Brigitte Bardot est morte, et avec elle se referme bien davantage qu’une filmographie ou qu’un visage iconique. À la fois omniprésente et insaisissable, aimée et rejetée, célébrée et controversée, Brigitte Bardot aura laissé peu de Français indifférents.
"Brigitte Bardot a été un des moteurs de notre grande joie de vivre de cette époque"
Pour René, auditeur de Sud Radio né au cœur de cette génération façonnée par la guerre et les reconstructions, Brigitte Bardot incarne d’abord "la liberté, la liberté et en complément la grande liberté". Une liberté vécue, ressentie, presque charnelle : "Je voudrais replacer la présence de Brigitte par rapport à la génération dont je fais partie, qui sont nés entre 1932 et 1942, qui ont connu à la fois la guerre 39-45, la guerre d’Algérie". Bardot surgit alors dans une France "vainqueure", sûre de sa force économique et de sa modernité. "C’est à l’époque où la France était parmi les trois premiers fabricants mondiaux de biens d’équipements (…) Nous étions dans une France de vainqueurs. On avait la joie de vivre", se souvient-il au micro de Sud Radio.
À une époque sans sondages, la hiérarchie était pourtant claire : "Si on avait fait un sondage 'préférez-vous Brigitte Bardot, Marilyn Monroe ou Elizabeth Taylor', de très loin les Français, et même les Européens, auraient voté Brigitte".
Bardot n’était pas seulement un corps ou une actrice : elle était une puissance. Une puissance économique, médiatique, symbolique. "Il y avait aussi mine de rien la puissance financière, les contrats commerciaux de Brigitte Bardot. Elle a fait de la pub, notamment pour Air France. Elle faisait plus de pubs que la régie Renault, je crois", se souvient René. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que la République elle-même s’en empare : "Il me semble que le général de Gaulle avait choisi son profil, son visage, ses formes également – faut l’assumer ainsi – pour être la Marianne". Dans cette France des Trente Glorieuses, Brigitte Bardot devient un moteur intime et collectif : "Ça a été un des moteurs de notre grande joie de vivre de cette époque".
Jean Nainchrik : "Brigitte Bardot pouvait parfois être une grande gueule"
Mais Brigitte Bardot n’a jamais accepté d’être figée. Jean Nainchrik, qui l’a côtoyée de près, évoque une femme entière, imprévisible, profondément engagée : "J’ai connu Brigitte, et on est devenus très proches, très amis. On est nés le 28 septembre tous les deux. Elle m’appelait mon jumeau". C'est grâce sans doute à cette amitié que Brigitte Bardot a accepté d'animer un épisode de l'émission "Au pied du mur" avec Jean Nainchrik, sur Antenne 2. "Je savais l’intérêt qu’elle avait pour les animaux et la façon dont elle s’impliquait dans ce combat extraordinaire, sincère", raconte-t-il au micro de Sud Radio. "C'était une émission où on mettait le ministre compétent en face de nous, qui devait dire 'je vais faire, je vais pas faire, et si je fais, à tel moment, et si je fais pas, je dis pourquoi'."
Cette première émission, consacrée au trafic animal et aux conditions de vie dans les zoos, avait marqué les esprits. "Elle a été extraordinaire. Elle a accepté tout de suite." D'ailleurs, face aux politiques, Brigitte Bardot ne tremblait pas. "Les politiques n’étaient pas frileux de se retrouver face à un tel monument, à la parole quand même très libre, on peut même dire à la grande gueule que pouvait être parfois Brigitte Bardot."
Aujourd’hui, sa mort clôt une époque. Mais le mythe, lui, ne disparaît pas : il se transforme. Comme une silhouette sur une Marianne, comme une voix libre face aux ministres, comme le souvenir incandescent d’une France qui croyait encore que la joie de vivre pouvait être un projet collectif.
Retrouvez "La vérité en face" avec Maxime Lledo dans "Le Grand Matin Sud Radio".