Budget, 49.3, nationalisation d'ArcelorMittal, service national, Russie : au micro de Sud Radio, Éric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis et président de la Commission des Finances, a répondu aux questions de Jean-François Achilli.
"Je ne pense pas qu’il existe une menace russe sur notre territoire"
Jean-François Achilli : Deux sujets ce matin : le budget en panne et ArcelorMittal. Mais d’abord : soutenez-vous la relance du service militaire volontaire, dont Emmanuel Macron va présenter les contours aujourd’hui en Isère ?
Non, pas telle qu’elle est définie et dans le contexte dans lequel elle se trouve. Alors telle qu’elle est définie, d’abord je remarque une première chose : je vous fais remarquer que ce service militaire n’est pas budgété, tout simplement parce que ce n’était pas dans la loi de programmation militaire. On nous sort ça d’un coup, et c’était une des raisons pour lesquelles on trouvait cette loi un peu bizarre : elle ne définissait pas les objectifs et elle avait des manques, notamment celui-là. Ça, c’est une première raison. La deuxième raison, c’est qu’on voit bien dans quel contexte c’est fait. Il le dit lui-même : il parle de menaces très fortes. Il y a une espèce de musique, entretenue aussi par le général Mandon, qui laisserait penser quasiment que la France est à la veille de la guerre.
Vous dites qu’il n’y a pas de menace russe ?
En France, non. Je ne pense pas qu’il existe une menace russe sur notre territoire. Tout cela crée un contexte qui peut servir à plusieurs choses : relancer les industries européennes de Défense, produire davantage d’armement. Les Allemands vont beaucoup investir ; il était question que la France le fasse aussi, pour sept milliards supplémentaires. Et puis, pour un Président en difficulté intérieure, évoquer des menaces extérieures sur lesquelles il a la main peut être politique. Je ne suis pas d’accord. Je veux une France au service de la paix, pas une France dans la mise en scène de la guerre.
Mais Jean-Luc Mélenchon voulait le retour du service national obligatoire.
Nous défendons une conscription citoyenne : rémunérée au SMIC, pour tous, hommes et femmes, avec une dimension citoyenne forte. Par exemple, être capable de réagir aux catastrophes climatiques, qui vont se multiplier. Avec une petite part d’apprentissage militaire, non caserné, comme en Suisse. Et évidemment, il est hors de question d’envoyer ces jeunes en opérations extérieures. C’est totalement différent du projet présenté, qui ressemble à une version vintage du service militaire, reposant sur le volontariat — je suis opposé au volontariat — et qui ne concernerait que quelques dizaines de milliers de jeunes. Le tout dans un climat où l’on installe l’idée que la guerre serait possible. Je ne pense pas que la France doive aller dans ce sens. Voilà pourquoi je m’y oppose. Et oui, on ne sait toujours pas combien cela coûtera.
Le #PS propose un emprunt "forcé" pour les plus riches : "Je suis contre ! On est en train d'entériner le fait que certains ne paient pas leurs impôts normalement ! Ça ne tient pas la route !" pour @ericcoquerel (@FranceInsoumise) #GrandMatin
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Arcelor Mittal : "Je ne vois pas d’autre solution que la nationalisation"
Faut-il nationaliser ArcelorMittal ? Le texte d’Aurélie Trouvé est présenté aujourd’hui dans votre niche parlementaire. L’État doit-il devenir actionnaire principal ?
D’abord, une niche parlementaire, c’est une journée où chaque groupe peut présenter ses textes et tenter de les rendre majoritaires. Aujourd’hui, nous présentons notamment une résolution contre le Mercosur, qui devrait être adoptée, et une autre sur l’égalité du service postal en outre-mer, qui devrait l’être aussi. Et puis le texte sur ArcelorMittal. Je pense qu’il sera discuté et majoritaire. C’est du bon sens. Il ne s’agit pas ici de nationalisations structurelles comme en 1946, 1981 ou 1936, même si je n’y suis pas opposé par principe. Il s’agit d’un cas où, dans un secteur stratégique — et l’acier l’est —, le capital privé fait défaut. S’il n’y a plus de sidérurgie, il n’y a plus d’industrie. Et ArcelorMittal a souvent fait défaut : promesses non tenues, notamment dans la vallée de la Fensch. À Dunkerque, il faut moderniser et décarboner d’ici 2030 pour obtenir les aides européennes. Le projet initial comportait deux usines ; l’État était prêt à apporter 800 millions d’euros. Mittal a finalement renoncé. Il propose désormais une version minimaliste avec une seule usine, et tout laisse penser qu’il pourrait aussi y renoncer. On peut se retrouver début 2025 avec zéro projet. Dans ce cas, je ne vois pas d’autre solution que la nationalisation.
C’est le retour de l’État-nounou ? L'État n’a plus les moyens !
Pourquoi l’État ne saurait-il pas faire ? Mittal ne sait manifestement pas faire, si ce n’est ouvrir des sites en Amérique latine et en Asie qui feront concurrence à l’Europe. Je trouve que dans le rail, l’énergie, les entreprises publiques ont souvent été plus efficaces que le privé. Je refuse la fermeture de la sidérurgie en France. Et oui, cela passera si le RN s’abstient.
.@ericcoquerel (@FranceInsoumise) : "@fhollande propose de voter le budget de manière hypocrite en voulant le retour du 49.3 ! Je lui rappelle qu'il a été élu avec le programme du NFP pour s'opposer au macronisme et non pour s'arranger" #GrandMatin https://t.co/QKa5Efuc2W pic.twitter.com/9rdliy9FPQ
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"Nous déposerons une motion de censure si le gouvernement cherche à éviter le vote du budget"
Le PS propose un emprunt obligatoire pour les plus fortunés. Validez-vous cette idée ?
Non. D’ailleurs, M. Lecornu non plus. Les plus riches paient proportionnellement moins d’impôts que la moyenne : environ 25 %, quand les Français sont autour de 50 % en comptant toutes les taxes. La taxe Zucman visait ces personnes. Là, on leur dit : vous payez déjà moins d’impôts, mais vous pourriez prêter à l’État. On entérine deux catégories de contribuables : ceux qui paient normalement et ceux qui paient beaucoup moins et prêteraient ensuite. Cela ne tient pas debout.
Donc c’est non ?
Je m’étonne même qu’ils la fassent.
François Hollande a dit “nous verrons bien” à propos d'un futur 49.3. Que comprenez-vous ?
Il y a clairement une tentation chez lui. C’est une façon hypocrite de voter le budget : on demande un 49.3, puis on ne censure pas. Comme en février dernier avec François Bayrou. Beaucoup ont été élus sur le Nouveau Front populaire. Sans ce programme, François Hollande n’aurait pas été élu. Ce programme visait à s’opposer au macronisme, pas à composer avec. On m’a dit que le gouvernement n’utiliserait le 49.3 que si le PS le demande publiquement. Quant à nous, nous déposerons une motion de censure si le gouvernement cherche à éviter le vote du budget, notamment via ordonnances. Les ordonnances, c’est faire passer le budget sans vote : rien n’est plus antidémocratique.
Un mot sur cette hausse de la taxe foncière, vous validez le projet du gouvernement ?
Heureusement ! C’était incroyable de vouloir augmenter sur des bases cadastrales datant des années 70, totalement injustes. On voulait encore faire payer classes moyennes et populaires, tout en refusant d’imposer les ultra-riches. Le gouvernement a reculé : tant mieux.
"Nous déposerons une motion de censure si le gouvernement ne met pas le budget au vote, d'ici le 23 décembre" annonce @ericcoquerel (@FranceInsoumise) #GrandMatin
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