Combien de détenus et quels profils ?
Les prisons de Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais et Condé-sur-Sarthe dans l’Orne sont devenues au cours de cette année 2025 les premières prisons de haute sécurité opérationnelle en France. Elles peuvent notamment accueillir 100 détenus chacune, considérés comme les plus dangereux de l’Hexagone. Parmi eux, des narcotrafiquants, criminels multirécidivistes et individus capables, depuis leur cellule, de commander des meurtres ou de piloter un trafic international.
Quelles conditions de détention ?
Ces établissements sont pensés pour être hermétiques : murs doublés, systèmes anti-drones, brouilleurs de téléphones, miradors renforcés et caméras à chaque recoin. « Nous avons décidé de mettre tous les moyens pour qu’aucun téléphone ne puisse rentrer, pour qu’aucune corruption ne soit possible », a ainsi insisté Gérald Darmanin, ministre de la Justice.
Un régime inspiré de la lutte anti-mafia italienne
En effet, le modèle est directement inspiré des dispositifs italiens appliqués contre les chefs mafieux depuis les années 1980. Ainsi, dans les prisons françaises, les ailes de détention ne comptent que quatre à cinq détenus, surveillés en permanence. Les mouvements sont constamment scrutés par plusieurs agents simultanément et les contacts entre détenus réduits au strict minimum. Les audiences se tiennent majoritairement en visioconférence pour éviter les transferts à l’extérieur, toujours sensibles avec ce type de profils.
Quelle durée de détention ?
Le placement dans ce régime exceptionnel est décidé pour un an, renouvelable, sur la base d’une évaluation de la dangerosité du détenu : capacité à corrompre, à diriger un réseau criminel depuis la détention, à menacer ou à commanditer des assassinats. Ce n’est donc pas le statut pénal qui détermine l’affectation, mais la menace estimée pour l’ordre public.
Des détenus de « renom » : Salah Abdeslam, Mohamed Amra, Rédoine Faïd...
Les premiers prisonniers concernés sont parfois des figures connues du grand public. Salah Abdeslam, seul survivant du commando des attentats du 13 novembre 2015, est incarcéré à Vendin-le-Vieil. L’établissement accueille également des profils tels que Rédoine Faïd, braqueur multirécidiviste célèbre pour son évasion en hélicoptère en 2018, ou encore le narcotrafiquant Mohamed Amra, dont l’évasion sanglante en 2024 a déclenché la création de ces prisons ultra-sécurisées.
🎙️Julien, surveillant à la prison de Vendin-le-Vieil, répond aux propos de l'avocat de Redoine Faïd : « Au vu de son palmarès, les mesures de sécurité mises en place ne sont pas contraires à la dignité humaine. » pic.twitter.com/KgJeyXKwKJ
— Sud Radio (@SudRadio) July 22, 2025
Des moyens humains et logistiques colossaux
L’un des aspects les plus marquants de ces prisons de haute sécurité est le ratio de personnel. À Vendin-le-Vieil, environ 235 surveillants sont mobilisés pour une centaine de détenus. Un ratio exceptionnellement haut comparé aux prisons classiques où chaque surveillant suit en moyenne plus de deux détenus. De plus, les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS), unités d’élite de l’administration pénitentiaire, sont régulièrement déployées pour les transferts et les inspections.
Les surveillants affectés à ces établissements reçoivent une formation spécifique et les profils susceptibles d’être vulnérables à la corruption sont écartés. L’anonymisation du personnel est autorisée afin de limiter les pressions extérieures et les risques de représailles. Ainsi, dans certains secteurs, trois à quatre agents peuvent être mobilisés pour un seul détenu.
Combien d'heures par jour en cellule ?
Le mot d’ordre dans ces prisons : l’isolement. Dans certaines unités, les détenus passent jusqu’à vingt-trois heures par jour en cellule. Les promenades se déroulent seul, dans des cours séparées, sous une surveillance constante. Les parloirs sont uniquement dotés d’hygiaphones, supprimant toute possibilité de contact physique. Malgré cela, les agents procèdent à des fouilles intégrales après chaque visite.
Quelle fréquence de communication avec l'extérieur ?
Les communications avec l’extérieur sont limitées à deux sessions téléphoniques de deux heures par semaine. L’accès aux unités de vie familiale, qui permettent dans les prisons classiques de maintenir un lien intime avec les proches, est également supprimé. « Ils n’auront plus de vie familiale », a notamment résumé Gérald Darmanin en rappelant le caractère exceptionnel de ces mesures.
Un régime carcéral qui divise
Si le gouvernement défend un « outil indispensable » contre les réseaux de narcotrafic, les critiques sont nombreuses. En effet, l’Observatoire international des prisons alerte sur des « atteintes graves aux droits fondamentaux ». Il pointe la systématisation des fouilles à nu, la suppression de la vie familiale et l’isolement prolongé.
Là où la majorité des établissements pénitentiaires poursuivent un objectif de sanction et de réinsertion (comme l'a rappelé l'actualité ce lundi avec la permission de sortie d'un détenu à Vendin-le-Vieil en vue de sa libération en 2029), les nouvelles prisons de haute sécurité sont en opposition avec cette logique. En effet, leur but principal n’est pas de conduire à la réinsertion mais de neutraliser totalement le pouvoir criminel des détenus. Reste à savoir si ces mesures drastiques permettront de lutter efficacement contre la criminalité.