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Les vacances, un luxe désormais de plus en plus réservé à une minorité ?

Par Justine Houllé

Alors que 82% des Français déclarent vouloir partir en vacances en 2025 -selon la 24e édition du Baromètre annuel des vacances réalisé par Ipsos pour Europ Assistance-, les inégalités restent profondes. Contraintes budgétaires, statut social, alternatives plus économiques : pour des millions de foyers, les congés demeurent un luxe occasionnel, voire inaccessible.

bernardbodo de Getty Images

Chaque été, les images de plages bondées et de bouchons sur l’A7 donnent l’impression que la France entière part en vacances. Pourtant, la réalité est bien plus nuancée. Si une majorité de Français part en vacances au moins une fois par an, les écarts entre catégories sociales et niveaux de revenus restent, quant à eux, criants. Dès lors, une question se pose : les vacances sont-elles encore un droit accessible à tous... ou un luxe de plus en plus réservé à une minorité ?

Un taux de départ en vacances relativement stable, mais très inégalitaire

Selon les données 2024 du Crédoc -mises en lumière par l'Observatoire des inégalités-, 6 Français sur 10 partent en vacances au moins une fois par an. Un chiffre stable depuis plusieurs années, mais qui masque de profondes disparités. En effet, 42% des Français vivant avec moins de 1 285 euros par mois partent en vacances, contre 76% pour lesquels les revenus dépassent 2 755 euros mensuels. Le fossé est aussi socioprofessionnel : 78% des cadres supérieurs partent en congés, contre seulement 47% des ouvriers.

Autrement dit, malgré des politiques publiques d’aide au départ, les vacances demeurent un marqueur social fort. En 2023, le taux de départ en vacances des plus modestes est revenu à son niveau du début des années 2000, soit 42% (avec une augmentation d'un point). Pire encore : "chaque année, environ 20 millions de Français ne partent pas en vacances, et parmi eux, certains n’ont jamais quitté leur domicile pour des congés, ni leurs parents avant eux", explique Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air.

Le camping, une solution populaire... en mutation

Pour les familles au budget serré, le camping reste une solution prisée, voire incontournable. Comme le rappelle Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air, "en termes d'hébergement à prix compétitif, le camping est l'une des spécialités nationales".

Mais cette spécialité a évolué. Fini le camping spartiate d’il y a 30 ou 40 ans. Depuis 25 ans, la fréquentation des vacanciers s'est concentrée sur les établissements de camping 3, 4 ou 5 étoiles, qui proposent loisirs, animations et services en tous genres. "Aujourd'hui, on part une semaine, voire moins, mais on veut absolument s'éclater, que les enfants s'amusent. C'est court, mais bien", précise Nicolas Dayot.

Cette évolution a aussi une dimension sociale. En effet, 500 000 personnes bénéficient chaque année d’une aide de la CAF -via le dispositif Aide aux vacances des familles (AVF)- et 80 % d’entre elles optent pour le camping. La montée en gamme du secteur s’est donc accompagnée d’un effort d’accessibilité. Le camping accueille désormais "près de 28 millions de personnes par an, contre un peu plus de 19 millions il y a 15 ans", alors même que 1 600 campings ont disparu entre-temps, ajoute le président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air.

Des choix contraints, des vacances plus courtes

Néanmoins, même parmi ceux qui partent en vacances, le comportement a changé. En clair : aujourd'hui, les familles aux revenus modestes partent moins souvent, moins longtemps et privilégient les vacances près de chez elles. "Issue des classes moyennes, 50% de la frange populaire part en vacances à moins de 400 km de son domicile", poursuit Nicolas Dayot.

De plus, près de 7 Français sur 10 (67%) ont l'intention de partir cet été en vacances en France, selon le 24e Baromètre annuel des vacances d'Ipsos pour Europ Assistance. Un taux bien plus élevé par rapport aux voisins européens qui, en moyenne en 2025, sont 44% à partir en vacances dans leur propre pays.

Par ailleurs, par souci d'économies, près de 3 Français sur 10 (27%) optent en vacances pour un hébergement gratuit, chez des proches ou en résidence secondaire familiale. Une tendance qui bat tous les records en France, mais qui ne se constate pas vraiment dans les autres pays européens. Quant au budget alloué par les Français pour leurs vacances, il s'élève à 1 774 euros (en baisse de 35 euros depuis 2023), contre 2 080 euros à l'échelle européenne.

Vers une fracture permanente ?

Si 82 % des Français envisagent de partir en vacances à l’été 2025 -un record depuis 2015-, ce chiffre reste à nuancer, puisqu'il s’agit d’intentions et non de départs confirmés. En effet, d'après l'édition 2025 du Baromètre annuel des vacances, près de la moitié des Français qui renoncent à partir en vacances (47 %) pointent le manque de budget comme principal obstacle. Parmi ceux qui partiront malgré tout, beaucoup ne le peuvent que grâce à des aides publiques ou via l’hébergement chez des proches.

À l’heure où les prix augmentent, où l’offre touristique se spécialise et où le modèle du "court mais intense" s’impose progressivement, les vacances deviennent moins un droit universel qu’un privilège intermittent. Pour une partie non négligeable de la population, partir en vacances reste l’exception, voire un rêve pour l'heure quasi inaccessible.

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