OPINION SUD RADIO – Alors que la crise agricole persiste pendant les fêtes, Périco Légasse a souhaité parler de la santé de ces agriculteurs et en particulier du taux de suicide très élevé.
"Alors, nous ne remonterons pas le moral de ces familles qui, le 25 décembre, n'auront pas à côté d'eux quelqu'un qu'ils ont perdu. Je fais allusion à ces milliers d'agriculteurs, de paysans, quelquefois de paysannes, qui se sont suicidé.es. Depuis longtemps, mais ne serait-ce que depuis 2000, ce sont des centaines par an. Alors, soyons très prudents, où est le niveau du suicide ? Est-ce que c'est un suicide lié à l'activité professionnelle, à une détresse, parce que l'agriculture va mal ? Est-ce que c'est une cause personnelle ?"
"Ces suicides sont des faits divers"
"On sait que c'est un secteur de notre société où le nombre de suicides est effarant. Des hommes qui se tuent, qui cessent de vivre, qui mettent fin à leurs jours, parce que leur situation est insupportable, leur situation économique, leur avenir. Ce qui est tragique, c'est qu'on a des chiffres. Une des années les plus terribles fut 2016, avec 516 suicides, presque 2 par jour. En moyenne, c'est 250, 300, 350. Ça a tendance à baisser un petit peu depuis 2000. Il y en a eu avant. La crise agricole n'est pas nouvelle. Ce qui est terrible, c'est que ça passe pour pertes et profits. Ces suicides sont des faits divers. Vous imaginez un secteur où on aurait des pharmaciens, même des hommes politiques qui se suicideraient ? On dirait : mais qu'est-ce qui se passe ? Là, les agriculteurs, c'est normal, c'est des paysans qui se suicident. Oui, ils vivent une situation catastrophique, c'est le marasme. L'agriculture française est mal gérée."
"L'agriculture française est l'une des plus prodigieuses du monde"
"Le paradoxe, c'est que l'agriculture française, qui est l'une des plus prodigieuses du monde, par sa qualité, par sa richesse, par son savoir, devrait engendrer des hommes et des femmes qui soient les plus heureux de la Terre. Des gens qui soient dans l'opulence, qui soient dans la richesse, qui soient dans le partage. Parce que cette agriculture, elle engendre évidemment, un patrimoine culturel et économique prodigieux. Et les gens qui tiennent les êtres humains, les femmes et les hommes, qui portent cette agriculture en eux, dans leurs tripes, dans leur cœur, qui la maintiennent, dans des conditions de travail terribles, en ne comptant pas leurs heures, on n'est pas sur les 35 heures, on n'est qu'à la fois sur les 18 heures, leur salaire est dérisoire. Certains gagnent moins de 1000 euros, ils n'osent pas le dire."
"Ces suicides révèlent l'état de décrépitude de notre société"
"Eh bien, ces gens-là, à un moment donné, ils arrivent à bout, ils mettent fin à leurs jours, alors qu'ils sont porteurs d'un patrimoine qui est prodigieux. Je ne dis pas que ça passe inaperçu, mais ça fait partie des infos du jour. On l'entend avec la météo aujourd'hui. Voilà, ce mois-ci, un suicide de plus. Des gens, quelquefois, qui ont 22, 23, 25 ans, quelquefois 55, 56, plus anciens. Une femme seule, que j'appelle, parce que son mari s'est tué l'an dernier. Voilà, elle est veuve, les enfants restent dans un désarroi, dans une détresse totale. Je trouve que, pour la République française, en 2025, constater ces suicides de paysans comme un fait divers, c'est quelque chose de gravissime, et qui révèle l'état de décrépitude mentale et morale de notre société. C'est un secteur de notre richesse patrimoniale, qui est précieux, et dont on ne se soucie pas assez."
Donc, ils sont en colère, on les voit, pour l'énième fois, en train de barrer des routes, en train de faire des barrages, en train de protester, en train de se plaindre, et nous sommes à côté, nous regardons la maison France agricole brûler, et nous regardons à côté."
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