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Crise agricole : sur les barrages, colère et détermination paysanne

"On ne veut plus d'un abattage systématique", a affirmé sur Sud Radio Luc Thibaul, vice-président de la Coordination rurale de la Marne.

Crise des agriculteurs / Dermatose / Sud-Ouest
Matthieu RONDEL - AFP

Alors que la mobilisation agricole en France a vu une baisse du nombre de barrages après plusieurs semaines de contestation, les paysans restent déterminés sur les points de blocage encore actifs, particulièrement dans le Sud-Ouest et en Champagne-Ardenne, à Reims. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, 23 actions mobilisant 720 personnes étaient toujours recensées le dimanche 21 décembre 2025, essentiellement dans le Sud-Ouest, malgré les appels gouvernementaux à une trêve de Noël.

"Si le gouvernement avait voulu nous aider depuis trois ans, il aurait fait en sorte que les choses s'arrangent"

Pour Xavier, céréalier dans la Haute-Garonne, cette mobilisation n’est pas un caprice, mais une nécessité vitale : "Je ne vois pas comment on peut lâcher le mouvement. Nous, les céréaliers du département, on est en grande difficulté depuis déjà trois ans. Le gouvernement peut bien faire ses annonces, mais on ne l'écoute plus. Parce que s'il avait voulu nous aider depuis trois ans, il aurait fait en sorte que les choses s'arrangent. Il y a deux ans, on nous avait déjà fait des promesses. Mais aujourd'hui, ce ne sont plus des promesses mais des annonces concrètes qu'on attend. Tant qu'il faut rester là, on restera là".

Cette affirmation reflète l’état d’esprit d’une partie de la profession : plusieurs points de blocage routier et autoroutier persistent, malgré des levées partielles sur certains axes comme l’A20 ou l’A61, et malgré l’appel à une pause pour les fêtes. Sur l’A64, par exemple, une fermeture de plus de 180 km entre Toulouse et Bayonne était encore signalée le samedi 20 décembre 2025 par Vinci Autoroutes.

À Reims, des agriculteurs ont installé ce dimanche un barrage filtrant pour faire entendre leurs doléances auprès des automobilistes et du grand public, distribuant café et soupe tout en expliquant leurs revendications. Pour Luc Thibault, vice-président de la Coordination rurale de la Marne, le mouvement est aussi une réponse à ce qu’il qualifie d’« ignoble » politique d’abattage : "La Marne s'est mobilisée depuis plus de quinze jours. On est à Reims sur un point de blocage filtrant. On est là pour soutenir nos amis éleveurs du sud qui sont embêtés avec la dermatose. On ne veut plus d'un abattage systématique. Aujourd'hui, quand on voit le temps passé par les éleveurs pour créer un troupeau… et c'est en générations qu'on parle ! Et aujourd'hui on enlève ça d'un revers de main à des familles… C'est juste ignoble !"

L'accord du Mercosur est lui aussi dans le collimateur des agriculteurs

La colère de la Coordination rurale dépasse la seule question sanitaire pour toucher à la concurrence mondiale et au libre-échange. Luc Thibault dénonce ce qu’il considère comme un non-sens économique : "Faire venir de la viande de pays étrangers avec des normes qui ne sont absolument pas les nôtres, c'est un non sens absolu, on va détruire l'agriculture française". Il appelle le gouvernement à instaurer des contrôles douaniers stricts équivalents aux contraintes imposées aux exploitations françaises.

Lorsque l’on évoque l’injonction du gouvernement — qui a prévenu qu’il ne tolérera plus de blocages bloquant les départs en vacances — Thibault ne se range pas à cette vision : "Eux ils donnent l'injonction de ça. Nous, on donne l'injonction au gouvernement de se bouger et d'essayer de nous trouver des solutions. Aujourd'hui, il n'y a aucune solution de trouvée. On a une ministre de l'Agriculture qui pour moi est complètement dépassée et qui n'est pas du tout dans son milieu, qui ne connaît pas assez bien son sujet".

"Ça fait très peur de savoir que du jour au lendemain, on peut ne plus avoir aucun troupeau"

Cette défiance s’étend jusqu’à l’exécutif : "Aujourd'hui, on demande même au président de la République, Monsieur Macron, de se bouger. La crise agricole, il y a bien longtemps qu'elle est en route. Donc, maintenant je pense qu'il est temps de regarder un peu et de faire les comptes". Et de conclure, lucide sur la réalité du métier : "Aujourd'hui, on ne vit plus de notre métier, on ne sait pas si on va pouvoir transmettre ça à nos enfants […] on a juste besoin de vivre comme tout le monde de notre métier, de pouvoir se payer à la fin du mois".

Enfin, Quentin, étudiant en élevage bovin, illustre l’angoisse d’une génération qui hésite à s’engager dans une profession jugée incertaine : "On a peur pour notre avenir à tous. On ne sait pas si demain on pourra faire ce métier ou pas. […] Ça fait très peur de savoir que du jour au lendemain, on peut ne plus avoir aucun troupeau, ne plus avoir aucun avenir dans l'agricole. … Si on le fait, c'est une passion avant tout, c'est pas un simple métier. Ça va être compliqué".

Alors que certains syndicats agricoles ont commencé à lever des blocages après l’appel à une trêve, nombre d’agriculteurs maintiennent leurs opérations sur les axes majeurs — A63, A64, A75 ou RN20, notamment —, malgré une mobilisation globalement en recul, mais avec une détermination intacte à faire peser leurs revendications.

Retrouvez "La vérité en face" avec Jean-François Achilli dans "Le Grand Matin Sud Radio".

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