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L’opinion de Françoise Degois : "Le peu de monde à la marche pour Mehdi Kessaci m'a heurtée"

OPINION SUD RADIO – Françoise Degois a pointé du doigt le peu de monde présent à la marche banche en hommage à Mehdi Kessaci. Elle estime que les Marseillais ont désormais peur des représailles de la DZ Mafia.

"Le peu de monde à la marche pour Mehdi Kessaci m'a heurtée"
CLEMENT MAHOUDEAU - AFP

Françoise de Gois, vous revenez ce matin sur la fameuse marche blanche, en la mémoire de Mehdi Kessaci, qui a eu lieu à Marseille samedi. 

« Oui, une marche bouleversante. D’abord parce que les mots de la maman de Mehdi, qui vient de perdre son deuxième enfant, ses mots étaient forts et sobres, comme les mots de son frère Amine. Et cela aurait dû suffire à faire taire toute polémique sur la récupération politique de cet événement.

Que n'ai-je lu et entendu sur cette marche ? Mais de quelle récupération parle-t-on ? Amine Kessaci est un militant, compagnon de la gauche depuis des années à Marseille. Malgré son jeune âge. Il milite depuis l'âge de 17 ans, travaille politiquement dans les quartiers, avec les Verts, auxquels il appartient, avec le parti socialiste. Il n'y avait donc rien d'écœurant ou de déplacé, comme j'ai pu le dire, à voir Marine Tondelier, Olivier Faure ou Raphaël Glucksmann participer à cet hommage républicain, aux côtés du président LR de la région, Renaud Muselier.

"Une seule ombre au tableau : Éric Dupond-Moretti"

Comme il n'y a rien de particulièrement choquant à voir Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale, ou Maud Bregeon, la porte-parole du gouvernement, assister à cette marche pour dire la solidarité contre le narcotrafic. Une seule ombre au tableau c'est Éric Dupond-Moretti. Il a été l'un des avocats des caïds de la DZ Mafia, dont le chef a justement commandité l'assassinat de Mehdi Kessaci depuis sa prison. On peut se demander ce que l'ex-garde des Sceaux faisait là. Mais après tout, il y était forcément avec l'autorisation de la famille. »

Ça n'est donc pas la récupération politique qui vous a heurté ? 

« Non. Finalement, c'est le peu de monde de cette marche qui m'a heurté. Bien sûr, 6 000 personnes, dans l'absolu, c'est beaucoup. Et elles étaient là pour faire corps. Mais c'est peu par rapport au choc dans la ville et à la tristesse qu'a provoqué l'assassinat sauvage du jeune Mehdi. L'explication de ce décalage elle est simple. Beaucoup de gens ont eu peur de participer à cette marche, peur des représailles, peur d'être assimilés par le réseau des narcotrafiquants à Amine Kessaci à son combat, peur d'être considérés comme une balance.

"Personne n'est prêt à payer le prix du sang comme la famille Kessaci"

Ce sont les mots d'un jeune homme des quartiers nord, sous couvert d'anonymat, recueilli par nos confrères de la Provence. Peur d'être une balance. Comment la deuxième ville de France peut-elle être aussi fragile face à la DZ Mafia et la mafia Yoda, sa concurrente, par la terreur, la sauvagerie de ces deux groupes ultra-violents qui impriment cette violence sur les quartiers pour régner sans partage ? Le fait politique c'était bien celui-là.

Personne n'est prêt à payer le prix du sang aussi lourdement que la famille Kessaci. On le comprend, car je ne sais pas moi-même, si j'aurais ce courage. Mais cette peur sur la ville a quelque chose de très anxiogène, comme si, de toute façon, les narcos faisaient la loi en régnant sur les réseaux et les esprits. »

"Il faut mieux gérer aussi l'application des peines"

Et vous posez la question, est-ce que les marches blanches sont utiles ? 

« Oui, car elles permettent une forme de catharsis, une forme de communion, une façon de faire le deuil. Mais la réalité c'est que Marseille a besoin, comme les villes gangrénées par les narcotrafiquants, de mesures fortes. Qu'il s'agisse de moyens de lutte même si la création d'un parquet narcotrafic est déjà une réponse.

Mais il faut pouvoir frapper au portefeuille. Il faut renforcer le statut de repentis pour donner la possibilité à des membres de vendre leurs réseaux. Et puis, il faut mieux gérer aussi l'application des peines. Alors que la marche blanche était à peine terminée, on apprenait que l'un des narcotrafiquants les plus dangereux avait une permission de sortie pour rencontrer aujourd'hui un employeur. Un détenu qui, en plus, s'était déjà évadé d'une consultation médicale en 2014.

Je ne remets pas en cause le droit à qui que ce soit de changer en prison. Mais ce qui est surréaliste, c'est qu’une famille qui pleure un enfant en Marseille alors qu'un narcotrafiquant responsable lui aussi de la mort d'un enfant dans une fusillade sort pour préparer sa réinsertion. »

Retrouvez Drôle d'époque dans le Grand Matin Sud Radio au micro de Patrick Roger

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