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Eric Naulleau : « Jean-Luc Mélenchon est trotskiste mais aussi stalinien »

INTERVIEW SUD RADIO - A l'occasion de la sortie de son ouvrage consacré à Jean-Luc Mélenchon (« La République, c'est lui » dans la collection « Pensez libre » chez Fayard), Eric Naulleau a détaillé au micro de Sud Radio et de Périco Légasse le fruit de son enquête sur l'évolution idéologique et personnelle du leader de la France Insoumise.

Éric Naulleau, sur Jean-Luc Mélenchon invité de Perico Legasse dans "La France dans tous ses états” sur Sud Radio.
Éric Naulleau, sur Jean-Luc Mélenchon invité de Perico Légasse Legasse dans "La France dans tous ses états” sur Sud Radio.

À travers son nouveau livre « La République, c'est lui » paru dans la collection « Pensez libre » chez Fayard, Eric Nauleau interroge les métamorphoses idéologiques de Jean-Luc Mélenchon. Au micro de Sud Radio et de Périco Légasse, l'écrivain-journaliste nous a accordé une interview sans concession sur les ressorts de la stratégie électorale de cet homme clé de la gauche française et sur ses conséquences républicaines. Entre réquisitoire et inventaire factuel, Nauleau jette son regard tranchant sur l’évolution d’un leader controversé.

Comment un homme doté d'un tel cortex et d'un tel cerveau, avec des compétences intellectuelles avérées et une rigueur morale que l'on pouvait penser intègre, a-t-il pu selon vous opérer une telle reconversion ?

Il y a une phrase très célèbre de Jules César qui aurait dit : « Je préfère être le premier dans mon village que le deuxième à Rome. » Et un jour, Mélenchon s'est réveillé et il a dit : « Je préfère être le premier dans mon parti que le trentième à Solférino. » Donc, il a renié tout ce en quoi il croyait, tout ce qu'il avait déclaré. Et tout d'un coup, celui qu'on qualifiait comme un laïcard, a entièrement tourné le dos à tout ça, a trahi la laïcité, la République. Et aujourd'hui, il est dans une dérive idéologique, électoraliste où il faut plaire à un certain électorat. »

"Comme 2027 sera son dernier tour de piste, Mélenchon va aller très très loin dans l'indignité"

Si demain Jean-Luc Mélenchon était président de la République, quel type de République et de gouvernance mettrait-il en place ?

A mon avis, on n'a encore rien vu. Comme a priori, c'est son dernier tour de piste en 2027, Jean-Luc Mélenchon va lâcher les chevaux. A mon avis, il va aller très très loin dans l'indignité. Je ne pense pas qu'il veuille arriver au pouvoir. Je pense que Jean-Luc Mélenchon est l'héritier d'un fantasme révolutionnaire c'est-à-dire qu'au fond, c'est une mentalité insurrectionnelle. L'idéal pour lui, ce serait que le Rassemblement National arrive au pouvoir et que toute la journée, jour et nuit, même, il puisse faire ce que Lionel Jospin appelait le théâtre antifasciste, c'est-à-dire, le fascisme est passé, il faut mieux reprendre le pouvoir, etc.

« "Le grand remplacement" qui est une expression interdite si quelqu'un de droite l'utilise, lui, il l'utilise très tranquillement »

Le projet Terra Nova propose de remplacer le prolétariat populaire par un nouveau prolétariat des minorités communautarisées, immigrées, marginaux, LGTB, dont il faut s'attirer la sympathie en reniant certaines valeurs fondamentales de la République : Jean-Luc Mélenchon semble s'en être totalement inspiré dans sa stratégie ?

Oui, en effet. La note de Terra Nova (en 2011) est très importante. Elle dit avec un cynisme d'ailleurs assez déconcertant : « Ecoutez, le peuple vote mal, il vote à l'extrême droite. Donc on va changer de peuple. » Donc le prolo existe, l'ouvrier existe, on prend les minorités sexuelles, les minorités progressistes, les féministes, etc. On fait un nouveau peuple. Mais comme d'habitude, Mélenchon a poussé ça très très loin dans le sens de la radicalité. Parce que maintenant, ce n'est plus ça : il faut remplacer le Français de souche par le Français créolisé. C'est dit dans ces termes-là. « Le grand remplacement », qui est une expression interdite si quelqu'un de droite l'utilise, lui, il l'utilise très tranquillement en disant : « le problème de la France d'aujourd'hui, c'est le Français de souche ! Et les traditions françaises ont quelque chose d'un peu rance, d'un peu fétide. Il faut en finir avec ce pays ! ». L'homme nouveau doit émerger, ce qui est d'ailleurs l'objectif de toutes les dictatures du stalinisme au maoïsme, en passant par le nazisme. Il faut un homme nouveau. Et ce sera l'homme créolisé.

«  C'est un très bon animal politique »

Après avoir rendu un hommage appuyé à Charb et ses collègues de Charlie Hebdo tombé sous les balles des djihadistes en 2015, on est dans le revirement voire reniement total aujourd'hui ?

Accordons-lui ce crédit qu'il ait été sincère à l'époque. Il Il se trouve que quelque temps plus tard, il a défilé avec les gens qui ont assassiné ou en tout cas qui soutenaient intellectuellement les assassins de Charlie Hebdo. La marche contre l'islamophobie, M. Mélenchon et ses amis ont défilé avec des imams intégristes qui ont pendant des années entretenu la haine qui a abouti au massacre de Charlie. C'est une blessure que partagent des millions de Français. Entendre que cet homme est capable de pleurer sur la mort de Charb et ensuite de s'allier avec ceux qui ont armé intellectuellement ses assassins, moi ça me donne envie de vomir, je vous le dis franchement.

Vous dites dans votre ouvrage, c'est le Dr Jekyll de la République qui s'est donc transformé en Mr Hyde de l'islamo-gauchiste ?

Monsieur Mélenchon a été un social-démocrate bon teint, qui était mastrichien, qui était bien dans la ligne, qui - comme les autres - faisait des génuflexions devant François Mitterrand. Donc là, comme il doit changer de personnalité, il faut vraiment mettre le paquet. C'est-à-dire que jour après jour, il trouve une outrance... De ce point de vue-là, il est assez bon, quand même. C'est un très bon animal politique.

« D'un point de vue psychologique et même psychiatrique, est-ce qu'à force de répéter des choses, on ne finit pas par y croire ? »

Lequel était le vrai ou l'était-il à chaque fois ?

Ça, c'est la vraie question. Je pense que ni l'un ni l'autre. Je pense que M. Mélenchon numéro 1, le Dr Jekyll lui a permis une première carrière. Et le Mr. Hyde lui a permis une deuxième carrière car je pense que c'est un carriériste. Après, d'un point de vue psychologique et même psychiatrique, est-ce qu'à force de répéter des choses, on ne finit pas par y croire ? En plus, il y a la question de l'entourage aussi. Est-ce que vraiment, maintenant, il ne finit pas par croire un peu ce qu'il raconte ? En tout cas, à l'origine, non. Vous ne changez pas d'avis sur des choses aussi essentielles en 24 heures et c'est pourtant ce qui s'est passé.

«  À la France Insoumise, il n'y a pas de vote. Tout se passe dans la cuisine de M. Mélenchon avec Sophia Chikirou »

Aujourd'hui, à la France Insoumise, vous pointez du doigt le processus interne à ce parti où personne n'est désigné de façon démocratique...

A la France Insoumise, il n'y a pas de vote. Tout se passe dans la cuisine de M. Mélenchon avec Sophia Chikirou, sa compagne, Bompard et peut-être un autre. Il décide de tout, sans en référer à personne. C'est une vision de la démocratie un peu particulière, un peu restrictive, à mon goût.

A l'image de François Ruffin, Alexis Corbière ou Raquel Garrido, malheur aux frondeurs et aux contestataires avec Jean-Lus Mélenchon...

Ce karma me fait un peu rire parce que vous avez M. Corbière et Mme Garrido qui se prosternent, qui baisent les babouches de M. Mélenchon, qui donnent tous les signes de soumission et qui se font épurer puisque c'est de l'épuration. Il est trotskiste, mais il est aussi stalinien, M. Mélenchon. Et ça me fait rire que les courtisans d'hier se retrouvent le nez dans le caniveau. J'ai mauvais esprit, voilà.

«  La France insoumise a un triple but : abattre la République, abattre la France, abattre notre civilisation »

Jean-Luc Mélenchon est-il un danger pour la République ?

La France insoumise n'est pas seulement un danger pour la République. La France insoumise a un triple but : c'est abattre la République, abattre la France, abattre notre civilisation. Toutes les références de LFI, ce sont des régimes totalitaires. Ils sont amoureux de toutes les dictatures du monde, pourvu qu'elles soient de gauche, évidemment. M. Mélenchon nous a expliqué que la France d'avant, c'est fini : c'est la France rance. Maintenant, le Français doit disparaître. Vive l'homme créolisé. Le Français n'existe plus. Il faut parler de langue commune, s'il vous plaît, etc.

Tout doit disparaître, comme on dit dans certaines campagnes publicitaires. Et ce qui doit le remplacer, c'est un État totalitaire, avec une mentalité totalitaire. Pour moi, la France insoumise, ce ne sont pas des adversaires, ce sont des ennemis qui veulent détruire tout ce à quoi je suis attaché et à quoi des millions de Français sont attachés.

« Le succès relatif de la France Insoumise s'explique par un fait principal : l'effondrement du niveau scolaire et intellectuel »

Qu'est-ce qui vous surprend aujourd'hui encore dans la France Insoumise ?
Ce qui est vraiment sidérant, c'est d'abord la vulgarité et la simplicité de ses procédés. Et le fait que ça marche. Et là, j'en viens à quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Je crois que le succès relatif de la France Insoumise s'explique par un fait principal : c'est l'effondrement du niveau scolaire et intellectuel. Je crois que ça prospère sur cet effondrement intellectuel. Parce que pour croire, pour avaler des couleuvres de la taille de celles que propose la France Insoumise, il ne faut quand même pas être très équipé intellectuellement.

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