De nouveau sous la menace de censure après sa reconduction très critiquée, Sébastien Lecornu doit constituer, dans un délai ultra-court, son nouveau gouvernement afin de pouvoir présenter un projet de budget lundi.
Emmanuel Macron a annoncé peu après 22H00 vendredi la reconduction à Matignon de Sébastien Lecornu, à l'issue d'une folle semaine entamée par sa démission et celle de son premier gouvernement, qui n'aura survécu que 14 heures.
Nouvel essai, donc: le Président lui donne "carte blanche" pour proposer une nouvelle équipe gouvernementale et mener "les négociations" avec les partis politiques.
Dans la foulée, le Premier ministre démissionnaire a dit accepter la mission "par devoir", et devrait s'atteler dès samedi à la formation de son équipe.
Entre les menaces de censure des oppositions et un socle commun largement mis à mal, sa tâche s'annonce éminemment difficile.
Avec d'abord une première question urgente: qui asseoir à la table du Conseil des ministres lundi pour la présentation du projet de budget 2026, dont l'examen au Parlement doit démarrer au plus vite ?
Le temps presse pour pouvoir laisser au Parlement les 70 jours requis par la Constitution pour l'examiner avant le 31 décembre.
Sébastien Lecornu a prévenu que le futur gouvernement "devra incarner le renouvellement et la diversité des compétences", demandant aux prochains ministres de "s'engager à se déconnecter des ambitions présidentielles pour 2027".
Ce qui semble exclure a priori plusieurs poids lourds de son ancien gouvernement, comme le garde des Sceaux Gérald Darmanin, mais surtout le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, détonateur de la chute de Lecornu I.
La gauche n'y participera pas. Mais qui au sein du socle commun, qui a implosé au cours de cette séquence politique, en sera ?
Les Républicains, doivent décider dans la matinée de leur participation. Les députés de son groupe lui ont toutefois déjà apporté leur soutien.
Autre formation, le parti Horizons d'Edouard Philippe, qui envisage un soutien sans participation au gouvernement si celui-ci touche au "coeur" de la réforme des retraites de 2023.
Or, le Premier ministre a promis que "tous les dossiers évoqués" pendant ses consultations avec les partis seraient "ouverts au débat parlementaire".
- "Une honte démocratique" -
Mais pris en étau entre la gauche et l'aile droite de sa coalition, Sébastien Lecornu devrait faire preuve de doigté pour rouvrir la réforme de 2023 d'Élisabeth Borne.
Pour se prononcer, le Parti socialiste attend la déclaration de politique générale du Premier ministre prévue la semaine prochaine. La date exacte n'est pas encore connue.
Mais il a prévenu: sans confirmation "de l'abandon du 49-3, des mesures pour protéger et renforcer le pouvoir d’achat des français et une suspension immédiate et complète de la réforme des retraites, nous le censurerons".
Le reste des formations politiques d'opposition de gauche n'ont pas attendu longtemps. Dès l'annonce de la reconduction, La France insoumise, le Parti communiste français et les Ecologistes ont immédiatement promis de censurer.
Tout comme le Rassemblement national.
"Un nouveau bras d'honneur aux Français d'un irresponsable ivre de son pouvoir. La France et son peuple sont humiliés", a écrit le coordinateur de LFI Manuel Bompard sur X, en précisant que la formation de gauche radicale déposerait "une nouvelle motion de destitution du président de la République" et censurerait "immédiatement" le prochain gouvernement.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu et le président Emmanuel Macron, le 26 mai 2025 à Hanoï
Ludovic MARIN - AFP/Archives
"Nous proposons dès ce soir aux parlementaires de la gauche de l'hémicycle de signer une motion de censure immédiate et une nouvelle motion de destitution du Président de la République", a précisé le groupe insoumis à l'Assemblée nationale.
Même son de cloche à l'autre bout du spectre politique, où le président du Rassemblement national Jordan Bardella a déclaré que son parti "censurera bien sûr immédiatement cet attelage sans aucun avenir", en dénonçant "une mauvaise plaisanterie, une honte démocratique et une humiliation pour les Français". Position également adoptée par l'allié du RN, Eric Ciotti.
Par Camille MALPLAT / Paris (AFP) / © 2025 AFP