Mercosur : "on veut ne pas déstabiliser le marché, avoir les mêmes normes sur les produits importés que celles qu’on impose à nos agriculteurs, mais aussi avoir des moyens de contrôle sur place." Au micro de Sud Radio, Nicolas Forissier, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l'Attractivité a répondu aux questions de Jean-François Achilli.
"Un ancien président n’a rien à faire là. Ce n’est pas bon pour l’image de la France"
Jean-François Achilli : Vous rentrez de Chine, vous êtes allé à Shanghai défendre les produits français à la China International Import Exposition, c’est bien ça, en pleine crise sur la plateforme Shein. Avant d’y revenir, je voudrais vous poser une question de politique nationale. Vous êtes membre des Républicains. La demande de remise en liberté de Nicolas Sarkozy, c’est aujourd’hui, la décision de la Cour d’appel est attendue. Vous espérez le voir rentrer chez lui ce soir ?
Nicolas Forissier : "Je pense que ce serait bien, ce serait juste. Il y a eu ce geste extrêmement discuté. Il ne me revient pas d’en parler ni de le commenter, mais d’un point de vue humain, je suis proche de Nicolas Sarkozy et je pense que ce serait une bonne chose qu’il rentre. De toute façon, il y aura le procès en appel, les choses vont se dérouler normalement. Il n’y a pas de raison qu’il reste en prison aujourd’hui."
"Un ancien président n’a rien à faire là. Ce n’est pas bon pour l’image de la France, au-delà même de la personne de Nicolas Sarkozy. Je rappelle qu’il est encore une fois présumé innocent. Il espère, il l’a dit, pouvoir faire triompher la vérité — sa vérité, celle qu’il estime être la vérité. Moi, j’ai toute confiance sur le fond, personnellement."
On vous en a parlé à Shanghai, de cette détention ?
"Non."
"Shein : je pense que les Chinois eux-mêmes sont inquiets de ce genre de dérive"
En revanche, vous avez parlé de Shein, j’imagine ?
"Oui. J’ai simplement rencontré le vice-ministre du Commerce, M. Li Jing, pour lui dire la position de la France : nous engageons une procédure de suspension, nous attendons de Shein des réponses très précises. Nous estimons qu’une plateforme de commerce, même si nous sommes ouverts à un commerce fluide, doit respecter nos règles, la sécurité, et surtout le respect des mineurs et l’intégrité morale de ce qu’elle vend."
"Cela a provoqué une grande émotion dans notre pays. J’ai transmis cette émotion, comme le Premier ministre me l’a demandé, aux autorités chinoises, qui ont été sensibles à ce message. Ils sont restés fermes et assez fermés pour l’instant sur les sujets dits « irritants commerciaux », c’est-à-dire les conflits sur certaines filières, je pense au porc, au cognac, à l’armagnac, aux produits laitiers, où nous avons de vrais sujets. Ce sont des discussions commerciales difficiles, mais il faut continuer, progresser, c’est mon rôle."
"Sur le message concernant Shein, je pense que les Chinois eux-mêmes sont inquiets de ce genre de dérive. Ce n’est pas seulement mauvais pour le business, c’est aussi un problème de société, et ils en sont également conscients."
Jean-François Achilli : Vous évoquez les représailles de la Chine sur le cognac, le porc, les produits laitiers… En riposte aux 10 % de surtaxe décidés par Bruxelles sur les voitures électriques chinoises. Mais qu’est-ce qu’un ministre français peut dire ? On ne pèse rien face à la Chine ?
Nicolas Forissier : "Je ne pense pas qu’il faille dire ça, on ne pèse pas rien. La France est l’un des principaux pays du premier marché commercial et de consommation du monde : l’Union européenne, 450 millions de consommateurs aujourd’hui. Un des éléments de mon message, c’est de dire à nos partenaires chinois : vous avez besoin du marché européen, il ne faut pas le casser."
"Trouvons des discussions honnêtes, transparentes, trouvons des compromis. Vous avez raison de rappeler les mesures dites de rétorsion : les Chinois parlent de dumping, de prix anormaux, mais on sait très bien que ce n’est pas vrai."
Il y a cette surtaxe de 10 %. Regardez chez nous : Stellantis, à Poissy, va fermer ses portes, c’est une catastrophe. Et BYD, le géant chinois des voitures électriques, s’installe en Hongrie. L’usine va ouvrir cet hiver. Il y a aussi cet accord avec la Turquie qui permet de contourner les taxes, les 10 % et les 17 % supplémentaires sur les voitures chinoises. On ne pourra jamais résister face à ça, ils vont nous ravager.
"Nous sommes dans une guerre commerciale extrêmement dure, qui s’est tendue depuis trois ou quatre ans. Pas seulement à cause de la Chine, mais aussi parce que Donald Trump a décidé de mettre en œuvre un certain nombre de droits de douane, de tarifs, de façon brutale et surprenante, bouleversant tout l’équilibre."
Les vins français ont souffert des mesures de Trump.
"Oui, bien sûr, nous le savons. Il faut que les entreprises françaises tiennent bon. Nous ne sommes pas dans un monde de bisounours en matière de commerce international."
"La déclaration d'Emmanuel Macron a été tronquée"
Jean-François Achilli : Concernant le Mercosur, Emmanuel Macron au Brésil a déclaré que c’était plutôt positif. Il a été rectifié par votre collègue des Républicains, Annie Genevard, dans le Journal du dimanche, qui a dû pédaler pour dire, grosso modo, qu’il fallait quand même que les garanties soient assurées pour que ce Mercosur redémarre. Il a commis une gaffe, Emmanuel Macron ?
Nicolas Forissier : "Non, non, pas du tout. Il n’a pas commis de gaffe. Ce qui a été repris l’a été en oubliant le reste. Ça a conduit le Président à revenir sur le sujet pour bien préciser les choses, parce que ça a été un peu tronqué, disons-le. Sa déclaration a été résumée. Il a simplement dit qu’il y avait eu, je résume, des avancées au regard des demandes et des exigences qui étaient celles de la France sur le traité du Mercosur. Mais il a bien dit aussi qu’il fallait continuer à avancer sur ces exigences."
"On veut que nos amis du Mercosur acceptent des garanties"
"Et c’est ce qu’a très bien précisé, au nom du gouvernement, Sébastien Lecornu, ainsi que les ministres concernés et tout le gouvernement d’ailleurs. La position est extrêmement claire : nous avons trois sujets."
"Nous avons ce qu’on appelle la clause de sauvegarde, qui est en fait un mécanisme permettant d’arrêter tout, de bloquer les choses s’il y a une trop grosse dérive, si cela déstabilise une filière — pas seulement à l’échelle européenne, mais aussi nationale. C’est très important pour la France. Là, on veut des garanties, on veut que ce soit écrit, on veut que nos amis du Mercosur l’acceptent expressément."
"Deuxième sujet : les mesures miroir. C’est-à-dire que la société, le consommateur, impose à nos producteurs un certain nombre de normes sur les phytosanitaires, sur l’alimentation animale, sur les produits antibiotiques dont on ne veut pas, etc. Eh bien, s’il y a des produits qui sont importés de l’extérieur, ils doivent respecter ces règles. Sinon, cela veut dire qu’on ne respecte pas ce qu’on s’impose à nous-mêmes."
"Je rappelle toujours une chose : nous sommes aussi un grand pays exportateur. Si on veut pouvoir exporter, si on veut continuer à exporter et même à conquérir des marchés, ce qui est quand même l’objectif qu’on doit s’assigner, il faut accepter d’avoir un commerce ouvert, mais à nos conditions. On doit cesser d’être naïfs."
Mercosur : "Nous exigeons la mise en œuvre très précise des choses qui ont déjà été actées, des avancées que nous avons obtenues"
Jean-François Achilli : Annie Genevard précise, elle rappelle : “si les conditions sont remplies.” Ursula von der Leyen, voudrait en finir le 20 décembre. Si les conditions ne sont pas remplies, que fera le ministre du Commerce extérieur, le Républicain Nicolas Forissier ?
Nicolas Forissier : "Le ministre du Commerce extérieur dira, comme Annie Genevard, que nous voulons, que nous exigeons la mise en œuvre très précise des choses qui ont déjà été actées, des avancées que nous avons obtenues. On veut aussi des contrôles. Parce que c’est la troisième exigence que nous avons : ne pas déstabiliser le marché, avoir les mêmes normes sur les produits importés que celles qu’on impose à nos agriculteurs, mais aussi avoir des moyens de contrôle sur place. Donc on se bat là-dessus, et je pense que nous obtiendrons les résultats. On n’arrêtera pas de se battre pour ne pas signer tant qu’il n’y aura pas la vigilance dont parle Emmanuel Macron."
"Vous savez, c’est un très long processus. Il peut y avoir une décision en décembre à l’échelle du Conseil européen, sachant que la France, pour l’instant, n’a pas de majorité. Elle n’est pas isolée, mais elle ne peut pas bloquer seule. Il y a la Pologne, certains pays comme l’Autriche, qui sont sur notre ligne. Pour l’instant, les choses ne permettent pas de bloquer le processus. Donc le processus avance. Néanmoins, vous aurez ensuite de longs mois, même un an ou deux, pour que les choses soient précisées, ratifiées, etc. Donc on va continuer le combat, et on va obtenir ce dont nous avons besoin, ce qui est, à mon avis, totalement obtenable."
Parce que vous êtes élu de l’Indre, Nicolas Forissier, et candidat à La Châtre pour les municipales qui arrivent. C’est une terre agricole. Vous devez expliquer tout ça aux électeurs quand vous êtes sur le marché de La Châtre le samedi matin ?
Nicolas Forissier : "Ça fait des décennies que je vais sur le marché de La Châtre pour expliquer les choses, et dans les exploitations. Donc bien sûr, on est extrêmement à l’écoute. Et moi, ça me donne une sensibilité particulière sur ces dossiers. C’est pour ça que je vous dis, comme l’a très bien dit Annie Genevard hier, que c’est la position du gouvernement : il est hors de question de lâcher, de baisser la garde, de ne plus être vigilants."
"On ne peut pas se permettre de ne pas avoir de budget sinon, c’est une catastrophe"
Jean-François Achilli : Un mot sur le budget. Le débat reprend mercredi avec la discussion sur la réforme des retraites, la suspension, les taxes, l’attractivité. Vous êtes Les Républicains, vous êtes au gouvernement… Comment faites-vous pour rester dans ce gouvernement avec ce qui se passe à l’Assemblée nationale ?
Nicolas Forissier : "J’ai fait le choix de rentrer dans ce gouvernement parce que je considère que la responsabilité qui doit être la nôtre, celle des Républicains, c’est de stabiliser la situation, de trouver un budget à ce pays, un budget de la Sécurité sociale, et de donner de la visibilité aux entreprises et aux Françaises et aux Français. Ensuite, il y aura un débat qui va préparer 2027, et les Françaises et les Français trancheront. Moi, je souhaite que ce débat ait lieu enfin sur des faits, de façon transparente. En attendant, il faut gouverner le pays. On ne peut pas se permettre de ne pas avoir de budget. Sinon, c’est une catastrophe, je vous le dis tout de suite."
Ultime question, très courte. Au moment où je vous parle, mon regard est attiré par mon smartphone qui s’éclaire : on m’annonce la livraison d’un colis dans deux heures. Est-ce que le ministre délégué chargé du Commerce extérieur est favorable à la taxation à 2 € des petits colis, prévue dans le budget ?
"Bien sûr, bien sûr. D’abord, ça a explosé, ça pose énormément de problèmes, y compris à nos douanes. C’est ce qui est prévu par une proposition du gouvernement. Donc ça va être, je pense, voté. Peut-être qu’il y a eu des amendements pour augmenter cette somme."
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