une dissolution."
Jean-François Achilli : Où en est votre envie de censure, Thomas Ménagé ? Vous êtes toujours partant pour appuyer sur le bouton à la première occasion ?
Thomas Ménagé : "Si, si. On est partants aujourd’hui pour retourner aux urnes, pour censurer, pour obtenir une dissolution. Clairement, ce budget, c’est une catastrophe : +28 milliards de dépenses, on ne fait pas d’économies alors qu’on sait très bien que la priorité, c’est de faire des économies. Et dans le même temps, on augmente de 19 milliards les recettes fiscales, donc les prélèvements, les impôts sur les Français. "
"Donc aujourd’hui, il n’y a aucun doute : on veut appuyer encore une fois sur le bouton quand il faudra le faire, pour obtenir une dissolution. Là, on va être dans les débats budgétaires. On ne peut pas déposer des motions de censure tout le temps. Dès qu’on pourra le faire, on essaiera de faire tomber ce gouvernement."
Vous avez lu Bruno Retailleau dans Le Figaro ce matin : « En l’état, le projet de budget de l’exécutif est invotable. » C’est ce que dit le président des LR. Les Républicains ne s’interdisent aucun débat, y compris celui de la censure. Est-ce que vous allez tendre la main au patron des Républicains ?
"Je ne comprends pas Bruno Retailleau, parce qu’en fait, ce qui le bloque, ce sont les hausses d’impôts dans ce budget. Alors même que quand il y a eu Michel Barnier, il y a eu 30 à 40 milliards de propositions de hausse d’impôts, et là, les Républicains n’étaient pas choqués. Après, s’il revient à la raison et qu’il veut aujourd’hui changer de cap, nous, on l’a toujours dit : s’il y a des Républicains sincères qui veulent couper réellement avec le macronisme…"
" J’ai un peu de mal avec M. Retailleau, qui a siégé avec des socialistes pendant des mois au Conseil des ministres à se dire qu’aujourd’hui il veut couper avec le macronisme, couper avec ces budgets qui font souffrir les Français et augmentent les impôts. Mais bon, il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis. "
"Non, on n’est pas pour la retraite à 60 ans."
Jean-François Achilli : Mais vous aussi, vous êtes sur les hausses d’impôts. Je sais que Marine Le Pen présente son contre-budget demain. Vous n’allez pas nous le révéler, mais vous parlez d’un impôt sur la fortune financière. Vous voulez faire payer les riches ?
Thomas Ménagé : "Mais non, on ne veut pas bêtement faire payer les riches. On s’oppose à la taxe Zucman. Notre proposition est simple : il faut la détailler. L’impôt sur la fortune financière, ce n’est pas un nouvel impôt. On change l’impôt sur la fortune immobilière actuel pour le remplacer par un impôt sur la fortune financière. Qu’est-ce qu’il y a dedans ? On exclut les biens professionnels, c’est-à-dire ceux qui créent de la richesse et de l’emploi. On exclut les parts dans les PME et les ETI, et la résidence principale."
Vous jouez sur les mots. Ce sont des hausses d’impôts aussi.
"Oui, mais ces hausses d’impôts sont là pour permettre des baisses sur les classes populaires et les classes moyennes. Il faut baisser la TVA, relancer notre économie. Aujourd’hui, il y a des hausses d’impôts sur l’ensemble des Français, les plus riches comme ceux qui souffrent le plus."
Quand Emmanuel Macron parle d’un référendum sur les retraites, vous y êtes favorable ?
"Ça fait trois ans que je suis député. Je crois qu’on m’a interrogé quinze fois sur des idées de référendum d’Emmanuel Macron. Il n’en a jamais fait : ni sur l’écologie, ni sur l’immigration, ni sur les retraites. Il n’y aura jamais de référendum, parce qu’Emmanuel Macron a peur du peuple. Après, sur le principe, on y est favorables. "
Pour bien comprendre, vous êtes toujours pour la retraite à 60 ans ?
"Non, on n’est pas pour la retraite à 60 ans. C’est le programme de la gauche. Depuis longtemps, notre programme, c’est 60 ans pour ceux qui ont commencé avant 20 ans, et 62 ans avec 42 annuités pour les autres. On ne peut pas promettre ce que promet la gauche : 60 ans pour tous. Ce n’est plus possible, évidemment."
Jean-François Achilli : Jordan Bardella semble vouloir mettre cette question de côté, et se concentrer sur le pouvoir d’achat. Vous, vous êtes pour partir plus tard, comme la tendance européenne ?
"J’entendais quelqu’un dire qu’en Allemagne, on part à 65 ou 67 ans. Oui, mais là-bas, on cotise 18 % chaque mois sur sa fiche de paie. En France, c’est 28 %. Donc ce n’est pas le même système. Il y a des pays avec de la capitalisation, d’autres non. En France, on cotise beaucoup plus, donc on part plus tôt. On ne peut pas avoir la double peine : cotiser beaucoup et partir tard."
Que pensez-vous de la proposition du rapporteur général du budget, le LR Philippe Juvin, d’inciter les fonctionnaires d’État volontaires à démissionner en leur versant 70 % de leur salaire brut pendant dix ans ?
"Non, on ne va pas payer des gens à être chez eux gratuitement. Il faut, dans certains secteurs administratifs, ne pas remplacer certains départs à la retraite. Il faut remettre des fonctionnaires sur le terrain, baisser le nombre dans certains services, oui, mais pas partout. Il faut aussi plus de policiers, d’infirmiers, de professeurs, mais moins de gens dans la paperasse."
Il propose aussi de transformer gratuitement les locataires de logements sociaux en propriétaires après 20 ans d’occupation. Bonne idée ?
"C’est pareil, il n’y a rien de gratuit. Nous, on croit à l’accession sociale à la propriété, c’est-à-dire permettre aux bailleurs sociaux de vendre des HLM à un tarif plus bas, pour des gens qui ont payé pendant 10, 15, 20 ans. Mais donner les logements, ça n’a aucun sens. "
"J’invite les électeurs LR à nous rejoindre."
Jean-François Achilli : Où en est l’union des droites ? Bruno Retailleau n’y croit pas.
"Je pense qu’il a raison sur un point : ce seront les électeurs qui décideront. Et les électeurs LR, vu leurs scores et ceux du RN, ont déjà décidé. J’invite les électeurs LR à nous rejoindre. Nous, on veut rassembler tous les Français, tous les patriotes sincères qui veulent couper avec le macronisme."
Nicolas Sarkozy a passé sa première nuit en prison. Sa présence à la Santé, ça vous choque ?
"Oui, ça me choque que Nicolas Sarkozy dorme en prison dans le cadre d’une exécution provisoire alors qu’il a fait appel et qu’il est présumé innocent. "
"Ce qui me choque surtout, c’est de voir, dans mon territoire, des délinquants arrêtés des dizaines de fois qui ne sont jamais emprisonnés. Ils continuent à emmerder les Français au pied des immeubles, alors que lui, ancien président de la République, est incarcéré. C’est une justice à deux vitesses, à géométrie variable."
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