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Thibault de Montbrial : "Il y a un risque de 7 octobre français"

Par Aurélie Giraud

INTERVIEW SUD RADIO - "Un 7 octobre français est un vrai sujet dans les services de renseignement" selon Thibault de Montbrial, avocat, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure et auteur de "Le choc ou la chute" (Éditions de l’Observatoire). Il était “L’invité politique” sur Sud Radio. 

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Thibault de Montbrial interviewé par Jean-François Achilli sur Sud Radio, le 6 novembre 2025, dans “L’invité politique”.

"Un 7 octobre français, c’est un vrai sujet dans les services de renseignement, dont j’ai parlé avec des gens du renseignement français, israélien et américain". Au micro de Sud Radio, Thibault de Montbrial a répondu aux questions de Jean-François Achilli.

Jean-François Achilli : Nous allons évoquer avec vous ce qui s’est passé à Oléron, et revenir sur votre livre. Vous préconisez un choc nécessaire face à la montée des violences. Mais d’abord, Thibault de Montbrial, il y a ces vidéos révélées par Libération et Mediapart à Sainte-Soline. Vous les avez vues, j’imagine. Je rappelle que vous êtes lieutenant-colonel de la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Ordre aurait été donné de tirer « dans la gueule » des manifestants, de faire du tir tendu. Qu’est-ce que vous vous dites ce matin ?

Thibault de Montbrial : "Ces vidéos montrent la réalité de ce que les gendarmes ont subi à Sainte-Soline. Il faut les regarder avant tout comme une manière de documenter les faits auxquels les forces de l’ordre ont été exposées ce jour-là. D’ailleurs, la raison pour laquelle les caméras-piétons ont été installées sur les uniformes des forces de l’ordre – mesure à laquelle j’ai toujours été profondément favorable – c’est précisément pour montrer la réalité."

"Quand on est dans un combat, on ne parle pas comme quand on est au grand oral de l’ENA"

"Et ce que je voudrais dire ce matin aux auditeurs qui peuvent s’interroger sur le type de langage utilisé, c’est que ce sont des scènes véritablement de combat. Ce jour-là, il y a eu quarante-sept gendarmes blessés à Sainte-Soline, dont deux en urgence absolue. C’était avant le décret autorisant l’emploi des drones par les forces de l’ordre. Et ce jour-là, les émeutiers, les gens venus en découdre, étaient tellement organisés que non seulement ils avaient des cocktails Molotov, des boules de pétanque remplies d’acide, etc., mais en plus ils avaient des drones, alors que les gendarmes n’en avaient pas. La supériorité aérienne était celle de l’extrême gauche. Donc, quand on est dans un combat – parce que c’est un combat –, on ne parle pas comme quand on est au grand oral de l’ENA. C’est une scène de guerre."

Jean-François Achilli : Certains parlent de « kiff »…

Thibault de Montbrial : "Oui, mais attendez. Quand vous êtes jeune et que vous êtes policier ou gendarme, vous vous engagez pour aider vos concitoyens, pour protéger la loi et l’ordre. Mais vous êtes aussi dans une volonté d’action. Donc, quand il y a de l’action, il y a de l’adrénaline. Vous savez, si on écoute les chirurgiens à la sortie des salles d’opération – ce qu’on appelle les blagues de salle de garde –, ou les pilotes de chasse qui rentrent de missions très stressantes, les gens se lâchent. Et dans l’action, quand on est au contact, on ne dit pas : 'Monsieur, s’il vous plaît, auriez-vous la gentillesse de reculer ?' Non, c’est de l’adrénaline pure."

Jean-François Achilli : La France insoumise réclame une commission d’enquête.

Thibault de Montbrial : "Oui, la France insoumise est dans son rôle incendiaire, comme d’habitude. Vous savez, la France insoumise n’a jamais condamné les violences contre les policiers et les gendarmes. Elle a toujours soutenu, au moins indirectement, les auteurs de troubles graves à l’ordre public. Elle a dans ses rangs au moins un député fiché S. Donc pour la France insoumise, c’est 'business as usual' pour elle, mais business contre la France."

Jean-François Achilli : Business contre la France ?

Thibault de Montbrial : "Oui, de la part de la France insoumise, bien sûr."

"C’est ce que les services de renseignement appellent un acte d’inspiration islamiste"

Jean-François Achilli : Le profil de la personne qui a percuté des passants à l’île d’Oléron le 5 novembre 2025 : qu’en pensez-vous ?

Thibault de Montbrial : "Ce qui m’intéresse moyennement, c’est ce que dira le procureur. Ce matin, nous sommes dans une interview politique, pas juridique. Les faits sont d’une grande gravité : un acte de violence très grave, politiquement significatif, et qui correspond en tout point aux préconisations de l’État islamique."

"Un individu qui rentre dans la foule avec sa voiture, qui tente ensuite de mettre le feu avec des bonbonnes de gaz – donc avec une volonté, même si elle n’a pas abouti, de faire exploser son véhicule et de faire d’autres victimes –, qui crie « Allah Akbar » aux gendarmes qui l’interpellent et qui, selon les fuites dans la presse, se réclame d’Allah en garde à vue."

https://twitter.com/SudRadio/status/1986334616332976384

"Quels que soient les méandres juridiques qui conduiront ou non à une qualification terroriste, politiquement, c’est un fait d’inspiration islamiste. Les islamistes, dans leurs vidéos de propagande, ne cherchent pas à déclencher des docteurs en théologie, mais des esprits faibles, des gens instables."

Jean-François Achilli : Vous parlez d’un ruissellement terroriste ?

Thibault de Montbrial : "Moi, c’est ce que les services de renseignement appellent – d’ailleurs j’en parle dans mon livre – un acte d’inspiration islamiste. Qu’ensuite il soit qualifié de terroriste ou pas, ce sera de la cuisine juridique. Mais si on ne comprend pas, politiquement, sociétalement, que c’est un acte d’inspiration islamiste, on n’a rien compris à la situation du pays aujourd’hui."

Jean-François Achilli : Le choc ou la chute, pour un retour de l’autorité, c’est le titre de votre dernier essai, qui est assez alarmiste. Thibault de Montbrial, vous dites : les décideurs, les élites sont dans le déni aujourd’hui ?

Thibault de Montbrial : "En privé en fait non : en privé, les gens reconnaissent la gravité de la situation. Mais les élites, qui ne sont pas seulement les élites politiques, les élites économiques, médiatiques, etc., les gens qui habitent dans des quartiers encore très protégés ont une tendance…
Mais vous savez, c’est l’esprit humain qui est ainsi fait : l’homme a toujours du mal à prévoir l’orage par beau temps, dit Machiavel. Donc les gens minimisent le risque.
"

"Vous savez, comme président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, j’ai fait trente-trois réunions publiques en dix-huit mois ; j’ai vu plus de cinq mille personnes, dont plus de cinq cents élus locaux partout en France. Et cette violence, statistiquement établie, elle est vécue par les gens ; les élus locaux me la racontent, de droite comme de gauche, ce n’est pas une question de couleur politique. La sécurité, c’est un besoin primaire de l’être humain, et c’est le socle du pacte social."

"Il y a une prise de conscience, il y a une nécessité à faire monter d’un cran – en fait de plusieurs crans – la sécurité. Mais elle n’est pas assumée au niveau de l’État, parce qu’il y a une espèce de… j’emprunte un instant le langage marxiste : il y a une superstructure en France, de quelques centaines de milliers de personnes sur soixante-huit millions d’habitants, qui a une part de déconnexion et un biais idéologique dans la façon dont il faudrait traiter les choses."

Jean-François Achilli : C’est la mécanique électorale qui prévaut ?

Thibault de Montbrial : "Non. Parce que si c’était la mécanique électorale, le peuple – partout où je vais et dans toutes les enquêtes d’opinion sur les attentes – même les gens de sensibilité de gauche demandent un retour de l’autorité. Donc si c’était électoral, Jean-François Achilli, il y aurait un tour de vis terrible. Mais ce n’est pas électoral : c’est idéologique."

"Je pense à une sorte de 7 octobre français. C’est un vrai sujet dans les services de renseignement"

Jean-François Achilli : Vous faites un comparatif entre les émeutes de 2005 et celles de 2023. C’est très analytique ce que vous faites : vous constatez une évolution, pour celles de 2023 les armes ne sont pas sorties, c’est ce que vous dites.

Thibault de Montbrial : "Ce qui nous a sauvés, ce qui nous sépare encore d’une bascule absolue de violence, c’est qu’en 2023, il y a eu beaucoup plus de violence qu’en 2005. Des émeutiers ont quitté leur quartier pour aller dans les centres-villes. Mais ils ont demandé aux grands trafiquants, qui ont le monopole des armes de guerre, de les utiliser contre la police et la gendarmerie ; et les narcotrafiquants ont refusé. Pourquoi ? Parce qu’eux sont dans une logique de business."

"S’il y avait eu des dizaines ou des centaines de morts pendant les émeutes de 2023, il y aurait eu un état d’urgence, peut-être même un déclenchement de l’article 16 de la Constitution, et pendant des mois on n’aurait plus pu faire de business. Donc c’est une logique de business des délinquants qui a sauvé le pays en 2023."

"Mais 90 % – en tout cas une très grande majorité – des délinquants et grands délinquants sont d’origine ou de culture arabo-musulmane. Et le jour où il y aura un fait qui provoquera – et je pense que ce sera un fait lié à l’identité – un tsunami d’émotion qui transcendera tout ça et qui fera que la rationalité ne jouera plus, je pense à une sorte de 7 octobre français. C’est un vrai sujet dans les services de renseignement, dont j’ai parlé avec des gens du renseignement français, israélien et américain. Tout le monde, compte tenu des failles qu’il y a en France, pense qu’il y a un vrai risque."

Jean-François Achilli : Au final, vous proposez quand même de sortir de cette montée des violences en France. C’est l’objectif ?

Thibault de Montbrial : "Oui, il y a des préconisations. Sur la justice, par exemple, il faut aller au bout des OQTF. Mais il n’y a pas que ça : il y a toute une batterie de propositions. On n’a plus le temps, mais il y a moyen de s’en sortir. Aujourd’hui, c’est désespérant, mais on peut y arriver. En deux mots : il faut de la volonté politique."

Jean-François Achilli : Je conclus avec vous, Thibault de Montbrial : vous feriez un très bon ministre de l’Intérieur, ou de la Justice, voire plus. Vous vous engagez en politique ?

Thibault de Montbrial : "Vous savez, j’ai déjà les ennuis : j’ai des fatwas, des menaces de toutes sortes à cause de mes positions depuis dix ans. Le pas est déjà franchi. Je suis prêt. Les gens veulent un changement de génération politique. Il y aura des gens de la société civile, et je serai prêt à prendre ma part. Il y a une volonté de changement que les élites parisiennes n’imaginent pas. Et je pense qu’à un moment, il y aura une vague qui va arriver ; d’une manière ou d’une autre, j’en ferai partie."

Retrouvez "L’invité politique" chaque jour à 8h15 dans le Grand Matin Sud Radio

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