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Alfred de Montesquiou : "Lors du procès de Nuremberg, les nazis se moquent du procureur"

INTERVIEW SUD RADIO - Alfred de Montesquiou, auteur et réalisateur, était au micro de "Sud Radio Média" ce mardi 18 novembre pour parler de son nouveau documentaire, "Au cœur de l’histoire : Le procès Nuremberg".

Alfred de Montesquiou
Alfred de Montesquiou, invité de Jean-Marie Bordry dans "Le 10h - midi" sur Sud Radio.

Novembre 1945. Ils sont plus de 350 à converger dans la ville en ruines de Nuremberg pour couvrir « le plus grand procès de l’Histoire ». Comment le procès a-t-il été perçu par ces grands témoins de l’Histoire ? Et comment leur regard peut-il nourrir le nôtre, tandis que la question du crime contre l’Humanité revient hanter notre époque ? Le 18 novembre 2025 à 21 heures, ARTE diffuse "Au cœur de l’histoire : Le procès Nuremberg", un documentaire d'Alfred de Montesquiou.

Alfred de Montesquiou : "Le documentaire et le livre cherchent à raconter ce basculement entre les petites histoires et la grande Histoire"

Gilles Ganzmann : Les Américains vont prendre la main sur ce procès et ils vont décider de réunir tout le monde dans un château, sauf les Russes, qui sont dans un autre endroit, et les Allemands aussi. Et dans ce château va y avoir une certaine communauté intellectuelle…

Alfred de Montesquiou : Oui, la ville est rasée à 90%. Où loger toutes ces stars de la profession qui convergent ? Les Américains réquisitionnent le château d'un riche millionnaire, l'industriel du crayon Faber Castel, c'est en banlieue de Nuremberg. Ils logent les hommes dans le château principal, les femmes dans un pavillon dans le parc, et les Soviétiques dans les communs qu'ils appellent, par caricature, le Palais Rouge. Mais tout le monde vit ensemble et prend les repas ensemble dans la salle de bal, qui est une grosse salle de bal néo-gothique avec des armoiries germaniques. Et il y a une ambiance "colonie de vacances". Il y a deux huis-clos qui se font face : il y a le huis-clos du procès, d'où émerge l'horreur absolue du Troisième Reich ; et il y a le huis-clos des journalistes, qui apprennent à s'apprivoiser, qui deviennent amis, parfois qui tombent amoureux et couchent ensemble. Le documentaire et le livre cherchent donc à raconter ce basculement entre les petites histoires et la grande Histoire qui se font face tous les jours.

"Après avril 1946, ils ont compris que plus personne ne rigole"

Gilles Ganzmann : Dans votre documentaire, il y a beaucoup d'archives. Et dans ces archives, on découvre les visages parfois impassibles. Et on découvre surtout qu'ils n'ont aucun regret...

Alfred de Montesquiou : Pour moi, c'est l'une des archives les plus terribles du film, c'est le 28 novembre. Les chefs du nazisme, notamment Göring, ont très vite trouvé cette justice un peu "petite bourgeoise", très procédurière. Il y a ces images où on les voit qui rigolent, mais qui ont des larmes qui leur coulent sur les joues, tellement ils sont en train de se moquer du procureur. C'est écœurant pour les victimes, pour le monde qui attendait ce procès. Quel moment révoltant !

Jean-Marie Bordry : Ont-ils déjà compris qu'ils vont mourir, pour ceux qui ont été condamnés à mort ?

Alfred de Montesquiou : Pas du tout, puisqu'ils ricanent ! Ils se disent : "Ce procès, c'est tellement de la rigolade". Ils se disent : "On va s'en servir comme tribune pour faire le match retour, l'apologie du nazisme". Ils vont mettre de novembre jusqu'à avril… À partir du 15 avril, à partir du témoignage de Rudolf Höss, le directeur d'Auschwitz… là, il y a une bascule. Il y en a eu deux-trois avant, il y a eu la projection du film-preuve sur les camps de concentration le 29 novembre, il y a le grand témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier le 28 janvier 1946… et puis le témoignage de Rudolf Höss le 15 avril 1946. Après ça, ils ont compris que plus personne ne rigole. Le procès rentre dans une deuxième phase, c'est d'ailleurs ce qui le rend assez ennuyeux : ils jouent la montre. C'est-à-dire que eux et leurs avocats, comme ils savent qu'ils ne peuvent plus gagner, essaient de délayer les procédures. Il y a le début de la Guerre froide, et ils font le pari politique que si on retarde le plus possible la procédure, les Russes et les Américains vont tellement mal s'entendre politiquement qu'ils ne seront plus capables de juger.

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