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Réseaux sociaux : quand l’actualité se fabrique, se déforme, se censure et se corrige

DECRYPTAGE SUD RADIO - Longtemps considérés comme de simples relais d’information, les réseaux sociaux sont devenus des acteurs centraux dans la fabrique de l’actualité. Ils la génèrent, la propagent, la censurent parfois, et la corrigent souvent. Fabrice Pellebois, enseignant à Sciences Po, revient sur les exemples les plus marquants ces dernières années, au micro de Vanessa Perez dans « Le numérique pour tous ».

Réseaux sociaux GAFAM
Les réseaux sociaux sont devenus des acteurs centraux dans la fabrique de l’actualité.

X : un algorithme au service de la vérification

Depuis son rachat par Elon Musk, Twitter devenu X a profondément modifié son architecture algorithmique. « L'algorithme et ce qui l'accompagne ont grandement évolué depuis l'acquisition de Twitter par Elon Musk, souligne Fabrice Pellebois, enseignant à Sciences Po et spécialiste des dynamiques informationnelles sur les réseaux. Les community notes ont sans doute été ce qu'il y a de plus efficace pour lutter contre les fake news. Elles permettent à une sélection de personnes qui sont préqualifiées d'imposer sur n'importe quel tweet un commentaire pour soit le recontextualiser, soit au contraire le démentir. Et à partir de là, la fake news, qui est toujours aussi virale que ce soit Twitter ou ailleurs, est accompagnée d'un démenti.» Contrairement aux modérations opaques du passé, les Community Notes offrent donc une transparence inédite, tout en laissant la viralité intacte : la fausse information circule, mais elle est accompagnée d’un correctif visible et sourcé.

Russiagate : la fake news la plus virale

Si l’on devait désigner la « plus grosse fake news » relayée par les médias traditionnels et corrigée par les réseaux sociaux, ce serait sans conteste le Russiagate. Cette théorie d’une collusion entre Donald Trump et Vladimir Poutine pour influencer l’élection présidentielle américaine a été « inventée de toutes pièces » selon Pellebois, par l’administration Obama durant la campagne de Hillary Clinton. Qualifiée de « rigolote » en interne, elle a pourtant été diffusée pendant des années par des titres prestigieux comme le New York Times, le Washington Post ou CNN.

« Ça a été servi matin, midi et soir par les médias les plus prestigieux qu'ils soient aux Etats-Unis ainsi qu'en France pendant au moins trois ans. » L’enquête du procureur Mueller a blanchi Trump et des documents déclassifiés de la CIA ont confirmé l’absence de complot. « Toute la presse a pataugé dans cette affaire, et une partie continue encore, souligne Pellebois. Un complot assez grossier. »

Twitter Files : la censure idéologique mise à nu

Les Twitter Files, série d’enquêtes internes rendues publiques, ont révélé des mécanismes de censure bien plus complexes qu’annoncé. Contrairement à l’idée répandue selon laquelle les algorithmes favoriseraient les voix d’extrême droite, les documents montrent que ces voix étaient systématiquement « mutées, shadow-banées et censurées ». Les contenus de gauche étaient valorisés, ceux de droite invisibilisés. Mark Zuckerberg lui-même a reconnu que ce phénomène s’étendait à Facebook, Instagram et l’ensemble des propriétés de Meta.

Le volet français : une censure pré-légalisée

Le chapitre français des Twitter Files est tout aussi explosif. Il révèle qu’un système de censure a été mis en place en France avant même l’adoption du Digital Services Act (DSA). Des ONG identifiaient des contenus jugés problématiques, que les plateformes supprimaient sans base légale. L’administration Biden aurait cherché à profiter du « parapluie européen » pour imposer des normes de modération strictes, y compris aux États-Unis, où cela aurait été anticonstitutionnel. « C’est une fabrique de la loi fascinante, avec des simulations internes et une coordination transatlantique », analyse Pellebois.

Guerre à Gaza : une hypothèse embarrassante soulevée par X

Autre exemple de contre-information révélée par les réseaux : le rôle personnel de Benyamin Netanyahu dans la prolongation du conflit à Gaza. Accusé dans plusieurs affaires de corruption, le Premier ministre israélien aurait trouvé dans la guerre une échappatoire judiciaire en tentant même d'affaiblir la Cour suprême israélienne avant le conflit. En gros : tant que la guerre dure, la justice est suspendue. Sur X, cette hypothèse embarrassante circule librement, là où les médias traditionnels restent prudents.

Affaire Hunter Biden : quand la CIA et le FBI tirent les ficelles

L’histoire du MacBook oublié par Hunter Biden dans une échoppe de Washington est devenue emblématique de la censure algorithmique. Le disque dur contenait des éléments compromettants : selfies documentant une vie de déchéance, consommation de drogues, relations tarifées, et surtout des emails révélant des affaires lucratives avec des oligarques ukrainiens et chinois. Le FBI et la CIA ont une copie du disque dur mais quinze jours avant l’élection présidentielle, le New York Post publie le scoop. Les réseaux sociaux censurent alors l’article, suppriment les comptes qui le relaient et invoquent une hypothétique ingérence russe. « Les réseaux sociaux ont tout censuré et éliminé tous les comptes qui osaient parler de cette affaire au prétexte que c'était une ingérence russe, » explique Pellebois. En réalité, c'est le FBI et la CIA qui avaient « de façon très opportuniste réalisé des exercices de simulation avec les grandes plateformes de réseaux sociaux de façon à anticiper (en faisant croire à) une hypothétique opération de désinformation russe. Ils ont organisé puis ont tout bloqué au moment opportun. »

Le superpouvoir des GAFAM

Ces révélations posent une question fondamentale : qui détient le pouvoir aujourd’hui ? « Les plateformes sont devenues des acteurs politiques à part entière », affirme Pellebois. Google, Amazon, Facebook, Microsoft… les GAFAM ne se contentent plus de diffuser l’information, ils la filtrent, la hiérarchisent, la censurent. Le politique peut encore reprendre la main, mais à condition de s’en donner les moyens. La bataille pour la souveraineté informationnelle est désormais ouverte.

"Le Numérique pour tous" présenté par Vanessa Perez : toutes les émissions à retrouver ici

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