Vous allez nous parler de vin
Oui, le vin est un fleuron de la culture française tout autant que la grève et la retraite par répartition. Et un sujet presque aussi inflammable. Qui veut la peau des bons vivants ?, tonnait Le Point la semaine dernière. Pas mal de monde, en particulier toutes ces ligues de vertu qui veulent notre bien et entendent pour cela faire de notre vie une longue litanie d’interdits. Leur dernier combat : importer en France la lubie US du « janvier sec » - mois sans alcool.
Après les excès de la fin d’année, c’est peut-être une bonne idée…
Si vous prenez la décision librement, en adulte responsable, parfait. Mais s’il s’agit d’interdire, les bons vivants se rebiffent. « Arrêtez de culpabiliser les amateurs de vin ! », demandent dans le Figaro l’écrivain Philippe Claudel et de nombreuses personnalités Pierre Arditi, Guy Savoy, Jean-Pierre Pernaut, Bruckner. Rappellent que le vin est un haut fait culturel, comme les châteaux de la Loire, les Pensées de Pascal, la peinture de Poussin, la poésie de Rimbaud. « Le vin est ce qu'il y a de plus civilisé au monde », écrivait déjà Rabelais.
Mais l’alcoolisme fait des ravages !
Oui 40.000 personnes par an selon les associations. Mais daut-il interdire le sexe à cause du sida ou fermer les casinos parce que le jeu peut rendre accro ? Un mois sans alcool, et pourquoi pas, comme le suggère Claudel, un mois sans paroles, un mois sans pensées, un mois sans imagination », activités potentiellement très toxiques ?
Que l’on éduque, régule, encadre. Mais nous demandons à l’Etat d’enlever de notre route tout ce qui peut comporter un danger. Or à peu près tout ce qui est agréable et excitant est dangereux. Si vous ne buvez pas, ne fumez pas, ne mangez ni gras, ni sucré ni salé, ni gluten, que vous n’abusez pas du sexe ou de la lecture, vous arriverez sans doute à la mort en bonne santé. Si vous n’êtes pas mort d’ennui avant.
En fin de compte, le mois sans alcool aura-t-il lieu ?
Non ! Après s’être aliéné les fumeurs de clopes qui roulent au diesel, le président de la République n’a pas voulu fâcher le Parti de l’entrecôte et du ballon de rouge. Il a tranché fin novembre: exit le mois sans alcool. Fureur des associations qui le soupçonnent de céder au lobby du vin. Dénonce-t-on le lobby de l’aéronautique quand on s’efforce de vendre des Airbus. La viticulture n’est pas un centre d’intérêts mais un élément de ce qu’on n’ose plus appeler notre art de vivre. N’oublions pas le joyeux conseil de Rabelais. Buvez toujours vous ne mourrez jamais !
Avec modération bien sûr.