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Quand Nicolas Bay et le FN usent du flou sur le terme de fraude sociale

Par Jérémy Jeantet

Invité de Sud Radio et Public Sénat ce mardi, Nicolas Bay a estimé à 20 milliards d'euros le montant de la fraude sociale. Des propos qu'avaient déjà tenus Marine Le Pen sur le même plateau avant de se reprendre, il y a quelques semaines. En oubliant de préciser que la fraude aux prestations sociales est loin de ce montant.

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Invité de l'émission Territoires d'Infos, sur Sud Radio et Public Sénat, ce mardi, Nicolas Bay a servi les traditionnels éléments de langage du Front national pendant cet entre-deux tours, insistant sur le "choix de civilisation" proposé aux Français dimanche 7 mai et tentant, tant bien que mal, d'éteindre les polémiques sur le plagiat du discours de François Fillon par Marine Le Pen, sur l'accord passé ou non avec Debout la France pour les législatives et sur le véritable calendrier de la sortie de l'euro.

Mais au milieu de ces phrases calibrées pour inonder les médias, qui servent bien souvent à ne pas trop en dire tout en gardant la parole, Nicolas Bay a énuméré les réservoirs d'économies potentielles en France, citant notamment la fraude sociale, évaluée par un rapport de la Cour des comptes, avance-t-il, à 20 milliards d'euros.

 

 

Un chiffre exact, tiré d'un rapport datant de septembre 2014. et que l'on retrouvait déjà dans le discuté rapport du député Dominique Tian en 2011. Mais ce qu'oublie de préciser Nicolas Bay, c'est que ce chiffre ne renvoie pas seulement aux particuliers qui fraudent pour obtenir des aides. En fait, dans le détail, la fraude aux prestations sociales est même très marginale dans ce qui est englobé officiellement dans "la fraude sociale".

Ce qui fait gonfler ces chiffres, c'est bien la fraude aux cotisations sociales, fruit d'employeurs peu sensibles aux réglementations qui usent de travail au noir, de travail dissimulé ou abusent de la directive sur les travailleurs détachés.

Un chiffre repris également par Marine Le Pen

Que Nicolas Bay évoque ces chiffres pour illustrer les "réservoirs d'économies" qui existent en France n'a rien de choquant, le Front national a d'ailleurs fait de la suppression de la directive sur le travail détaché l'une de ses marottes de campagne. Mais le flou entretenu entre fraude aux cotisations et fraude aux prestations est plus douteux. Et c'est bien cela qu'entretient le Front national en usant délibérément du terme de "fraude sociale".

Début avril, Marine Le Pen était à la même place, sur le plateau de Territoires d'Infos, sur Sud Radio et Public Sénat. Elle avait déjà évoqué ce même chiffre, avant de poursuivre de manière un peu plus confuse après les relances des journalistes.

 

 

Et là, plus de place au doute. Quand Marine Le Pen parle de fraude fiscale, elle pense bien aux fraudes aux prestations, avançant même la solution d'une carte Vitale biométrique. Sauf que dans les chiffres, la fraude aux prestations dépasse à peine le milliard d'euros par an en 2015, selon le comité national de lutte contre la fraude. Bien sûr, il s'agit d'une somme conséquente. Bien sûr, ce chiffre est en augmentation de 17 % par rapport à 2014 et a presque doublé depuis 2011 (sans que l'on sache s'il s'agit uniquement d'une hausse des détections ou d'une hausse des fraudes). Mais il est nécessaire de préciser également que les fraudes aux RSA et aux aides au logement, les premières qui viennent à l'esprit quand on parle de "fraude sociale", sont comptabilisées dans la branche "Famille" du CNLF, qui a atteint 247,8 millions d'euros en 2015.

L'État gagne 5 milliards d'euros par an grâce aux gens qui ne demandent pas le RSA

Si l'on prend en compte le fait que la Cour des Comptes, dans un rapport de 2010, indique qu'une grande partie des fraudes aux prestations sociales ont été détectées et récupérées, ce chiffre apparaît alors beaucoup plus modeste que les 20 milliards martelés par les ténors du Front national. Surtout si on le rapporte aux études qui chiffrent à plus de 5 milliards d'euros par an le bénéfice pour l'État des particuliers, éligibles au RSA, qui n'en font pas la demande.

Toutes les études et tous les rapports s'accordent toutefois sur la faiblesse des organes de contrôle et de recouvrement de ces différentes fraudes, qu'elles soient aux cotisations ou aux prestations. Mais mettre dans le même sac les particuliers et les entreprises relève de la tromperie. À moins qu'il ne s'agisse d'éléments de langage, destinés à séduire les électeurs...

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