Coalition gouvernementale, réforme des retraites, accusations d’Alexis Corbière, avenir de la droite, union de la droite : Au micro de Sud Radio, Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, a répondu aux questions de Maxime Lledo.
"Je regrette que les socialistes prennent la réforme des retraites en otage"
Maxime Lledo pour Sud Radio : Hier, deux motions de censure ont été déposées par les oppositions. Elles ont échoué à 18 voix près. Si vous aviez été député, auriez-vous voté la censure ?
Jean-Pierre Raffarin : "Je pense que je ne l’aurais pas votée, même si je suis en désaccord avec le Parti socialiste quand il veut remettre en cause la réforme des retraites. Il faut aujourd’hui poursuivre la voie Lecornu, celle de la coalition et du compromis politique, pour garantir la stabilité à tout prix."
Même un homme de droite peut donc accepter de suspendre cette réforme ?
"Ce qui me choque, c’est que le Parti socialiste ait choisi ce thème-là. Je regrette qu’ils prennent la réforme des retraites en otage. J’aurais choisi, en pensant à la France, une autre stratégie. On envoie un message dangereux : quand une réforme est votée, elle n’est plus définitive. Cela fait perdre une crédibilité incroyable sur le plan international. La stabilité fera plus d’économies que cette réforme."
.@jpraffarin : "Je regrette que les socialistes prennent la reforme des #retraites en otage ! C'est irresponsable !" #GrandMatin
https://t.co/QKa5Efuc2W pic.twitter.com/gUpJajcMFY— Sud Radio (@SudRadio) October 17, 2025
Vous dites qu’il faut laisser une chance à Sébastien Lecornu. Pourquoi ?
"Parce que dans la situation actuelle, il faut tenter la coalition, c’est un chemin étroit mais nécessaire. La dissolution, elle, apporterait encore plus de divisions. Ce serait une étape supplémentaire dans le toboggan du désordre."
"C’est une grave erreur d’abandonner le 49-3"
Le Premier ministre a annoncé qu’il n’utiliserait plus le 49-3. C’est un bon signal ?
"Non. C’est une erreur d’abandonner le 49-3. La Constitution est faite pour donner à l’exécutif les moyens d’agir. Nos démocraties sont accusées d’impuissance ; or, le 49-3 est un outil indispensable."
.@jpraffarin : "C'est une grave erreur d'abandonner le 49.3 !" #GrandMatin
https://t.co/8tQinDD29o pic.twitter.com/ad15BDstjT— Sud Radio (@SudRadio) October 17, 2025
Vous craignez une succession de concessions ?
"Oui. Sébastien Lecornu a fait une concession, il en fera une deuxième, et j’ai peur qu’il en fasse toujours. Pour moi, c’est une grave erreur d’abandonner un outil constitutionnel majeur. Si l’opposition veut renverser le gouvernement, elle le peut. Mais l’exécutif doit garder les moyens de gouverner."
Pourtant, vous appelez à soutenir le Premier ministre. Vous n’êtes pas contradictoire ?
"Pas du tout. Nous avons choisi le chemin de la coalition : il faut aller jusqu’au bout. Personne ne serait gagnant à un effondrement de Lecornu."
Et si cette coalition échoue, que faire ?
"Dans la Ve République, la majorité naît du deuxième tour de la présidentielle. Si on choisit la coalition, il faut soutenir Lecornu. Si on choisit la présidentielle, il faut convaincre le président. Mais surtout pas de dissolution, ce serait une étape supplémentaire vers le désordre."
"Je suis sceptique quant à la coalition : les socialistes cherchent des victoires plutôt que la stabilité"
Vous avez dit être sceptique sur la coalition. Pourquoi ?
"Parce que les socialistes cherchent des victoires plutôt que la stabilité. Ils veulent faire leur propre promotion au lieu d’installer le compromis. Je ne suis pas sûr que cela ira jusqu’au bout."
Comment jugez-vous la situation à droite, avec le départ de Bruno Retailleau du gouvernement ?
"La dureté du temps politique fait qu’on ne peut pas tenir le devant de la scène sans organisation solide. Il n’y a pas d’unité suffisante à l’intérieur des Républicains. Bruno Retailleau avait construit un espoir autour de sa personne, mais il a déçu."
Quitter le gouvernement si vite, c’était une erreur ?
"Oui. Ce n’est pas compris, et en politique, quand on n’est pas compris, c’est une erreur. C’est dommage, car c’est un homme honnête et sérieux. Cette qualité réapparaîtra."
"L’union des droites est un mirage"
Beaucoup parlent d’une “union des droites”. Vous y croyez ?
"La France est globalement à droite, mais l’union des droites n’est pas si simple. Au Rassemblement national, il n’y a pas que des idées de droite. Il n’y a pas de stratégie politique cohérente. Je ne vois pas de possibilité d’entente. Je pense que c’est un peu un mirage, cette union des droites, parce que Mme Le Pen ne représente pas une ligne politique toujours droite."
Vous considérez encore le Rassemblement national comme un parti d’extrême droite ?
"Il y a de tout dans le Rassemblement national aujourd’hui. Mais il n’y a surtout pas de cohérence ni de ligne politique claire. L’union des droites est un mirage."
Le front républicain est-il encore valable selon vous ?
"Le front républicain a du plomb dans l’aile. Pour la première fois de ma vie, j’ai voté blanc. J’avais deux candidats également extrémistes. Le front républicain est devenu caduc. Beaucoup de Français se disent désormais : entre l’extrême droite et l’extrême gauche, je choisis celui que je rejette le moins."
Vous restez attaché à vos valeurs républicaines ?
"Oui. Je veux voter républicain, je veux voter pour le vivre-ensemble. Il nous faut un État de droit, une démocratie. Je suis un républicain et je resterai républicain."
"Monsieur Corbière, la prochaine étape est au tribunal pour la diffamation"
Alexis Corbière vous a accusé sur Sud radio d'être “plus proche des dirigeants chinois que Mélenchon”
Je veux contester tout ça parce que c’est assez absurde et donc j’ai convoqué mon avocat pour dire cela. Il y a eu des tweets où il disait ‘agent de la Chine’. Et donc je veux préciser très clairement les choses."
.@jpraffarin : "Je conteste les propos d'@alexiscorbiere, qui dit que je suis proche de dirigeants chinois. Je défends les intérêts français. Je ne serai jamais communiste. Je sers la diplomatie française. Monsieur Corbière, la prochaine étape est au tribunal pour la diffamation" pic.twitter.com/0AZi5bTt1v
— Sud Radio (@SudRadio) October 17, 2025
Vous revendiquez une longue expérience de la Chine. Sur quoi repose-t-elle ?
"Je connais bien la Chine, j’y suis allé plus de cent fois, c’était pour moi l’occasion de mener des missions, je suis allé avec tous les présidents de la République depuis Jacques Chirac qui m’ont confié un certain nombre de missions officielles."
Vous niez toute proximité idéologique avec le régime chinois ?
"Ça fait 60 ans que je fais de la politique, je ne suis pas communiste et je ne le serai jamais. Mais en revanche je défends les intérêts de mon pays."
Vous agissez en lien avec l’État français ?
"J’informe toujours les services de l’État de toutes mes initiatives et je fais ça par des missions officielles où je sers la diplomatie française. Et j’ai suffisamment d’expérience pour ne pas faire de faute politique."
Prochaine étape après cette mise au point sur Sud Radio ?
"La prochaine étape est au tribunal pour la diffamation."
Retrouvez "L’invité politique" chaque jour à 8h15 dans le Grand Matin Sud Radio