Innocent "détruit" par de fausses accusations ou "tueur en série"? Des témoins ont commencé à peindre un portrait contradictoire de Frédéric Péchier au procès de l'anesthésiste de Besançon, accusé de 30 empoisonnements, dont 12 mortels.
Persuadée de son innocence, la famille de Frédéric Péchier fait bloc derrière lui, à l'orée d'une semaine dominée par son étude de personnalité.
"Jamais, jamais on n'a pu douter de son innocence", a martelé lundi à la barre la mère de l'accusé, Marie-José Péchier, une petite dame aux cheveux blonds coupés court.
"Je sens au fond de mon cœur que mon fils est innocent. Il a eu une enfance heureuse et je ne comprends pas pourquoi il se serait transformé en serial killer du jour au lendemain".
"Il aimait son métier, vraiment. Je ne le reconnais pas dans le portrait qu'on fait de lui", a-t-elle ajouté, après des semaines de témoignages accablants d'anciens collègues et enquêteurs.
Vendredi, à l'audience, Lionel Doury, un chirurgien qui a côtoyé Frédéric Péchier à la clinique Saint-Vincent, un des deux établissements où ont eu lieu les empoisonnements, a évoqué au contraire son "absence d'empathie assumée".
"Frédéric Péchier pouvait dire +je n'ai aucune empathie pour eux (les patients) et je m'en fous de ce qui peut leur arriver+", selon le Dr Doury.
Le commandant de police Laurent Dumont a évoqué les "failles personnelles" de Frédéric Péchier, dominé par son père puis par sa femme, évocatrices selon lui d'un "tueur en série".
Il a évoqué le "sentiment de rejet de son père" éprouvé par Frédéric Péchier, qui "se voit comme le vilain petit canard" de la famille alors qu'il a "besoin de reconnaissance et d'être considéré comme le meilleur".
"Frédéric, je l'ai fait peut-être un peu plus travailler que les autres", a dit lundi le père de l'accusé, Jean-Michel Péchier. Il s'est dit "fier" de son fils et a assuré n'avoir "jamais eu de contentieux" avec celui qui est devenu anesthésiste, comme lui.
"Je le crois innocent", a aussi déclaré cet homme de 78 ans, à la carrure imposante comme son fils, dénonçant un procès "inéquitable".
- "Un homme détruit" -
Frédéric Péchier a vécu chez ses parents jusqu'à ses 24 ans, avant de partir à Besançon pour ses études.
Revenu vivre chez eux à Poitiers après sa mise en cause judiciaire, en 2017, Frédéric Péchier, 53 ans, a perdu son emploi, sa femme -dont il est divorcé- et son statut social.
C'est chez ses parents que, fortement alcoolisé, il s'est défenestré en 2021.
"Frédéric est un homme détruit. Il n'a pour lui que sa famille et l'amour inconditionnel de ses propres enfants qui se sont construits loin de lui", a déclaré sa mère.
S'adressant aux parties civiles, cette infirmière retraitée a déclaré: "je suis moi-même une ancienne soignante. Je sais ce qu'est la douleur et la souffrance de perdre un être cher. Je comprends leur combat pour la vérité, mais nous aussi, nous avons besoin de la vérité".
D'autres membres de la famille Péchier, dont son ex-épouse et une de ses filles, doivent s'exprimer lundi devant la cour d'assises.
Selon le directeur d'enquête Olivier Verguet, "la seule personne qui aurait les clés pour le déverrouiller, c'est Mme Péchier". Il a estimé que son ex-femme, cardiologue, avait une "emprise sur son époux".
"Quand bien même l'épouse du Dr Péchier, ce qui n'est absolument pas le cas, serait une personnalité despotique, tyrannique, qui tiendrait son mari sous emprise, comment vous faites le lien entre ça et aller empoisonner des gens?", a balayé devant des journalistes l'avocat de Frédéric Péchier, Randall Schwerdorffer.
Jeudi, Frédéric Péchier, qui comparaît libre, a clamé une nouvelle fois son innocence: "Je maintiendrai toujours que je ne suis pas l'empoisonneur", a-t-il répété.
Il encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu d'ici au 19 décembre.
Par Angela SCHNAEBELE / Besançon (France) (AFP) / © 2025 AFP