single.php

Jérôme Bayle : "Nous agriculteurs, on en a marre d'être sacrifiés"

INTERVIEW SUD RADIO - Figure de la colère des agriculteurs en janvier 2024, Jérôme Bayle était l'invité de Périco Légasse sur Sud Radio. Cinq jours après s'être entretenu avec Emmanuel Macron sur le Mercosur, l'éleveur de bovins à viande tire de nouveau la sonnette d'alarme, dénonce l’immobilisme politique et la bureaucratie qui étouffe l’agriculture française.

Agriculteurs / Toulouse / Macron
Jérôme Bayle, éleveur bovin et chef de file des Ultras de l'A64, a été reçu par Emmanuel Macron à Toulouse (Photo par MATTHIEU RONDEL / AFP)

Deux ans après les promesses politiques, Jérôme Bayle dénonce l’immobilisme, et la bureaucratie qui étouffent l’agriculture française au micro de Sud Radio. Entre espoirs déçus et sacrifices imposés par l’Europe, cette figure de la colère des agriculteurs en janvier 2024 incarne le ras le bol d’un monde paysan en perte de sens.

Bientôt presque deux ans après les promesses notamment de Gabriel Attal, juché sur une botte de paille, avez-vous le sentiment que les dirigeants français vous ont raconté des histoires ?

On ne peut pas dire oui, mais on ne peut pas dire non plus. Gabriel Attal a tenu ses engagements sur la MHE, sur la détaxation du GNR, du gazole non routier. Mais après, derrière ça, il n'y a plus rien qui s'est passé. Après, on connaît la suite : les élections européennes, la dissolution, le remaniement, la censure. Et nous, pendant ce temps-ci, dans nos exploitations, plus rien n'avance. Dans l'administration, plus rien n'avance. Et au final, la colère remonte et le doute persiste.

" À écouter le Président de la République, l'agriculture est le centre de la France..."

Depuis des années, les gouvernements de la France, de gauche, de droite, du centre, promettent à l'agriculture française des solutions courageuses et nécessaires, mais au final rien ne se met jamais en place : quelles sont selon vous les raisons de cet immobilisme ?

Simplement, l'électorat. Ils ne veulent fâcher personne. Il faut du courage politique, il ne faut pas avoir peur de parler d'avenir agricole. Après, il y a l'Europe aussi qui nous entrave beaucoup. On est entre le marteau et l'acte humain. Mercredi, on a vu le Président de la République. À l'écouter, l'agriculture était le centre de la France. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

"On en a marre d'être la variable d'ajustement de toute cette économie"

Que vous a-t-il dit concrètement ?

Il nous a parlé collectivement. Il tient un discours où il explique que le Mercosur, c'est une très bonne chose pour l'économie européenne. Et que les conséquences sur l'agriculture française ne seront pas trop fortes. Peut-être qu'il a raison. Mais aujourd'hui, on en a marre d'être sacrifiés. On en a marre d'être la variable d'ajustement de toute cette économie, de toute cette écologie. Et au final, rien n'avance. Les gens dans les fermes ont vraiment perdu le moral, ont perdu l'espoir. Et ont perdu le but.

"Les gens dans l'administration n'arrivent pas à comprendre que nous, les papiers, ce n'est pas notre priorité"

Vous avez été touché personnellement par le décès de votre papa (qui s'est donné la mort en se tirant une balle dans la tête) : quel serment vous lui avez fait ?

Je lui avais fait la promesse que je redresserai sa ferme, que j'en ferai une très grande référence du Val d'Est. Et que je me battrai pour lui, pour sa mémoire. Et pour la mémoire de tous les agriculteurs qui ont fait comme lui et qui font malheureusement comme lui. Parce qu'il faut se battre pour ces gens-là. Parce qu'aujourd'hui, on les pousse à bout. Parce qu'ils n'y arrivent plus. Parce que les gens dans l'administration n'arrivent pas à comprendre que nous, les papiers, ce n'est pas notre priorité.

Quelle part occupe ce volet administratif dans votre temps de travail ?

Comme je l'ai expliqué dans la Sarthe, il y a 15 jours, lors d'une conférence : quand mon père a commencé l'agriculture, 90% de son temps, c'était l'agriculture, c'était l'élevage, c'était l'entretien de ses animaux, de ses cultures. Aujourd'hui, ça ne représente même plus 40% de notre temps. On passe plus de temps à faire des papiers, à expliquer, à répondre à des contrôles, à répondre à des normes, qu'à faire un nom de métier d'agriculteur.

L'info en continu
12H
11H
10H
09H
08H
06H
04H
Revenir
au direct

À Suivre
/