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Aurélien Rousseau : "Les débats sur le Budget vont être violents"

Par Aurélie Giraud

ENTRETIEN SUD RADIO - "La censure, elle, est toujours possible" selon Aurélien Rousseau, député Place publique des Yvelines et ancien ministre de la Santé. Il était “L’invité politique” sur Sud Radio. 

Aurélien Rousseau
Aurélien Rousseau interviewé par Jean-François Achilli sur Sud Radio, le 16 octobre 2025, dans “L’invité politique”.


La suspension de la réforme des retraites, la décision du Parti Socialiste de ne pas censurer Sébastien Lecornu, les débats tendus qui s'annoncent sur le Budget 2026... Au micro de Sud Radio, Aurélien Rousseau a répondu aux questions de Jean-François Achilli.

"Ça fait parfois un peu de bien de dire qu’on s’est plantés"

Jean-François Achilli : Vous avez applaudi le Premier ministre Sébastien Lecornu lorsqu’il a annoncé la suspension de la réforme des retraites. Je rappelle que vous aviez contribué à la lancer lorsque vous étiez le directeur de cabinet d’Élisabeth Borne à Matignon.

Aurélien Rousseau : "Absolument. Mais je crois que, peut-être, il faut le dire, que ça fait parfois un peu de bien de dire qu’on s’est plantés. Moi, je considère qu’il faut une réforme des retraites. J’étais là à l’époque pour essayer aussi de la construire avec les partenaires sociaux, de trouver un accord."
"Je suis parti sur un échec, sur un sentiment d’échec. C’est un échec de ne pas réussir à trouver un accord avec les partenaires sociaux dans ce pays. C’est un échec de ne pas avoir replacé la question des retraites dans la question globale du travail. Et peut-être, ce que j’avais sous-estimé – parce que là aussi, il ne faut pas se raconter d’histoire – c’était la blessure, la déchirure plus profonde, démocratique, créée par le 49.3. Quand on est dedans, on le voit moins."

J-F Achilli : Vous savez ce qu’on entend dire parfois : Aurélien Rousseau, il a retourné sa veste.

A. Rousseau : "En fait, j’appelle tous ceux qui ont des vestes, et surtout de jolies doublures. Moi, j’ai été directeur de cabinet, identifié comme un type de gauche. Quand je suis devenu ministre et que j’ai eu un désaccord, je suis parti."

J-F Achilli : Vous êtes parti avec la loi immigration.

A. Rousseau : "Absolument. Je suis parti avec la loi immigration. Une fois que j’étais en responsabilité politique, là c’était moi qui étais en première ligne. Et donc quand j’ai dû partir, je  suis parti."

J-F Achilli : Sébastien Lecornu a cédé à une menace d’Olivier Faure ? On parle de compromis, de deal aujourd’hui, mais en réalité Olivier Faure fait peser une menace de censure possible avec les soixante-neuf députés au Premier ministre. En fait, vous faites exactement ce que faisait Marine Le Pen il y a un an avec Michel Barnier, c’est la même histoire.

A. Rousseau : "Alors, premièrement, moi je pense que c’est toujours mieux quand c’est le Parti socialiste et les apparentés qui sont au centre du jeu politique plutôt que le Rassemblement national. Et par ailleurs, là je ne suis pas d’accord avec vous : le compromis, il y a beaucoup plus de croyants que de pratiquants."

"La suspension jusqu’à 2027, on est prêts à bouger, on est prêts à aller sur une non-censure a priori, alors qu’aujourd’hui, et puis on verra dans deux mois, il y a encore, dans le budget de la Sécurité sociale ou dans le projet de budget pour l’État, des choses qui nous heurtent profondément."

J-F Achilli : Vous pensez à quoi ?

A. Rousseau : "Par exemple, sur le plan de la santé, l’augmentation de la dépense de santé est trop faible par rapport à ce que ça va être en général. Ça va créer du déficit hospitalier. Et puis il y a des projets sur les baisses de remboursement, des projets sur, par exemple, la fiscalisation des indemnités journalières. Tout ça n’est pas acceptable. "

"Après, la question, c’est : est-ce qu’on fait le pari du débat parlementaire, ou est-ce qu’on fait le pari de dire aujourd’hui, tout de suite, on provoque une censure et une dissolution ?"

"A la fin, on prendra nos responsabilités, et la censure, elle, est toujours possible"

J-F Achilli : Donc vous faites le pari du débat parlementaire. Vous avez vu ce qu’a dit Manuel Bompard ? Le Parti socialiste, dans cette histoire, s’est fait rouler dans la farine, dit-il. D’abord, il dit que c’est au fond une réforme qui n’est que décalée mais qui sera effective à partir de 2028. Et il explique que si on dépasse les cinquante jours, il est possible qu’à la sortie ce soit la loi Borne qui s’applique, celle-là même que vous critiquez aujourd’hui. C’est possible tout ça ?

A. Rousseau : "Premièrement, c’est la première fois que j’entends Manuel Bompard douter de la victoire de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. Parce que si Mélenchon gagne la présidentielle, il aura le temps de changer la réforme des retraites. C’est précisément ce que nous avons obtenu. Nous avons obtenu, pour trois millions et demi de personnes, un décalage de l’entrée en vigueur de la réforme. Donc c’est la présidentielle qui va être le juge de paix."

"Ensuite, on est toujours, quand on est social-démocrate, le traître de quelqu’un. On est des traîtres un peu ontologiques, donc il faut s’y faire. Moi je sens qu’on ne se bat pas avec la vie des gens comme décor, on se bat pour faire changer la vie des gens. Donc oui, on a pris cette avancée, et si elle n’est pas tenue pour une raison ou une autre, vous évoquiez toutes les possibilités, et bien à la fin, on prendra nos responsabilités, et la censure, elle, est toujours possible."

J-F Achilli : Est-ce que vous êtes pour ou contre la taxe vapotage ? On va taxer ceux qui vapotent pour arrêter la cigarette.

A. Rousseau : "Non. Moi, autant j’ai porté l’interdiction des puffs – vous savez, ces vapoteuses plutôt pour les jeunes et pour rentrer dans la cigarette – autant j’ai porté l’interdiction de la cigarette dans les lieux publics, dans les parcs, devant les écoles."

"C’est vrai qu’il y a des gens qui vapotent alors qu’ils n’ont jamais fumé mais pour moi ce n’est pas l’essentiel de ce qu’on doit faire. Autant taxer les grands groupes qui font de la bouffe ultra-transformée, qui crée l’obésité. Et ça, je suis à fond pour, parce que l’obésité, c’est le mal du siècle. Autant sur le vapotage, je crois qu’il faut qu’on remette les choses à leur place, dans l’ordre des priorités."

"On entre dans un débat, le PLF et le PLFSS, où ça va être violent"

J-F Achilli : Le gouvernement prévoit de geler les APL et de les supprimer pour les étudiants étrangers hors Union européenne non boursiers. On parle de 300 000 jeunes. Vous validez ça ?

A. Rousseau : "Non. Mais ça fait partie des sujets où ça va être violent. On entre dans un débat, le PLF [NDLR : Projet de loi de finances] et le PLFSS [NDLR : Projet de loi de financement de la sécurité sociale] où ça va être violent. Et on va essayer de construire des majorités."

"Soit on croit que l’Assemblée nationale est le lieu où ça se décide, soit on croit que c’est juste un théâtre. Et à ce moment-là, effectivement, on laisse tomber et on attend tous la présidentielle en s’envoyant à la figure les mots de traître, de vendu ou ce qu’on entend toute la journée."

J-F Achilli : La taxe Zucman, vous allez vous battre pour qu’elle soit appliquée ou pas ? Parce que c’est très décrié techniquement.

A. Rousseau : "Je dois dire que la piste d’une taxe sur les holdings – comment ça passe sous l’impôt – c’est un sujet sur lequel il faut bosser. C’est plus là-dessus qu’il faut travailler, plus que sur Zucman à proprement parler."

J-F Achilli : Un dernier mot avec vous. Je rappelle que vous êtes député de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines. C’était il y a tout juste cinq ans jour pour jour. Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, était victime d’une attaque terroriste islamiste. Vous avez rendu hommage sur X, salué les mots de Gaëlle Paty, la sœur du professeur assassiné, qui dit que les minutes de silence dans les établissements scolaires sont parfaitement inutiles. Les profs ont peur. Ça vous a marqué ?

A. Rousseau : "Oui, ça m’a marqué. Ça me marque parce que j’ai commencé ma vie professionnelle comme prof d’histoire-géographie. Quand on est prof, on l’est toute sa vie. Je repense souvent à Samuel Paty, à tout ce qu’il a dû avoir dans la tête. Moi je me rappelle déjà, il y a vingt-cinq ans, comment je devais prendre mon souffle pour parler de certains sujets. C’était avant les caricatures, c’était avant tout ça."

"Je pense à sa solitude, je pense aux discussions que j’ai eues au collège qui porte aujourd’hui son nom, le collège Samuel-Paty, avec des profs dans toutes les disciplines qui disent : “on hésite à parler de certains sujets”, et c’est ça qu’il faut travailler. C’est ça que dit Gaëlle Paty, plus que les minutes de silence ou les noms de collèges. Et donc moi, ce que je pense, c’est qu’il faut rompre cette solitude des profs face à ça."

Retrouvez "L’invité politique" chaque jour à 8h15 dans le Grand Matin Sud Radio

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