Votre vie bascule le 23 décembre 2020, Krys Mondet : pouvez-vous nous replonger dans ce moment précis ?
Ma mère m'appelle, cela faisait 48 heures qu'elle était au sol. Elle s'était écroulée, victime d'une véritable chute. Lorsque le médecin arrive et intervient, à travers son masque, je vois son regard et me dit que ma mère fait un cancer de stade 3-4, qu'elle a Parkinson et qu'elle a fait un déni de maladie, son sein est nécrosé.
C'est un triple choc pour vous et vous devenez aidante du jour au lendemain : comment encaisse-t-on une telle honte de choc ?
En fait, c'est l'amour qui vous porte. Par contre, il y a une angoisse : j'ai perdu 8 kilos en une semaine. Pourtant, je mangeais mais avec l'angoisse et le stress... C'est un tsunami. Ma mère, qui était mon roc, tombe, et en plus, j'ai la responsabilité de l'aider, de l'accompagner et d'être sa mère, en fait.
"C'est elle qui me guidait, et là c'est moi qui devais la guider du jour au lendemain"
Qu'est-ce que ça change concrètement dans le lien que vous aviez entre fille-mère ?
L'amour est là, mais ça change tout, c'est-à-dire que c'est elle qui me guidait, et là c'est moi qui devais la guider du jour au lendemain. Donc, ça a été très déstabilisant et compliqué pour elle aussi, parce qu'en plus, c'était une femme d'affaires, une femme indépendante. Et puis, moi, je suis quand même aussi mère également. Donc en fait, je me retrouvais mère d'une jeune ado et mère de ma maman et ça, c'est pas simple à gérer.
A quoi ressemblait votre quotidien les premières semaines après ce choc ?
Charge mentale XXXXL ! Pendant un an, ma mère reste hospitalisée parce que c'est quand même assez grave tout ce qui lui arrive. Donc, il y a un moment, je suis entre l'hôpital et la maison de convalescence. A cause du choc, ma mère ne sait plus marcher. J'ai donc la grande mission de réaménager son appartement parce qu'elle se retrouve handicapée du jour au lendemain, et on me fait comprendre, au fil des mois, que si je n'aménage pas l'appartement de ma maman, elle part en EHPAD.
"C'est la vie de plus de 11 millions d'aidants en France, je suis pas la seule"
Kinés, infirmières, auxiliaires, médecins : vous avez dû tout coordonner toute seule...
C'est la vie de plus de 11 millions d'aidants en France, je suis pas la seule. Mais effectivement, vous gérez toute cette masse salariale qui accompagne ma maman. C'était primordial.
Et puis vient ce moment de silence, quand votre mère décède : comment apprend-on finalement à revivre après 5 ans de vigilance permanente voire de suractivité ?
C'est pas facile, parce que pendant 5 ans, j'étais effectivement scotchée à mon portable parce qu'il fallait que je sois joignable. Je n'avais pas non plus des nuits sereines, je vous cache pas, parce que parfois, je quittais ma maman et je voyais qu'il y avait des états qui n'étaient pas terribles. Donc psychologiquement et physiquement, ça vous fait quelque chose. Et là, du jour au lendemain, j'avais l'impression de ne plus être plus utile. Maintenant, cela fait 9 mois que ma maman est partie, et je prends des moments pour moi. Ca, j'avais oublié de le faire.
"Paradoxalement, je n'ai plus peur de la mort aujourd'hui"
Avez-vous beaucoup appris sur vous à travers cette expérience de vie ?
Complètement. Ca a transformé ma vision de la vie. Paradoxalement, je n'ai plus peur de la mort aujourd'hui alors que ça m'effrayait.