Le Gorafi vient de sortir son best-of de l'année : Le Meilleur du Gorafi (Éditions du Cherche-Midi.) L'occasion pour Sébastien Liebus, DG du Gorafi, de proposer un décryptage : pourquoi cet humour s'est imposé comme la référence de la presse satirique en France.
Sébastien Liébus : "En 2008, lors d'un voyage à New York, je découvre The Onion, qui est un peu notre cousin américain"
Valérie Expert : Racontez-nous l'histoire du Gorafi.
Sébastien Liébus : C'est une histoire qui commence en hiver 2012. J'étais dans ma chambre de 10 mètres carrés à Montmartre. C'est une idée qui est venue très vite, et qui, en même temps a mis plus de 10 ans pour maturer et se créer. Je crée Le Gorafi en février 2012, d'abord sur Twitter. Avant, j'avais eu quelques tentatives de lancement ou d'écriture sur des blogs à droite, à gauche. Et le point de départ, ça a été en 2008, lors d'un voyage à New York, où je découvre The Onion, qui est un peu notre cousin américain. Eux, ils avaient une version papier, qui était un petit journal d'une quinzaine de pages. Et je me rends compte que c'est exactement le même humour que moi, je pratique. Et qu'en plus, on peut en faire une production industrielle. Donc, j'étais super content parce que ça m'a rassuré en me disant : "Cet humour-là, il est faisable, il existe déjà". Et en même temps j'étais complètement dégoûté parce que quelqu'un avait eu l'idée avant moi.
Valérie Expert : Il y avait déjà "Infos du monde"…
Sébastien Liébus : "Infos du monde", le genre de titre qu'il faisait était plutôt : "Emmanuel Macron est un extraterrestre". Moi, je trouve que là-dedans il n'y a pas d'histoire à raconter. Je préfère, quitte à prendre les mêmes mots, je le tournerai en disant : "Les extraterrestres démentent qu'Emmanuel Macron soit l'un des leurs". Parce que là, tout de suite, il y a quelque chose à raconter, il y a une antériorité. On peut imaginer une conférence de presse des extraterrestres qui disent "Mais on a regardé dans nos listes, alors Poutine, c'en est un, Trump, il est de chez nous. Mais alors, Macron, on ne sait pas d'où il sort". On peut imaginer comme ça toute une histoire. Ce que j'aime avec Le Gorafi, c'est que le ton avec lequel on dit le titre, le titre doit écraser la blague. Il y a la musicalité du titre. On va reprendre la musicalité du titre de presse. C'est pour ça qu'on lit énormément la presse : presse écrite, presse radio et télé.
"J'ai pensé à nos puissants lorsqu'ils sont vulnérables"
Valérie Expert : L'un de vos derniers titres, c'est : "La nouvelle ligne de TGV Lyon-Bordeaux ne passera pas par Lyon"…
Sébastien Liébus : Sur ce titre-là j'ai une petite anecdote. Un de nos auteurs est arrivé avec le titre "La nouvelle ligne Lyon-Bordeaux passera par Paris". Et, en fait, quand il propose cette idée, on lui dit : "Mais en fait, ça a été annoncé ce matin, et ça passera bien par Paris". Et il dit : "mais non, c'est pas vrai !". C'est la première fois qu'il est arrivé avec une idée qui s'est réalisée quasiment dans la foulée. Et du coup, on a dû réécrire, et c'est devenu "ne passera pas par Lyon".
Valérie Expert : Vous publiez aussi : "Le président est constipé" (Éditions du Cherche-Midi). Je l'ai lu, c'est désopilant ! C'est une satire de la dictature. Le président ressemble un petit peu à Vladimir Poutine…
Sébastien Liébus : Un petit peu. Mais il faut être prudents. J'ai fait le choix de ne pas le mettre dans le roman, de ne pas prononcer son nom pour faire un roman un peu intemporel. C'est presque un thriller. L'idée du livre m'est venue quand j'étais sur le trône. Et je me suis dit qu'on est tous très vulnérables dans cette situation. Et donc, j'ai pensé à nos puissants, qui sont eux aussi obligés de passer par ce passage-là. Et à partir de là, j'ai imaginé cette histoire, qui est venue très vite. Avec toutes les conséquences comme une chute de dominos : les gens essayent de trouver pourquoi le président est malade, il y a le petit groupe de loyalistes et de courtisans qui vont se rendre malades parce qu'il ne faut pas déplaire, il ne faut pas être différents du président. Et puis, les espions qui partent en Europe pour essayer de trouver des remèdes pour le président. Donc, il y a un petit côté espionnage aussi.
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