L’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 continue de secouer la vie politique française. Condamné à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de faire appel. Pour sur Sud Radio, l’ancien magistrat Philippe Bilger a livré son analyse de ce jugement. Il revient à la fois sur la portée de la condamnation, sur les critiques formulées par l’ancien chef de l’État et sur les suites judiciaires possibles.
De quoi Nicolas Sarkozy a été condamné et de quoi a-t-il été relaxé ?
« Nicolas Sarkozy a bénéficié d'une triple relaxe pour corruption passive, détournement de fonds publics libyens, et de financement illicite de la campagne électorale. Il est condamné pour un pacte corruptif. Il faut comprendre que la période considérée pour Nicolas Sarkozy s’étale de 2005 à 2007, avant son élection comme président. Sur cette période, le tribunal considère qu'il y a eu un pacte corruptif entre Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux Mais on ne lui reproche pas la corruption, puisqu'il est devenu président en 2007 et qu'on a considéré, et à juste titre, qu'il n'a commis aucun acte de corruption dans sa pratique présidentielle. Il n'a absolument pas favorisé la Libye à partir du moment où il a été élu président. »
Quel est votre avis sur cette affaire ?
« Il me paraît un peu choquant de dire que c'est la haine qui a inspiré le jugement. Et c’est une argumentation que Nicolas Sarkozy a développée, en l'adaptant à chaque fois, devant les condamnations qui lui étaient infligées, et dont il avait fait appel. C'était, ou bien les magistrats qui étaient partiaux ou le syndicat de la magistrature ou la malfaisance judiciaire, ou, aujourd'hui, c'est la haine que le tribunal aurait eu à son égard. Ça, ça me choque également, et lorsqu'il parle de « justice invraisemblable », c'est assez choquant.
Il dit également que cette affaire a été instruite largement durant dix ans. Et il indique : « que d'argent perdu, que de fonds dilapidés qui auraient pu servir à autre chose ». Mais à partir du moment où des présomptions d'infraction sont reprochées à un président, il est de l'honneur de la démocratie d'enquêter et d'instruire sur eux. Même si ça dure dix ans. Et l'argent qui est perdu ne l'est pas, puisque c'est la base même de la démocratie.
Il y a également un document original de Mediapart qui avait permis le démarrage de la procédure. Et ce document qui à deux reprises avait été déclaré authentique par la justice a finalement été qualifié de « faux ». Autrement dit, non seulement ce tribunal n'est pas partial, mais il est même allé sur un point capital dans la ligne de Nicolas Sarkozy, puisqu'il a considéré qu'un document pourtant deux fois validé par la justice était un faux. Nous verrons donc ce que décidera la Cour d'appel. »
Qu’attendre pour la suite pour Nicolas Sarkozy ? Qu’en est-il des autres affaires le concernant ?
« Il a l'exécution provisoire avec le mandat de dépôt différé, ce qui veut dire que dans le délai d'un mois, le PNF (Parquet national financier) aura décidé où il sera incarcéré. Et Nicolas Sarkozy aura le droit immédiatement de demander un aménagement de peine. Un aménagement qui lui sera certainement très favorable puisqu'il est âgé déjà de plus de 70 ans. Les autres affaires, il y en a eu un certain nombre. Cette affaire-là n'arrête pas le cours des autres. Si les autres sont encore en continuation judiciaire, elles se poursuivent très normalement. »