Le procès d'un maïeuticien déjà condamné à 12 ans de prison pour 11 viols sur des patientes s'est ouvert jeudi devant la cour criminelle de l'Hérault pour des faits semblables commis sur six autres femmes.
Lionel Charvin, 54 ans, qui exerçait en libéral et dans une clinique à Montpellier jusqu'en 2016, encourt 20 ans de réclusion. Le verdict est attendu vendredi.
Crâne rasé, barbe bien taillée et élégante chemise vert bouteille, il a décliné son identité d'une voix calme depuis le box des accusés, d'où il a suivi avec attention la suite des débats.
En mars 2021, ce père de trois enfants a déjà été reconnu coupable de "viols commis par une personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction" par la même juridiction, composée de cinq magistrats professionnels. Il n'avait pas fait appel de sa condamnation.
Né à Montpellier, ce fils d'un patron de laboratoire pharmaceutique, initié à la sexualité par sa belle-mère à l'âge de 13 ans, avait été condamné pour avoir agressé ses patientes notamment avec des "massages" du clitoris, du périnée et des seins ou des pénétrations digitales du vagin, sous couvert de gestes médicaux pendant la préparation à l'accouchement ou le suivi post-natal.
La médiatisation de ce premier procès avait conduit une dizaine d'autres femmes à se manifester pour dénoncer des faits de même nature commis entre 2010 et 2016 à Montpellier.
Certains des faits dénoncés étant prescrits, et d'autres pas suffisamment étayés, Lionel Charvin a finalement été renvoyé une seconde fois devant la cour criminelle pour les viols de six patientes, dont cinq se sont portées parties civiles.
Les nouvelles plaignantes, comme celles ayant témoigné à l'audience en 2021, ont expliqué aux enquêteurs avoir été "tétanisées" ou "paralysées" et n'avoir rien osé dire dans un premier temps. Depuis lors, elles souffrent pour la plupart de troubles post-traumatiques, selon les expertises.
Elles seront entendues jeudi après-midi, après un premier interrogatoire de Lionel Charvin, qui portera en principe sur sa "personnalité", a indiqué la présidente de la cour criminelle, Sylvie Rouanne.
- Une cinquantaine de patientes -
La position qu'adopteront Lionel Charvin et ses deux avocats -reconnaissance de culpabilité ou demande d'acquittement- est très attendue, puisqu'il s'est montré jusqu'à présent "ambivalent dans ses déclarations, se cachant parfois derrière la pratique professionnelle", selon un rapport d'enquête.
Le maïeuticien, qui a également "contesté avoir eu l'intention de violer", a expliqué lors de ses auditions avoir agi avec "beaucoup" de patientes, potentiellement une cinquantaine.
Devant la cour, le psychologue Alain Penin, qui l'a expertisé en détention en mai 2023, a décrit un homme "à l'intelligence de normalité supérieure" et relevé un "début d'évolution psychique" depuis son incarcération. "Il reconnaît à présent la contrainte morale, il explique qu'il a pu comprendre un peu les conséquences délétères" pour ses patientes et qu'il ressent "une forme de culpabilité".
"Mais il reste des éléments à travailler: la minimisation de ses actes, une tendance à l'auto-justification. Lionel Charvin dit que, au fond, sa motivation, c'était de faire du bien aux femmes, aux couples, et ça ne me semble pas correct", a ajouté l'expert, évoquant une "perversion du cadre thérapeutique, détourné au profit de son propre plaisir à lui".
Le maïeuticien pratiquait l'activité professionnelle de sage-femme, doublée d'une spécialité en haptonomie, qui se base sur le renforcement des liens affectifs entre les individus par le biais du toucher.
Cette pratique s'effectue généralement en présence du ou de la partenaire de la femme enceinte et exclut que le praticien procède lui-même à des massages ou à des touchers comme ceux pratiqués par l'accusé.
Par Philippe SIUBERSKI / Montpellier (France) (AFP) / © 2025 AFP