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Les avocats des enfants à Cédric Jubillar : "Rendez-leur Delphine !"

DOCUMENT SUD RADIO – A 2 jours du verdict, dernières plaidoiries ce matin des avocats des enfants, les réquisitions attendues dans l’après-midi. Récit de l'intérieur par notre reporter Christine Bouillot.

cédric jubillar procès delphine
Cédric Jubillar dans le box (Ed JONES - AFP/Archives)

Seizième journée d’audience aujourd’hui du procès Jubillar avec la suite des plaidoiries des avocats des parties civiles avant les réquisitions attendues dans l’après-midi. Les plaidoiries des parties civiles ont commencé dès hier. Ils sont 9 avocats à se succéder à la barre. Tous reviennent sur la culpabilité du mari de Delphine et ont demandé aux jurés de le condamner même en l’absence de corps.

Louis : « Je suis sûr que c'est lui (papa) qui l'a fait »

Maître Schmani, avocate des enfants est la première à plaider. Elle parle d’Elyah, la cadette du couple Jubillar, et lit son témoignage avec ses mots d'enfant :

« J'ai peur de l’oublier. Une maman, c'est important ». Et de citer ensuite Louis, l'aîné : « Je pense à maman. J'aimerais me réveiller et savoir où elle est. Papa, je veux plus le voir maintenant à cause d’avoir fait ça. Il ment. J'ai peur de lui, j'ai peur qu’il revienne me chercher. Où est-ce qu’elle est maman ? Il ment. Je suis sûr que c'est lui qui l’a fait. » Une question le taraude : « Si papa dit la vérité, est-ce que ça s’arrête là ? »

Il explique qu’il a peur que son père sorte et vienne le chercher vu les maltraitance subies par le passé. Il se souvient que sa mère lui a dit qu’ils allaient divorcer. Il voulait rester avec sa mère et elle lui a dit que ce serait compliqué.

Louis entend dans le bus tous les matins les infos à la radio...

On sait que Louis a accès aux médias et entend parler du procès. Tous les matins, il prend le bus et le chauffeur met la radio qui parle de l’affaire. Il est allé le voir pour lui demander de changer de station en disant qu’il était le fils de Jubillar. Le chauffeur a refusé. Le petit garçon âgé de 11 ans est donc très informé du procès. Il est au courant de tout même s'il n'a pas de téléphone.

Il a voulu voir ses avocats pendant le procès. Ils ont mangé ensemble. Louis voulait venir au procès. La psychologue était d'accord, mais ses avocats ne l'ont pas souhaité (même si l'une d'eux pensait que cela lui ferait du bien) par sécurité et de peur que des photos volées de lui soient prises. C’était la première fois qu’il faisait cette demande. Le compromis a donc été cette lettre lue hier en fin d'après-midi et de nouveau ce matin par l'avocate.

« Mr Jubillar, vos enfants n'auront pas la vérité de la bouche de leur père ! »

Et l'avocate de s'emporter :

« La médiatisation, les unes, l'amant ! Est-ce que l' on peut pas dire l'amoureux de maman ? La violence des mots, « l'autre », « la salope » ! Un minimum de décence, Mr Jubillar ! Le procès s'achève et les enfants n'ont pas de réponses. Mr Jubillar, vous n 'avez pas été à la hauteur des attentes de vos enfants ! Ils méritaient mieux que ça. Pas à la hauteur de leur innocence, de leur naïveté !

« Ils vous ont tendu la main à plusieurs reprises. Ils vont faire avec. Ils vont vivre sans leur mère. Ils ne restent que des photos, des souvenirs pour Louis qui s'estompent au fil du temps. Vous n'avez pas de baguette magique ! Ils n'ont pas eu la vérité de la bouche de leur père ! Ils auront une vérité judiciaire. Justice et vérité pour Louis et Elyah ! »

Me Boguet : « Nous sommes dans un dossier de féminicide. Techniquement parlant, c'est une réalité »

Au tour de Me Boguet, autre avocat des enfants, qui s'adresse aux jurés  : « Vous êtes les juges d’une vie. Après moi, fin des plaidoiries. Je vais essayer de vous apporter des explications pour apporter de la cohérence au milieu des incohérences de Mr Jubillar. Il fallait qu’elle se taise à jamais, la voix des enfants. Ces voix ne crient pas vengeance, elles réclament justice.

« Pas d'aveux, pas de corps. La justice française ne pourrait pas condamner ? C'est faux. Les faits sont têtus quand ils sont alignés, constituent une cohérence au niveau de de ce meurtre commis à Cagnac-les-Mines. Nous sommes dans un dossier de féminicide. Techniquement parlant, c'est une réalité.

« C'est le procès de la liberté arrêtée, du rêve brisé pour Delphine »

« C'est le procès de la liberté arrêtée, du rêve brisé pour Delphine. Elle était un ange mais surtout une femme qui avait l’aspiration de vivre heureuse. Elle ne l’était plus au contact de Cédric Jubillar.

"Je veux que votre cour retienne cette idée simple que c’est lui qui donne le la au récit : il appelle la gendarmerie et donne une explication : « nous sommes en instance de divorce, je dormais, nous avions eu notre câlin et tout allait bien. Je ne me disputais pas. » Son récit : tout va bien.

« Le divorce le rendait fou »

« Désormais, il faut analyser les éléments factuels de la nuit. Vous devez juger les faits et la personnalité de l'auteur. Si j’avais indiqué à ses enfants qui ont perdu leur mère, et qu’après 32 000 pages de procédures que nous avions acquis une conviction que votre père n’y est pour rien, croyez-vous que nous n’aurions rien dit ? Le divorce le rendait fou alors que son récit était que « tout allait bien ». L’enquête va révéler des incohérences : on s’aperçoit que ça ne va pas du tout. On voit qu’il y a une véritable tension qui s’est créée à la veille du 15 décembre. On est bord de l'éruption volcanique ! On est à la veille d’un drame annoncé.

« Delphine n'ose plus parler, sourire. Elle a honte. Les châtiments en public : le bourreau ne fait plus même plus l’effort de se cacher. Ça veut dire quoi ? Qu'il nous emmerde ! « Je fais ce que je veux avec ma femme, mes chiens, mes enfants. On l’a entendu à la barre.

L'avocat à la voix forte, hausse le ton ! Cédric Jubillar dans son box ne bronche pas. Pas de signes d'agitation.

« Il était jaloux de la réussite (de Delphine). Elle, la fille qui comptait les raviolis pour que personne ne manque de rien, elle qui est devenue infirmière. Parfaitement dévouée, bien notée. Mais lui se dit : « j’ai fait ce que je pouvais, des petits boulots, me payer mes addictions : c’est la faute des autres si je ne réussis en tant qu’artisan ». C’est une relation déséquilibrée. Elle en a eu juste ras le bol ! C est pas Emma Bovary, elle part pas pour le beau Rodolphe. Elle part parce qu’elle en peut plus.

«  L'étranglement va au-delà du geste »

« Les échanges qui sont les seuls témoins que s’adressent le couple - pas si nombreux - montrent que les choses s’étiolent. Ca ne va pas beaucoup mieux. Lui, il faut qu’il montre qu’il a réussi son mariage, sa maison, ses enfants, ses chiens et tout cela est en train de s’effondrer. L'étranglement va au-delà du geste : ça signifie que l’on va couper le souffle de l'autre et arrêter la profusion des mots qui tuent. »

« Imaginez ce qu’il dit à sa mère : j’en ai marre, je vais la tuer, l’enterrer et personne ne la retrouvera jamais... La charge symbolique de cette phrase ! » L'avocat marque un silence. « Quand on annonce qu’on va tuer et que 5 ans plus tard, c'est la réalité, par définition, c'est accablant. »

Avec sa carrure de 3e ligne de rugby et sa voix qui porte ? Me Boguet commence à dessiner un scénario de la nuit du drame :

« Louis discute avec l’amoureux de maman. On est 2 semaines avant le drame (…) Vérification des comptes, de ce que fait Delphine, où elle est. C'est ça qui fait le possible. Ce n’est pas de la préméditation. On cohabite avec ce mauvais génie qui dit que si ça continue, ça va mal se terminer. Des sentiments et des pulsions qui se mêlent.

Me Boguet : « ''Oui, je vais partir ! Je vais refaire ma vie'' et l’autre, il pète les plombs ! »

« Et puis arrive le 15 décembre : une découverte de ce voile de ce rideau qui se déchire. Delphine entre en relation avec Cathy Maillot (la femme de son amant). Elles sont classes ces deux femmes. Elles discutent et ces deux femmes s’entendent pour calmer (la situation) et se voir plus tard. La journée avance. La soirée et puis le dernier message de Delphine à son amant. Il la surprend. Il voit ce message. Il pète les plombs. Et pourquoi n’aurait-elle pas dit ce soir là : ''oui, je vais partir ! Je vais refaire ma vie'' et l’autre, il pète les plombs !''

« Puisque c'est comme ça, on va se séparer !

- Tais toi ! Et on l'étrangle pour faire taire (l'avocat joue la scène, avec gestes et paroles )

Et d'évoquer la voiture, garée dans le mauvais sens la nuit de la disparition de Delphine :

« Cette voiture muette a été utilisée. Qui a les clefs ? Delphine et Cédric, qui les trouve tellement facilement. Je veux bien qu’on conteste tout (…) Un chat qui retombe toujours sur ses pattes et quand il est piégé, il vous griffe les yeux.

« Et le téléphone : qui d’autre que Cédric a accès à ce téléphone ?

« Louis et Elyah : le silence imposé.

« Les corps disparaissent pour ne jamais revenir. On ne se recueillera pas sur votre tombe. On vous efface.

« Il a effacé Delphine. Il l’a étranglée pour la faire taire. Symboliquement, c'est hyper important que vous compreniez que certaines trahisons se payent. Personne ne se souviendra de ce que vous avez été. Rendez-leur Delphine. » Fin des plaidoiries.

Place aux réquisitoires

Début du premier réquisitoire en ce mardi après-midi. Nicolas Ruff, avocat général, est le premier à prendre le micro, debout face à la cour.

L'intégralité de nos articles consacrés à l'affaire Jubillar : notre dossier spécial à retrouver ici

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