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Budget : "Ceux qui sont censés soutenir le gouvernement le plombent", affirme Charles de Courson

Par Aurélie Giraud

ENTRETIEN SUD RADIO - "citation" selon Charles de Courson, député LIOT de la Marne. Il était “L’invité politique” sur Sud Radio. 

Charles de Courson, budget
Charles de Courson interviewé par Jean-François Achilli sur Sud Radio, le 21 octobre 2025, dans “L’invité politique”.

Le Budget 2026 dont les discussions ont commencé à l'Assemblée nationale, la taxe Zucman, les efforts demandés aux retraités... Au micro de Sud Radio, Charles de Courson a répondu aux questions de Jean-François Achilli.

Jean-François Achilli : Vous allez nous éclairer sur ce qui se passe avec le budget en préparation, en commission. Mais tout d’abord, un mot sur l’actualité : Nicolas Sarkozy, qui s’apprête à rejoindre sa cellule à la prison de la Santé. Est-ce que c’est, à vos yeux, la place d’un ancien président de la République ?

Charles de Courson : "Vous savez, je suis un ancien magistrat de la République, et je m’abstiens de commenter publiquement des décisions de justice, car la seule garantie de nos libertés individuelles et collectives, c’est le respect de l’indépendance de la magistrature."

Emmanuel Macron qui le reçoit vendredi à l’Élysée avant sa détention, Nicolas Sarkozy, ou Gérald Darmanin, le garde des Sceaux, qui annonce qu’il va le visiter en prison. Est-ce que c’est, pour vous, quelque chose de l’ordre de l’exercice traditionnel des rites de la Ve République ?

"Je rappelle que dans la Constitution française, le président de la République est le garant de l’indépendance de la justice. Donc il faut faire attention."

Vous y voyez une contradiction ?

"Certains y voient une contradiction, oui. Je pense que quand on est garant de l’indépendance de la justice, il faut éviter de se mettre dans une situation où il peut y avoir des commentaires qui aillent dans le sens inverse de ce que demande la Constitution au président de la République."

"Le problème de fond, ce n’est pas la taxe Zucman, c’est l’optimisation fiscale, que permet un certain nombre de dispositions fiscales du droit français."

Jean-François Achilli : L’examen a débuté en commission. Est-ce que ce sera une foire d’empoigne ? Est-ce que ça va être bouclé à temps, ce budget ?

Charles de Courson: "Eh bien, je pense qu’on réussira en quatre jours, quatre jours et demi, à examiner les quinze amendements de la première partie. La première partie, c’est la partie “recettes”, si vous voulez. Ce qu’on voit à la commission, c’est qu’une partie de ceux qui sont censés soutenir le gouvernement non seulement ne le soutiennent pas, mais le plombent. On a vu des coalitions, d’ailleurs parfois hétéroclites, dans les différents votes. Je vous donne un exemple : le gouvernement proposait une taxe sur les holdings familiales, pour essayer de faire en sorte que ceux qui mettent dans une holding familiale les dividendes et qui les distribuent peu ou pas, soient taxés. Cette taxe a été repoussée. Il est vrai que, techniquement, cet article du projet de loi de finances ne tenait pas."

C’est plutôt une bonne chose, à vos yeux, qu’elle ait été repoussée, cette taxe sur les holdings ?

"Oui, je pense que ce n’était pas la bonne solution. Mais, si vous voulez, il y a des propositions alternatives. Moi, j’en avais fait quelques-unes, dont une d’ailleurs est passée : sortir du pacte Dutreil les biens qui n’ont pas de lien avec les activités professionnelles. Le pacte Dutreil est fait pour favoriser le transfert des entreprises, la transmission d’entreprises, pas pour faciliter la transmission des villas sur la Côte d’Azur ou de votre domicile personnel."

L’impôt exceptionnel sur les hauts revenus, l’impôt Barnier en quelque sorte, est pérennisé, celui-ci ?

"Tout à fait. J’ai soutenu personnellement l’amendement qui visait à maintenir cet impôt exceptionnel tant que le déficit public ne revient pas sous les 3 %. Cela me paraît plein de sagesse."

Jean-François Achilli : Que dites-vous de cette injonction à faire payer les riches aujourd’hui ? J’ai bien compris que la taxe Zucman avait été rejetée en commission, mais elle va revenir dans le débat général qui commence vendredi, c’est ça ?

Charles de Courson : "Oui. Faire payer les riches… Vous savez, Coluche, quand on lui demandait : “Qu’est-ce qu’un riche ?”, il répondait : “Est riche celui qui gagne plus que moi.” Donc là, il ne s’agit pas des riches, il s’agit des très très riches, puisque la taxe Zucman concernait les 1 800 familles dont le patrimoine dépasse 100 millions d’euros. Et je suis même étonné que, quand on interroge les Français, il n’y en ait que 85 % qui soient favorables et 15 % qui ne le soient pas. Mais la taxe Zucman n’est pas constitutionnelle. En plus, elle pose surtout des problèmes économiques, et elle n’est pas du tout adaptée."

"Le problème de fond, ce n’est pas la taxe Zucman, c’est que l’optimisation fiscale, que permet un certain nombre de dispositions fiscales du droit français, permet à des familles très riches de payer moins d’impôts en pourcentage de leurs revenus que les petits ou moyens riches. C’est de l’ordre de 25 %. Mais peu importe le chiffre : le problème, c’est quelles solutions on apporte. Moi, j’en ai proposé plusieurs : aménager la loi Dutreil, l’apport-cession… J’ai déposé toute une série d’amendements pour essayer d’éviter l’optimisation fiscale des fortunes les plus importantes de notre pays."

Est-ce que nous sommes dans un budget visionnaire, qui va nous ramener vers quelque chose de plus raisonnable, ou est-ce qu’on est dans du bricolage ?

"On voit bien que le discours des partisans du “bloc central” qui consistait à dire “il ne faut pas augmenter les prélèvements obligatoires, il faut baisser les dépenses publiques”, ce n’est pas ce que propose ce budget."

"Ce budget propose une hausse des prélèvements obligatoires de 19 milliards bruts, moins 5 milliards de réductions, donc environ 14 milliards nets. Et la réduction des dépenses représente environ 55 % de la réduction du déficit public. Le taux de prélèvements obligatoires augmente de 0,3 point."

Vous voulez dire qu’on ne réduit pas les dépenses aujourd’hui ?

"Pas suffisamment, en tout cas. C’est facile à dire, mais c’est plus difficile à faire. Et dans cette absence totale de majorité, réduire la dépense publique devient très compliqué."

Le délai imparti, 70 jours pourrait ne pas être tenu. Il est possible que ce budget n'arrive jamais à son terme et qu’arrivent les ordonnances du gouvernement ?

"Il n’y a pas que les ordonnances. On peut faire comme la fois dernière, c’est-à-dire une loi spéciale, comme l’année dernière, pour maintenir le fonctionnement régulier des services publics. Rien n’est écrit d’avance. Moi, je ne désespère pas qu’il y ait des compromis permettant de voter la première partie. Mais ce n’est pas certain."

Vous êtes élu depuis 1993… Une motion de censure peut arriver ?

"Rien n’est exclu. Tout repose sur nos collègues socialistes. Lors de la dernière motion de censure, ils ne l’ont pas votée, sauf une petite aile dure. Ça s’est joué à 18 voix. Si on n’arrive pas à des compromis entre gens raisonnables, oui, une motion de censure ou un rejet du texte pourraient amener à voter une loi spéciale, voire à des ordonnances."

Sébastien Lecornu navigue à vue ?

"Il le dit lui-même : c’est le Premier ministre le plus fragile de la Ve République. Il n’a aucune majorité, ni absolue ni relative. Il faut donc trouver des compromis."

"Il y a plusieurs mesures tout à fait excessives, voire injustes, concernant les retraités."

Jean-FrançoisAchilli : Il est prévu une année blanche pour les retraités ? Qu’est-ce qui va sortir du chapeau ?

Charles de Courson : "Il y a plusieurs mesures tout à fait excessives, voire injustes, concernant les retraités. La première, c’est la suppression de l’abattement de 10 %, plafonné actuellement à 4 400 €. Je fais partie de ceux qui disent qu’il ne faut pas supprimer les 10 %, mais jouer sur le plafond, car 4 400 € n’est pas conjugalité. C’est 4 400 € pour un célibataire, mais aussi 4 400 € pour un couple. Ce n’est pas juste. La justice serait de conjugaliser : 4 400 € pour un couple, donc 2 200 € pour un célibataire. C’est l’amendement que j’ai déposé."

Mais il est demandé à tous les Français de faire un effort, cela concerne aussi les retraités, non ?

"Oui, mais le gel des pensions, prévu implicitement par la loi de financement de la Sécurité sociale, n’est pas juste. Nous préconisons un gel au-delà de la retraite moyenne, de l’ordre de 1 800 € par mois, et de maintenir le pouvoir d’achat des petites retraites."

On va vers une hausse des impôts, de la fiscalité ?

"Oui, mais c’est ce qu’a proposé le gouvernement : 19 milliards bruts d’augmentation d’impôts, environ 14 milliards nets, et une vingtaine de milliards de réduction des dépenses."

Vous avez réussi à faire passer votre amendement sur l’impôt sur le revenu ?

"Oui. J’ai expliqué à nos collègues qu’il n’était pas raisonnable de geler totalement le barème, car cela rendrait imposables 150 000 à 200 000 concitoyens supplémentaires. Les collègues m’ont suivi."

Retrouvez "L’invité politique" chaque jour à 8h15 dans le Grand Matin Sud Radio

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