Quel est le point commun entre Big Pharma, le cabinet de conseil international McKinsey, l’agence publicitaire Publicis et le cartel de Sinaloa ? Ils ont tous nourri l’épidémie des opioïdes, qui a empoisonné et tué des centaines de milliers de Nord-Américains depuis 30 ans. La force de la série documentaire de Paul Moreira, "Opioïdes, business & addiction", c’est que, grâce à des accès inédits et des archives exclusives, l’histoire est racontée par les criminels eux-mêmes. Le premier épisode sera diffusé le dimanche 19 octobre 2025 à 21h05 sur France 5 et sur www.france.tv. "Ce qui s'est passé avec l'épidémie des opioïdes, c'est que les représentants médicaux ont réussi à convaincre les médecins qu'il fallait prescrire le fentanyl aux gens qui avaient mal au dos", a fait savoir Paul Moreira au micro de Sud Radio.
Paul Moreira : "Cette épidémie, qui a commencé il y a 30 ans, a commencé dans des conditions tout à fait légales"
Valérie Expert : Il y a eu des reportages de faits sur les victimes, sur les produits en tant que tels, mais pas sur Purdue Pharma, cette société qui a produit l'Oxycontin, qui était la première molécule…
Paul Moreira : Oui, je me suis intéressé à qui a empoisonné ces fameux zombies qu'on a tous vu sur Internet ou à la télévision. Et en fait, c'est vrai que dans la tête des gens flotte un peu l'idée que c'est les narcos mexicains. Même Trump a fait plusieurs déclarations sur la responsabilité qui est portée par le sud de la frontière, les étrangers, les Latinos etc. Et en réalité, mon souci, c'est de remettre les choses à l'endroit et de montrer qu'en réalité, cette épidémie, qui a commencé il y a 30 ans, elle a commencé dans des conditions tout à fait légales, menées par une entreprise tout à fait légale, détenue par une famille qui s'appelait les Sackler, qui étaient des philanthropes, des gens extrêmement bien vus de la grande bourgeoisie new-yorkaise. L'histoire prouvera qu'ils étaient des dealers en costume.
Ce qui m'intéressait, c'était d'avoir les criminels. Parce qu'on avait eu beaucoup, beaucoup de films sur les victimes, et ils étaient nécessaires, indispensables. Mais je voulais savoir qui s'était mouillé, qui était responsable, qui avait vendu de la drogue de manière légale ou illégale aux Américains. Et de révéler qu'il y a un petit problème du côté de la régulation de Big Pharma. Parce que là, on met en cause les Sackler avec Purdue et INSIS, qui est un autre labo. Mais il y en a eu des dizaines. Il y a eu Johnson & Johnson, il y a eu Mallinckrodt… À un moment donné, les Sackler ont ouvert la voie.
"La capacité des opioïdes à rendre accro était bien connue"
Gilles Ganzmann : Est-ce un hasard qu'ils créent une molécule qui soulage, qui fait qu'on n'a plus mal. Mais que d'un seul coup, on s'aperçoit que c'est un dérivé d'un tas de drogues, et que derrière on devient très accro. Avaient-ils mesuré qu'on devenait très accro au moment où ils lancent le médicament ?
Paul Moreira : Officiellement non. Mais en réalité oui. C'était bien connu : les opioïdes sont une substance totalement addictive. Pour rassurer les médecins, ils avaient fait un petit clip vidéo, qu'ils avaient envoyé à des milliers de médecins américains. Il y avait un monsieur très bien en cravate qui disait : "Cette substance n'est pas addictive. Il n'y a que 1% des gens qui se retrouvent intoxiqués à ce truc-là". Et quand les médecins ont commencé à voir qu'ils avaient non pas un 1% des patients qui étaient addicts, mais la quasi-totalité de leurs patients, ils ont envoyé une autre bande vidéo avec un autre médecin corrompu, qui disait : "Mais ce n'est pas de l'addiction, c'est de la pseudo-addiction. Ils ont l'air d'être addicts, mais ils sont juste pseudo-addicts. Il suffit d'augmenter les doses".
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