Le journaliste Mortaza Behboudi documente sans relâche le sort des femmes en Iran et en Afghanistan. Un combat inspirant qu’il mène au péril de sa sécurité. En 2022, il est le seul journaliste européen à s’infiltrer en Iran pour couvrir le mouvement Femme, vie, liberté. Début 2023, en reportage en Afghanistan, il est arrêté et passe près de dix mois dans "l'enfer" des prisons talibanes. Mortaza Behboudi publie un livre avec Marine Courtade : Femme vie liberté (Éditions du Rocher).
Mortaza Behboudi : "On entend toujours les cris par les fenêtres : ‘Mort au dictateur ! Mort à Khamenei !’"
Pourquoi être parti en reportage en Afghanistan ? "D'abord, on a regardé ces grandes manifestations sur les réseaux sociaux après la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, cette jeune fille de 22 ans qui a été tuée par la police des mœurs. J'ai voulu donner la parole à ces activistes de l'ombre qui travaillent, qui sont derrière ces affiches de la résistance. Parler de ces cliniques clandestines, parler aussi de comment s'organisent ces manifestations, depuis les facs et les cafés clandestins", a répondu Mortaza Behboudi.
Comme le raconte Mortaza Behboudi, être originaire de la région l’a beaucoup aidé. "Il faut connaître les codes à Téhéran. Par exemple, il faut connaître comment porter une chemise. J'ai acheté une chemise à Barbès pour aller me déguiser comme les Gardiens. Et une fois arrivé à Téhéran, une chemise collée jusqu'au bout, avec un petit Coran dans ma poche, je suis allé saluer la police des mœurs, les Gardiens de la Révolution. C'est un pays où les gens réclament toujours une sécularisation du pays, c'est-à-dire que la religion ne soit pas un instrument de contrôle, mais plutôt un choix. Et on entend toujours les cris par les fenêtres : ‘Mort au dictateur ! Mort à Khamenei !’."
"On m’incriminait trois crimes : être journaliste, être Français et être Hazara"
De quoi les Talibans accusaient-ils Mortaza Behboudi ? "J'ai été accusé d'espionnage pour le compte des services français. C'est classique dans ces pays d’être accusé d'espionnage, alors qu'on veut parler de la réalité du pays, parler des femmes afghanes. On a beaucoup de journalistes qui sont arrêtés, tout est censuré aujourd'hui en Afghanistan ou en Iran. Beaucoup de journalistes ont été arrêtés, accusés, voire exécutés. Quand j'ai été arrêté, trois semaines après mon retour en Afghanistan, à Kaboul, quand je faisais un reportage sur la situation des filles afghanes où elles voulaient étudier et réclamaient le droit à l'éducation devant l'université de Kaboul, j’ai été arrêté, on m'accusait d'espionnage.
J’ai été emmené dans le bureau du renseignement des Talibans, géré par le groupe Haqqani, l'ombre d'Al-Qaïda. Dans ces prisons de renseignement on ne voit pas le ciel pendant des mois, torturé tous les jours. On m'arrachait des dents, on me donnait des chocs électriques. Je peux vous citer une trentaine de techniques de torture appliquées par ces Talibans. Ils sont capables de tout. Et une fois qu’ils ont vu qu’il y a une pression médiatique, il y a une mobilisation en France par une quinzaine de rédactions nationales… Moi, je n'imaginais pas rester vivant, ils voulaient me tuer. Il y a trois crimes : être un journaliste est un crime en Afghanistan, être Français est un crime parce que les Français soutiennent la résistance. Et puis, Hazara fait partie des minorités persécutées en Afghanistan", a raconté Mortaza Behboudi.
Retrouvez “L'invité média” de Gilles Ganzmann chaque jour à partir de 10h00 dans “Sud Radio Média” avec Valérie Expert.
Cliquez ici pour retrouver l'intégralité de l’interview média en podcast.