François-Xavier Gicquel a récemment fait un voyage de deux semaines en Turquie. Au micro d'André Bercoff, il relate différents exemples de persécution des chrétiens dans ce pays.
"Les terres des monastères des premiers siècles du christianisme sont récupérés par le gouvernement"
"Je pense qu'on peut différencier entre plusieurs situations. Des situations dans lesquelles les minorités sont persécutées directement par le gouvernement. C'est le cas par exemple en Turquie, où c'est extrêmement sensible. On s'est déplacés nous-mêmes là-bas, on voit que le gouvernement de Monsieur Erdogan encourage fortement, voire met son appareil public à la disposition des persécuteurs contre les communautés chrétiennes", assure François-Xavier Gicquel.
François-Xavier Gicquel a notamment parlé de l'histoire d'un monastère accusé d'occuper le terrain illégalement. "On se dit qu'une situation telle que celle-là ne peut pas exister aux portes de l'Europe. Et bien si ! On a des dizaines de témoignages de première main qu'on a recueillis, qui nous montrent à quel point les terres des monastères des premiers siècles du christianisme sont récupérés par le gouvernement. Soit on dit que c'est un terrain militaire, parce qu'on se bat contre les Kurdes, donc on va récupérer des terres chrétiennes au nom de la lutte contre les Kurdes. Soit ça va devenir une zone domaniale protégée, et donc on va prendre la terre du monastère. Soit il y a des problèmes de cadastre, et votre terre a été mal répertoriée. Et ensuite, ils éclatent les terres de monastères en dizaines de petites parcelles, pour lesquelles il faut faire une procédure administrative qui dure des années par parcelle. Ils ont accusé le monastère Saint-Gabriel du quatrième siècle d'avoir au quatrième siècle construit leur monastère sur une mosquée."
François-Xavier Gicquel poursuit : "Ils ont dépêché un docteur en archéologie. Il est arrivé : l'évêque l'a accueilli chaleureusement, comme on fait à l'orientale. Il lui a dit : 'restez là une semaine ou deux, comme vous le voulez, et vous serez accueilli comme un prince en attendant que vous puissiez repartir chez vous'. Il a dit : 'Je ne vois pas ce que vous voulez dire, vous avez construit votre monastère sur une mosquée, je vais enquêter'. 'Mais enfin, une mosquée au quatrième siècle ?' Mais oui, Adam et Eve étaient musulmans, monsieur !'"
"C'est des choses au quotidien, c'est permanent, ça ne s'arrête jamais"
L'État crée des obstacles aux enfants chrétiens même dans le cadre de leur scolarité. "Un prêtre qui a un enfant. Et évidemment, son enfant comme tout fils de prêtre, est extrêmement bien éduqué et gagne un concours régional de mathématiques à son niveau. La première année, ça paraît dans le journal régional. Et la seconde année, il gagne le concours au niveau national. Et alors là, personne n'en parle. Aucun article dans aucun média. Et l'année suivante, toute l'école a été interdite de se présenter au concours, alors que c'était le seul chrétien de son école. Et c'est des choses comme ça au quotidien, c'est permanent, ça ne s'arrête jamais", a témoigné François-Xavier Gicquel.
Et même le citoyen lambda en Turquie ignore que des chrétiens avaient habité sur ces terres avant. Une rencontre frappante : "On est en train avec mes interprètes de parler syriaque, la langue originelle du coin. Et des Turcs, un ingénieur et sa femme sont arrivés, ils ont dit : 'Quelle est cette langue que vous parlez ?'. 'C'est le syriaque.' 'Ah bon, ça vient d'où ? Vous avez immigré quand ?'. 'Mais non, en fait c'est la langue d'ici. C'est vous qui êtes arrivés au 14ème siècle.'"
Enfin, l'État turc semble déterminé à faire la vie dure aux chrétiens. "Ils nous ont raconté : dans des villages qui, autrefois, étaient 100% chrétiens, et qui le sont à 5% aujourd'hui, ils viennent poser en périphérie de ces villages, en fonction des vents, des déchèteries où ils brûlent les ordures, pour que ces villages soient en permanence sous le vent des ordures", a raconté François-Xavier Gicquel.
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