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Désindustrialisation : "Nous avons été des victimes consentantes"

INTERVIEW SUD RADIO - Où faut-il chercher la racine des problèmes économiques d'aujourd'hui ? Pascal Perri, journaliste et auteur de Ces présidents qui nous ont fait tant de mal (Éditions Plon), invité de Périco Légasse, était au micro de Sud Radio.

Pascal Perri
Pascal Perri, invité de Périco Légasse dans "Sud Radio La France dans tous ses états”.

Comme l'explique Pascal Perri au micro de Sud Radio, la situation économique actuelle de la France est le résultat d'une série d'erreurs dans le passé.

"Le démantèlement de l'industrie, c'est un choix !"

Périco Légasse : De Gaulle, Pompidou… on est sur une gestion raisonnable des finances de la République. Et puis à partir de Mitterrand - Chirac, Sarkozy, Hollande, Emmanuel Macron… - ils ont tous fait des bêtises, ils ont tous été inconséquents. Comment ça se fait ? Pourquoi ça commence à partir de 1981, de la gauche ?

Pascal Perri : Le monde d'avant la gauche était peut-être un monde plus paisible et plus lisible. C'est vrai que les trente années qui suivent la guerre sont des années de croissance très forte. On oublie souvent de dire qu'on l'a payé au prix du sang. Les Trente Glorieuses ne sont pas tombées du ciel. Ces trois décennies qui vont grosso modo de la Libération jusqu'au milieu de la décennie 1970, jusqu'au premier choc pétrolier qu'affronte le président de la République qui s'appelle Valérie Giscard d'Estaing. À l'époque, il y a un deuxième choc pétrolier en 1978, et la France est plutôt bien gérée : elle a une trajectoire, les Français ont l'espoir que leur situation s'améliore, que la situation de leurs enfants soit meilleure que la leur. Et puis, il y a le tournant des années 1980, qui commence selon moi en 1978.

J'étais jeune journaliste à cette époque-là, et je regardais ce qui se passait dans le nord et l'est de la France. J'ai assisté presque charnellement à la fin du textile et à la fin de la sidérurgie, le démantèlement. Le démantèlement, c'est un choix ! Il faut dire que ce qui nous arrive aujourd'hui, on l'a cherché. Toutes les sociétés industrielles avaient été l'objet de fusions multiples, parce qu'on était déjà assez peu compétitifs. C'était l'industrie du 20ème siècle : on met de l'argent sur la table non pas pour redresser l'outil de production, comme vont le faire les Allemands. On met de l'argent sur la table pour payer des pré-retraites à 52 ans. Donc, je dis que la désindustrialisation, c'est le point de départ. C'est le résultat d'une volonté, d'une politique publique. Si nous avons été des victimes, nous avons été des victimes consentantes. Et nous le payons aujourd'hui encore.

https://www.youtube.com/watch?v=Jzis7ARDRwA

"Dans une société de loisirs et du temps libre, il y a beaucoup d'emplois de services mal payés"

Périco Légasse : Mais même en 1981, l'économie française est encore saine…

Pascal Perri : C'est vrai. On a eu deux chocs pétroliers, des chocs lourds pour l'économie française : ça joue sur la compétitivité de notre industrie, ça joue évidemment sur le pouvoir d'achat des ménages. Mais Raymond Barre, courageusement, à partir de 1978, peut-être parce que la droite a gagné les législatives, dit : "Écoutez, je suis Premier ministre, je défends l'intérêt supérieur du pays. Ne faisons pas de démagogie". Et il mène une politique de rigueur budgétaire qui, évidemment, va alimenter le discours de gauche : on nous expliquait que la France était un enfer social. Et quand vous creusez un peu, vous vous apercevez qu'avec Giscard, les chômeurs étaient indemnisés pendant un an à 90% de leur salaire brut !

Périco Légasse : La Chine a intégré l'Organisation mondiale du commerce en 2002, et ça a été un grand choc pour l'ensemble du monde…

Pascal Perri : Cela a pour première conséquence que le marché se dilate. Le marché se mondialise. Ça a des avantages et des inconvénients. Ça pose le problème de notre compétitivité. C'est quand on est confrontés à des coûts de production très inférieurs, évidemment, il y a un problème de compétitivité. On ne s'est jamais interrogés sur cette question là. Et puis, ça change aussi le fait que s'il y a une meilleure distribution des richesses, il y a aussi des poches de pauvreté qui apparaissent dans la société. Et plus le temps avance, plus l'économie "se servicialise". Et moins une économie est productive, moins elle est industrielle, plus les petits salaires sont abondants. C'est ce que la gauche a oublié de dire, c'est que dans une société de loisirs et du temps libre, il y a beaucoup d'emplois de services. Et ces emplois de services sont mal considérés, et surtout mal payés.

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Retrouvez “Le face à face” de Périco Légasse chaque jour à 13h dans "La France dans tous ses états" sur Sud Radio.

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