Déclaration de politique générale du Premier ministre Sébastien Lecornu, risque de censure, suspension de la réforme des retraites, fiscalité des grandes fortunes, rapport au Rassemblement national (RN), avenir de la gauche. Au micro de Sud Radio, Arthur Delaporte, député du Calvados, porte-parole du PS, porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, a répondu aux questions de Jean-François Achilli.
"La censure me démange !"
Jean-François Achilli pour Sud Radio : Sébastien Lecornu va prononcer sa déclaration de politique générale. Il y a un mot que vous attendez ?
Arthur Delaporte : "Suspension. Oui. Suspension de la réforme des retraites et suspension intégrale, pas une espèce de bout de mesure incompréhensible. Nous, ce qu’on veut, c’est la suspension de la mesure d’âge et du nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein."
C’est une quasi-abrogation que vous demandez, en réalité ?
"Non, parce qu’une abrogation voudrait dire revenir à 62 ans. Nous, on veut la suspension, c’est déjà un compromis."
Olivier Faure a été clair : suspension immédiate et complète, sinon censure. Vous confirmez ?
"Ce qu’on demande, c’est une preuve de confiance. Le Premier ministre nous annonce un débat fumeux, auquel on ne comprend rien. Nous, on ne veut pas débattre : on veut que le Premier ministre endosse la responsabilité d’annoncer la suspension de la réforme. Sinon, j’ai du mal à voir comment discuter avec des gens qui ne veulent rien changer."
Et vous-même, vous avez envie de censurer ?
"La censure me démange ! Comme beaucoup de Français qui voient ce gouvernement composé globalement des mêmes, persuadés que le pouvoir leur appartient. Et derrière, Emmanuel Macron donne l’impression de continuer à tirer les ficelles. Il faut que ça cesse."
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Donc pas de marge de manœuvre pour Sébastien Lecornu ?
"Sur la formation du gouvernement, le président de la République a tenu le crayon. On nous parle de Premier ministre de rupture, mais c’est une dissonance que j’ai du mal à supporter."
"Nous attendons une suspension intégrale de la réforme des retraites"
Un tiers des élus socialistes serait tenté de voter la censure. Vous confirmez ?
"Je ne suis pas en mesure de dire cela. Il n’y a pas de calcul. La position collective du Parti socialiste dépendra de ce que le Premier ministre lâchera sur des choses majeures, notamment la réforme des retraites, mais aussi la justice fiscale et la protection des Français les plus modestes."
Justement, sur la fiscalité : la taxe Zucman est controversée. Pourquoi ne pas revenir simplement à l’ISF ?
"On peut parler longtemps de la taxe Zucman, mais notre contre-budget a remis sur la table la fiscalisation des plus grandes fortunes et la manière dont elles évitent l’impôt. Ce n’est pas parce qu’on est prix Nobel qu’on détient la parole d’évangile ! Le sujet, c’est de trouver un moyen de fiscaliser ce patrimoine qui échappe à l’impôt et de rapporter de l’argent à l’État."
Vous attendez donc des annonces claires sur ce point ?
"Oui, des annonces claires, pas de simples déclarations d’intention. Il faut que les grandes fortunes et les grandes entreprises, qui ont tant bénéficié des politiques publiques, soient mises à contribution."
Le Parti socialiste demande aussi la fin du 49.3 ?
"Oui, parce que c’est un outil de brutalisation du débat démocratique. Sans majorité claire au Parlement, un gouvernement ne peut pas imposer seul sa décision. Renoncer au 49.3, c’est dire que le débat parlementaire compte, que ce n’est pas pour du beurre."
Les 69 députés socialistes parlent-ils d’une seule voix ?
"Le Parti socialiste a une responsabilité certaine dans la situation, mais il n’en est pas responsable. Ceux qui le sont, ce sont ceux qui choisissent de continuer le macronisme. Nous savons que de notre vote dépendra l’avenir du gouvernement. La suspension de la réforme, c’est aussi un moyen de retourner vers nos électeurs et leur dire : voilà ce que nous avons obtenu."
"Il faudra des accords ponctuels avec LFI"
La France insoumise vous appelle à voter la censure. Une menace implicite ?
"Je n’agis pas en fonction de la menace de la France insoumise, mais selon ce que je crois bon pour les Français. Si demain nous obtenons des victoires pour le pouvoir d’achat et pour l’équilibre des finances publiques, nous aurons tenu notre rôle. Mais certaines fuites du budget Lecornu m’inquiètent, notamment des mesures qui tapent sur les retraités."
Tout ce qui fait contribuer les retraités modestes et les classes moyennes, vous dites non ?
"Oui, parce qu’ils n’ont pas à financer l’enrichissement des plus riches. Les 1.800 plus grandes fortunes ont vu leur patrimoine doubler depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron."
Mais les 10% les plus riches paient déjà 72% de l’impôt sur le revenu...
"Je ne parle pas des 10%, je parle des 0,1% les plus riches. Leur patrimoine augmente de 10% chaque année. Si le mien augmentait autant, je serais prêt à en reverser une partie."
Olivier Faure évoque la nécessité d’éviter le RN au second tour, quitte à revoir les alliances. Cela passe-t-il par des accords avec LFI ?
"Il faut garder en tête la menace du RN. C’est ce qui nous a poussés à nous rassembler. Mais aujourd’hui, il faut aller plus loin et conquérir de nouvelles circonscriptions. Les relations avec LFI n’ont pas toujours été simples, mais nous ne pouvons pas dire ‘plus jamais d’accords’. Le risque RN est supérieur à tout le reste."
Rima Hassan, députée européenne insoumise, parle de 'gauche coloniale qu’il faut combattre'. Votre réaction ?
"Ces propos sont insupportables. Je ne joue pas les gauches irréconciliables. Les électeurs de gauche veulent la victoire et le changement. Et pour cela, il faudra bien des accords à minima, ponctuels, là où la division empêche la qualification au second tour."
.@ArthurDelaporte (#PS) : "Aujourd'hui, il y a un plafond de verre dans la logique d'une alliance de premier tour avec la @FranceInsoumise, (...) mais le risque #RN doit nous imposer la responsabilité. Il faudra des accords ponctuels" #GrandMatinhttps://t.co/rFgdXzAr68 pic.twitter.com/vlaLzuSTqx
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"Il faut arrêter cette imposture du RN"
Jordan Bardella vous accuse de "magouilles dans les couloirs de Matignon". Vous craignez une dissolution ?
"Je n’ai ni peur des élections, ni peur des électeurs. Ceux qui magouillent, ce sont les députés du Rassemblement national, condamnés pour détournements. Ils ont été la béquille de François Bayrou et ont empêché la taxation des plus riches. Il faut arrêter cette imposture du RN."
Un mot sur la libération des otages israéliens ?
"C’est un soulagement profond. L’enjeu, désormais, c’est la reconstruction de Gaza et la fin de la colonisation. Donald Trump y a contribué, mais la France avait déjà tracé des perspectives. Il faut maintenant donner aux Palestiniens la possibilité de se décider par eux-mêmes."
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