François Degois vous dîtes qu’il y a de la gauche dans l’air aujourd’hui. On parle d'une nationalisation d'ArcelorMittal, de forcer les riches à prêter de l'argent à l’État.
« Oui, un air de gauche et d’État. C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes, avec cette proposition choc des sénateurs socialistes. C’est une proposition pour du beurre puisque le Sénat est à droite, mais cette proposition va revenir, pour la deuxième lecture à l'Assemblée Nationale, ce fameux emprunt obligatoire. C'est très simple, obliger les 20 000 foyers les plus riches à prêter de l'argent à l'État, avec un remboursement dans les trois à cinq ans sans intérêt. Ça concerne 0,05% des contribuables, et la mesure pourrait permettre de lever 6 milliards d'euros à minima.
Alors, pourquoi les vieux pots ? Parce que cette mesure, le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy l'avait déjà adoptée en 1983, et avait recouru à cet emprunt obligatoire. En gros, vous n'avez pas voulu la taxe Zucman, et bien voici l'emprunt forcé au nom du patriotisme fiscal. Alors, le Parti Socialiste est dans sa logique. Depuis le début de l'examen, Olivier Faure l'a martelé, nous ferons des compromis, mais vous devez avoir des actes importants sur la justice fiscale. Autrement dit, trouver de nouvelles recettes.
"Sébastien Lecornu est à la recherche d'un budget impossible"
Mais la critique la plus virulente est venue du ministre de l'économie lui-même, Roland Lescure, qui s'oppose à cette mesure. Il faut plutôt y voir la vexation du ministre, qui n'a pas été consulté à l'évidence, mais qu’importe parce que Sébastien Lecornu est à la recherche d'un budget impossible, et est tout à fait prêt à pousser cet emprunt, ainsi qu’Emmanuel Macron. Emprunt que lui ont souffé les socialistes.
C'est peu de dire que le tandem Lecornu-Faure fonctionne en la matière. Mais jusqu'à quel point ? Parce qu'à un moment donné, il va y avoir la vérité du vote, du budget.
Les socialistes ne cessent de répéter que ça n'est pas notre budget. Le maximum que nous pourrons faire, c'est de nous abstenir. Même si, là aussi, ça tangue un peu. François Hollande, lui, commence à faire campagne en disant : "Mais après tout, s'il est suffisamment corrigé, pourquoi ne pas voter ?" On verra ça jusqu'au 23 décembre puisque les députés ont prévu de siéger à minima jusqu'au 23 décembre. »
.@francoisedegois : "Emprunt obligatoire des plus riches, nationalisation d'#ArcelorMittal… Dans la tourmente, on revient toujours vers l'État-providence ! Heureusement qu'il est là !" #GrandMatin https://t.co/3SOew4byBE pic.twitter.com/2RNLgSuVt2
— Sud Radio (@SudRadio) November 27, 2025
"Une bataille infantile entre les Insoumis et le Rassemblement National"
On revient aux années Mitterrand, aux nationalisations. Parce que c'est LFI notamment qui est à la baguette pour demander la nationalisation d'ArcelorMittal.
« Oui, ArcelorMittal qui n'en finit pas d'agoniser avec un nouveau plan de licenciement de 600 personnes. Cette fois c'est LFI, qui a la main sur sa journée. C'est ce qu'on appelle la fameuse niche parlementaire, avec une bataille un peu infantile entre les Insoumis et le Rassemblement National. Je vous rappelle les épisodes précédents. Dans la précédente niche du Rassemblement National, LFI avait fait de l'obstruction. Eh bien là, le RN a décidé de faire de l'obstruction, de déposer 270 amendements. Parce que la niche est hyper strict. Vous l'avez de 9h à minuit. Tout ce qui n'est pas passé à minuit ne passera jamais.
Finalement, le Rassemblement National retirera ses amendements et devrait s'abstenir. Pourquoi ? Parce que l'électorat populaire de Marine Le Pen ne comprendrait pas, évidemment, que le RN s'oppose à une mesure pour sauvegarder de l'emploi. En tout cas, cette nationalisation d'Arcelor pourrait être votée aujourd'hui. Elle a de très grandes chances avec un Rassemblement National qui s'abstient. Parce qu'elle a déjà été votée dans une proposition en 2024. Ce serait donc le retour d'une nationalisation très symbolique et surtout une grande victoire pour Jean-Luc Mélenchon. »
"Cet État providence, heureusement qu'il est là"
Que nous disent ces deux événements ?
« Ça dit que dans la tourmente, on revient toujours vers l'État, vers le réarmement de l'État. C'est la culture colbertiste française. Et finalement, le libéralisme, même soft d'Emmanuel Macron, ne résiste pas à la culture de notre pays dont le modèle repose sur un État providence, fort, structuré, trop rigide et obèse, bien sûr.
Mais qui garantit aussi l'égalité pour tous, avec les trois piliers de la République sociale, le droit à une retraite pour tous, la gratuité des soins et l'assurance chômage. Finalement, en temps de crise et de temps prête, on se retourne toujours vers l'État.
Et c'est normal, ce n'est pas l'État nounou. Regardez les deux exemples les plus récents. La crise financière de 2008 et la crise sanitaire du Covid. C'est vers l'État providence que se sont retournés les Français, y compris la droite et les libéraux qui critiquent le plus cet État. Je vous rappelle que toutes les entreprises se sont tournées vers l'État pour avoir des aides. Donc c'est bien de critiquer, mais cet État providence, heureusement qu'il est là. »
Retrouvez Drôle d'époque dans le Grand Matin Sud Radio au micro de Patrick Roger.