C’est sur les coups de 18h que l’on saura le résultat de la consultation lancée par Jean-Marc Janaillac, le PDG d’Air France-KLM, sur le mouvement de grève qui perturbe le fonctionnement de la compagnie depuis plusieurs semaines. Soit le OUI l’emporte et la direction pourra relancer des discussions tout en ayant la majorité des salariés de son côté, soit c’est le NON qui domine et le PDG présenterait sa démission, mettant ainsi en suspens le dossier des augmentations salariales dans l’attente de l’élection d’un nouveau dirigeant.
À l’aéroport d’Orly, le sujet est bien évidemment sur toutes les lèvres. Agent d’escale, Dominique guide les voyageurs à travers le hall du Terminal Ouest. Selon lui, cette grève a fait du mal à la compagnie, qui risque de perdre des voyageurs. "On a perdu pas mal de fric, il y a urgence. Il y a beaucoup de gens qu’on ne reverra jamais. Ils vous le disent haut et fort et droit dans les yeux !", confie-t-il à Sud Radio. Gilles, lui, est steward. Tout juste après avoir atterri, celui qui a voté NON à cette consultation ne se fait pas beaucoup d’illusions. "Malheureusement, je pense que c’est le oui qui va passer. Les pilotes vont avoir ce qu’ils veulent, comme toujours, mais le reste des catégories socio-professionnelles n’auront rien. Ça fait des années que c’est comme ça ! Ça fait 20 ans que je fais ça, et ça a toujours été les pilotes les mieux lotis… Ils disent que ce sont eux qui font voler les avions, donc ça va continuer comme ça", explique-il avant de prédire la fin prochaine du mouvement. "Les gens vont commencer à en avoir marre de faire grève vu qu’il n’y a rien qui se passe. On fait de gros efforts depuis 2011, et rien ne s’est passé depuis...", affirme-t-il.
"La stratégie des syndicats de pilotes n’est pas forcément partagée"
Du côté des syndicats, l’heure est à l’attente. La CFDT Air France, qui soutient l’accord de la direction depuis le 16 avril, espère un OUI massif, comme l’explique sa secrétaire générale Béatrice Lestic. "Ce n’est malheureusement pas la première fois que l’on a une crise de cette nature-là, je rappelle que la dernière crise de gouvernance qu’on a eue, c’est en 2015 ! On ne peut pas vivre ça tous les trois, car pendant ce temps-là, nos concurrents avancent ! On ne peut pas continuer comme ça. On va arriver à 15 jours de grève, ce qui sera quasiment un record pour Air France, et pour quel résultat au final ? Là, on est vraiment dans une impasse. Aujourd’hui, vous avez à peu près 10 syndicats qui appellent à la grève et moins de 20% de grévistes. Je pense que les syndicats de pilotes ont une stratégie qui n’est pas forcément partagée. Si le oui l’emporte, il faudra qu’ils se posent la question de leur stratégie", prévient-elle.
Quoi qu’il en soit, l’enjeu reste majeur selon Gérard Feldzer, ancien pilote et spécialiste de l'aéronautique. "L’avenir d’Air France est fragile. Si la compagnie creuse vraiment le fossé dans des conflits mortifères, la danger est de voir KLM en profiter pour reprendre son indépendance, et on se retrouverait à être dépendant d’un nouvel acquéreur. On peut craindre le pire, mais je pense que les gens ont besoin que ça s’apaise, car ils s’aperçoivent que la compagnie va être en danger, et qu’on trouve des solutions qui nous feraient sortir par le haut. Si le oui l’emporte, ça peut ouvrir des négociations, à condition qu’on lâche un peu du lest des deux côtés", indique-t-il.
Un reportage de Margaux Malinge