"Je voudrais revenir sur les chiffres qui sont communiqués par les politiques", déclare Carine Guillaud au micro de Sud Radio. "Ils consistent à dire que la balance commerciale est déficitaire à hauteur de 84,7 milliards. En fait c’est une sous-évaluation. En réalité, on a dépassé les 100 milliards quand vous ajoutez les frais de transport", explique-t-elle.
"Si vous voulez en fait, notre balance commerciale est structurellement déficitaire depuis des années aux alentours de 80 milliards. Donc on ne peut pas cette année avoir perdu 20 milliards et se retrouver encore à 80 milliards. En réalité, on a dépassé les 100 milliards et c’est vraiment préoccupant", juge la directrice de Relocalisation.fr. "Même si tout était prévisible. Depuis 20 ans on voit le déclin et depuis 20 ans on aurait dû réagir".
Le secteur de la chimie est tiré "par l'industrie du luxe et donc par le marketing"
"Le déclin, il n’épargne aucun secteur de notre activité, c’est-à-dire que sans cesse on nous parle de l'aérospatial, de la chimie, de l’agroalimentaire, etc.", explique Carine Guillaud. "J’aimerais que les Français comprennent une chose c’est que comme ils le savent l'aérospatial c’est un secteur qui est en difficulté depuis le covid. Par ailleurs, quand on parle de la prouesse de la chimie, ce secteur qui serait positif à hauteur de 15 milliards d’euros est en réalité tiré par les cosmétiques et les produits de maquillage et le parfum. C’est-à-dire par l’industrie du luxe et donc par le marketing".
"En réalité, la chimie n’est à l'équilibre qu'à hauteur de deux milliards. Pour donner un exemple d’ordre de grandeur aux Français, on a dépensé 10 milliards d’euros en masques, tests et respirateurs sur l’année 2020. Donc se vanter d’avoir un secteur comme la chimie à l’équilibre, c’est s’éloigner de la réalité. Tous nos secteurs, sans exception, sont atteints par le déclin de notre industrie", explique Carine Guillaud.
Les deux causes de la désindustrialisation en France
"Je pense que la désindustrialisation de la France se fait depuis 40 ans et elle se fait principalement pour deux causes. Une cause théorique et une autre cause qui est plus morale", juge Carine Guillaud. "Alors la cause théorique, c’est la pensée selon laquelle les activités de fabrication sont des activités qui ne rapportent pas d’argent. C’est ce qu’on appelle des activités à faible valeur ajoutée. Dans les années 80 on a voulu faire prendre un virage à la France. La France qui était un pays industriel qui avait bâti son modèle de promotion sociale autour de l’industrie va devenir une société de service comme les États-Unis et le Royaume-Uni".
"C’est la théorie que l’on appelle la courbe du sourire", explique Carine Guillaud. "Donc en amont, il y a la recherche, puis en bas la fabrication, puis les activités de marketing c’est à la fin, donc en aval. Donc nous, qui sommes très intelligents en France, allons conserver seulement les activités amont et aval de nos entreprises. Et tout le reste, c’est-à-dire nos activités de fabrication et d’assemblages qui ne sont finalement pas intéressantes pour les gens, nous allons les délocaliser en Asie. Pour l’erreur morale", continue-t-elle, "je pense qu’il y a un certain mépris de notre classe dirigeante, voire de certains entrepreneurs par rapport aux métiers de l’industrie".
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