On va d’abord clarifier deux ou trois points. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Médine, c’est un garçon qui, en janvier 2015, sort un album sur lequel on trouve le titre Don’t laïk, dont les paroles sont, entre autres : "Crucifions les laïcards comme à Golgotha". Il a depuis fait amende honorable, expliquant qu’il avait mal dosé la provocation, qu’il avait été inaudible. Inaudible pour quels propos ? C’est bien ce sur quoi l’on s’interroge. Depuis, il a publié un album intitulé Jihad et arbore un T-shirt décoré du sabre musulman. Sur cet album, il raconte son rêve d’enfance de jouer au Bataclan. Mais là encore, on s’interroge : quel est le message ? Qu’est censée nous dire cette référence au jihad ?
Voilà donc un musicien conscient, un rappeur à message, mais la nature du message nous échappe. Faire trembler les supposés bourgeois que nous serions avec un non-moins supposé symbole de révolte contre l’ordre établi ? Tout ce qu’on retiendra, c’est qu’un rappeur qui joue avec l’imagerie du jihad va venir mettre en scène sa fausse conscience au Bataclan, là où quatre-vingt dix personnes ont été massacrées au nom même de ce jihad dont il fait un slogan pour vendre ses disques.
Le problème, c’est que nous nous retrouvons à chaque fois confrontés au même piège : les premiers à réagir sont des élus du Front national ou de la droite des Républicains. Du coup, quiconque réagit est assimilé à l’extrême-droite. D’ailleurs, il suffit de voir les titres de la presse : "Le Pen et LR dénoncent la venue au Bataclan du rappeur Médine". Et quand le Printemps Républicain s’en mêle, c’est tout le combat pour la laïcité, dont ils se sont fait un étendard, qui semble rejoindre le camp du Mal. Personne n’osera plus monter au créneau du côté de la gauche. Et l’on transforme une indignation légitime en affrontement droite-gauche, pour éviter de se poser la question de ce que signifie de la part d’un rappeur ce genre de jeu ambigu.
Alors, apologie du jihad ? C’est plus subtil. Ce qu’on perçoit, c’est une rhétorique identitaire qui fait de l’islam, mais aussi de l’islamisme, un instrument de différenciation entre un eux et un nous. Face à cela, on s’ingénie à banaliser les 230 morts qu’a fait le jihad en France depuis trois ans. De peur de stigmatiser ces jeunes gens qui brouillent volontairement les frontières et pratiquent allègrement l’amalgame entre islam et islamisme, mais au nom de l’art et de la provocation, bien sûr.