Manon Aubry : "les députés de la majorité suivent bêtement ce que le gouvernement leur demande de faire"
Les députés de la France Insoumise ont déposé 19.000 amendements à l'Assemblée nationale contre la réforme des retraites. "L'objectif est d'essayer d'avoir gain de cause justifie Manon Aubry au micro de Patrick Roger. J'ai entendu la porte-parole du gouvernement faire une leçon de démocratie : contrairement à ce qu'elle dit, nous faisons honneur à la démocratie estime Manon Aubry, quand on a une majorité de la population, une majorité des syndicats qui est contre cette réforme des retraites, et que le gouvernement s'assoit sur l'avis du Conseil d'État, le seul outil qu'il nous reste, c'est l'outil parlementaire dont nous faisons usage : on jette 19.000 amendements en face du gouvernement pour dire notre refus de cette réforme qui nous fera travailler plus longtemps".
Manon Aubry revient sur les congés pour les parents en deuil : "j'appelle à la vigilance, parce que la dernière fois que le gouvernement nous a dit que ce serait corrigé sur les exonérations fiscales, ça l'a été puis finalement c'est passé par ordonnance rappelle-t-elle. Ça illustre une déconnexion totale avec la réalité sociale : on a des robots, les députés, à qui on dit 'avis positif, avis négatif, votez pour ou votez contre'. La député Aurore Berger par exemple a voté par procuration et ne savait même pas qu'elle avait voté contre. Notre démocratie va mal insiste Manon Aubry : les députés ne savent plus ce qu'ils votent et ne traduisent même plus la pensée populaire majoritaire : ils suivent bêtement ce que le gouvernement leur demande de faire. Je suis sûre que la-dedans il y a forcément des gens bien nuance-t-elle, qui ont une indépendance, une liberté de conscience. Je leur dis faites-en preuve, arrêtez de suivre aussi bêtement !"
"Il y a des murs gigantesques qui séparent les institutions européennes de la vraie vie"
Manon Aubry, députée européenne, "respecte la souveraineté populaire qui a conduit au Brexit. Je ne regrette pas le départ, mais je regrette que la construction européenne en soit arrivée là affirme-t-elle. On se demande aujourd'hui quel pourrait être le prochain État à partir. Le pire serait de continuer comme avant, de ne pas s'interroger sur cette construction européenne qui nous amène telle qu'elle est droit dans le mur, sans remettre en question ses dogmes de l'austérité, du libre-échange. Partout en Europe, le sentiment européen recule au fur et à mesure que les institutions européennes s'éloignent des peuples européens ajoute-t-elle. Au parlement européen, on a l'impression qu'il y a des murs gigantesques qui séparent les institutions européennes de la vraie vie dénonce-t-elle. Je me bats au quotidien pour détruire ces murs".
Concernant le Brexit, "le plus grand danger est que la direction que prend le Royaume-Uni est d'être le pire paradis fiscal aux portes de l'Union européenne. Il y a eu une course à l'échalote pour baisser le taux d'imposition sur les sociétés et Mac Donald par exemple ne s'y trompe pas : elle a déplacé son siège du Luxembourg, paradis fiscal dans l'Union européenne, à Londres. Pour le moment, il y a simplement un accord avec les Britanniques sur les droits des citoyens, mais le plus important reste à faire : l'Union européenne et le Royaume-Uni doivent se mettre d'accord sur un accord de libre-échange d'ici la fin de l'année et c'est là qu'il faudra être le plus vigilant".
Manon Aubry - harcèlement sexuel : "j'étais en sport étude, il y a une forme d'omerta dans le sport"
En plein scandale d'agression sexuelle dans le patinage, la ministre des sports, Roxana Maracineanu, a demandé à Didier Gailhaguet, président de la Fédération des sports de glace, de démissionner. "Je crois qu'elle a eu raison de le faire reconnaît Manon Aubry, je regrette que ça n'ait pas été fait avant. De ce que j'ai compris de l'affaire, ce président de la Fédération était au courant, donc il protège des violeurs. On a des hommes de puissance, qui ont une puissance relative, et qui sont protégés par des plus hauts responsables politiques. Cette affaire est très grave, il faut s'attaquer à l'omerta."
Marie-George Buffet est-elle mise en cause ? "A priori elle a, de ce que j'ai compris, œuvré à faire en sorte qu'il ait moins de responsabilités explique Manon Aubry, mais clairement cet homme n'a plus rien à faire à la tête d'une fédération de sports. Lui comme tant d'autres, et c'est un signal d'avertissement à tous ces hommes qui protègent des violeurs : vous n'avez plus rien à faire, et c'est à vous d'avoir peur, ce n'est pas aux victimes. Parce que dans cette affaire, ce qu'on a vu avec Sarah, c'est qu'elle a essayé d'approcher d'autres femmes qui ont été victimes et qui n'osaient pas. Donc il faut s'adresser à toutes ces femmes qui nous écoutent peut-être aujourd'hui et qui n'osent pas parler : vous avez raison de parler. La honte doit être du côté des violeurs, pas du côté des femmes qui sont victimes".
Dans le sport, "j'ai pu voir dans ma jeune vie des situations de harcèlement sexuel"
Manon Aubry a côtoyé ce genre de chose. "J'ai été en sport études confirme-t-elle, j'ai fait beaucoup de natation, de triathlon et de water-polo. Tout ça sont des sports relativement masculins, et oui j'ai pu voir dans ma jeune vie des situations de harcèlement sexuel dont je n'ai pas été victime directement, mais dont j'ai pu être témoin. Il y a une forme d'omerta. Aujourd'hui je crois qu'on est encore qu'au début de la période me too. Il y a eu une période de dénonciation dans le cinéma, j'espère que cette période va ouvrir plus largement les portes du sport. Je crois qu'on est malheureusement qu'au début des dénonciations dans le monde du sport et c'est une bonne chose, il faut que la parole se libère. Donc à toutes ces femmes victimes : parlez, vous avez raison, ce n'est pas à vous d'avoir honte !
Quand vous êtes une gamine de 15 ans, il y a une quinzaine d'années dans mon cas puisque j'ai 30 ans, vous avez des femmes qui ne sont même pas capables de caractériser ce qu'est du harcèlement sexuel regrette-t-elle. Aujourd'hui la société a avancé, c'est une bonne chose, mais on est encore très loin d'avoir une société ouverte sur le sujet, et j'espère que cette histoire dans le monde du sport va aider en la matière".
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