La violence envers les élus, le narcotrafic, le Budget 2026, l'avenir des collectivités locales et leur importance... Philippe Laurent a répondu aux questions de Jean-Francois Achilli.
"On ne peut pas s’attaquer violemment, y compris d’ailleurs oralement, à des maires, à des élus locaux"
La violence contre les élus locaux est revenus sur le devant de la scène avec l’agression, la première semaine d’août, d’un élu de l’Isère. Il y a six ans, c’était un élu du Var qui était tué par une personne surprise en plein délit de dépôt illégal d’ordures. La violence est-elle en hausse en France ? "Elle fait partie du quotidien d’un certain nombre de maires et d’élus locaux", concède Philippe Laurent (UDI), maire de Sceaux (Île-de-France) et vice-président de l’Association des Maires de France (AMF). Une violence qui s’étend d’une maniè-re générale contre les "dépositaires d’une autporité quelconque". "Ce sont des actes qui sont évidemment inadmissibles", dénonce le maire de Sceaux. "On ne peut pas s’attaquer violemment, y compris d’ailleurs oralement, à des maires, à des élus locaux." Pour lui, c’est simple : ces agressions sont une "atteinte à notre système représentatif". "Je constate que ces faits se développent."
Il estime que c’est aussi "une conséquence de la montée de la violence en général dans notre société", que ce soit par manque d’éducation, d’absence de respect des règles ou autres. "À l’école, on n’apprend plus l’Instruction Civique déjà depuis longtemps", souligne l’élu d’Île-de-France qui estime que c’est le signe d’une "forme de démission collective quant à l’organisation de la vie en société".
Violence envers les élus locaux : "Nous regrettons que les décisions de justices sont beaucoup trop tardives par rapport aux faits"
L’élu rappelle que des mesures ont été prises, notamment par l’Association des Maires de France (AMF) et les gouvernements. Par exemple, "permettre aux élus de se former à l’affrontement verbal avec les citoyens" pour faire baisser les tensions et éviter les drames. Mais aussi, depuis 2024, le "niveau des peines" a été accru. "Lorsque, maintenant, on agresse un élu, les peines sont les mêmes que lorsqu’on agresse un policier." Une bonne mesure qui a dû mal à être appliquée, regrette Philippe Laurent, non pas du fait du législateur ou de la justice mais à cause du "manque de moyens" de celle-ci. "Nous regrettons que les décisions de justices sont beaucoup trop tardives par rapport aux faits." Malgré des coupables "identifiés", les jugements peuvent prendre plusieurs années.
Trafic de drogue : "si on ne s’attaque pas aux consommateurs, on ne fera jamais cesser le trafic"
Le narcotrafic est la cible numéro un du couple Darmanin-Retailleau, respectivement Garde des Sceaux et ministre de l’Intérieur. "Tout le monde est concerné par le narcotrafic. Toutes les communes", déclare Philippe Laurent, vice-président de l’AMF. "Il est plus ou moins violent, plus ou moins organisé, plus ou moins dense… mais tout le monde est concerné." Mais il rappelle que ce n’est pas aux maires "de gérer cette question" mais bien "aux forces de polices et de gendarmerie".
Comment lutter efficacement ? Pour le maire de Sceaux, il faut avant tout travailler sur les peines. "L’application des peines n’est pas suffisantes." Certains petits trafiquants arrêtés "ressortent le soir". "Ça n’est pas possible", regrette-t-il. "Il n’y a pas d’application de courtes peines dans notre pays, on a choisi ça. Et là les maires demandent une réflexion" sur ce sujet.
Mais il estime qu’il faut également taper sur le consommateur. "S’il y a trafic, il y a consommateurs" qui sont "partout dans la société", le cannabis étant notamment consommé par plusieurs millions de personnes en France selon les statistiques. "Il faut pénaliser les consommateurs." Philippe Laurent l’assure : "si on ne s’attaque pas aux consommateurs, on ne fera jamais cesser le trafic".
"Les collectivités locales c’est la condition du lien social nécessaire dans notre pays"
En tant que maire, Philippe Laurent devra composer avec les économies réclamées par François Bayrou dans le cadre du Budget 2026 dans lequel le gouvernement espère économiser plus de 40 milliards d’euros. Celui qui est également président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale critique les propos du ministre de l’Économie, Eric Lombard, qui demande un baisse du nombre de fonctionnaires : "le sujet est beaucoup plus compliqué qu’il n’y paraît". "J’ai le sentiment que lorsqu’on dit qu’il faut supprimer un certain nombre de fonctionnaires, c’est une facilité." Pour lui, "si on souhaite avoir des services publics" de qualité et qui fonctionnent "partout sur le territoire", il faut des fonctionnaires. Or, "depuis la Libération", le service public assure les fonctions collectives de la société avec "un fort degré de mutualisation des risques". Ce fut un choix politique qui n’a pas été fait dans d’autres pays "où le consommateur de services paye d’avantage". Si on veut changer de modèle, il faudra que le débat soit "mis sur la table par l’ensemble des forces politiques".
Aujourd’hui, analyse Philippe Laurent, les collectivités locales assurent un certain nombre de services de "manière relativement satisfaisante". De plus, les collectivités locales portent "75 % des investissements publics", ce qui en fait le premier investisseur de France. "Il ne faut pas toucher aux collectivités locales", demande le vice-président de l’association des maires de France (AMF).
Pourquoi ? C’est simple : sans des collectivités locales capables d’assurer le service public, la France risque une crise. "Je dis au gouvernement attention : les collectivités locales c’est la condition du lien social nécessaire dans notre pays." Si elles ne peuvent plus jouer ce rôle, "nous irons devant de graves difficultés sociales".
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