Le non-consentement intégré dans la loi, le Budget 2026, les propos antisémites prononcés à l'Université Paris 8... Au micro de Sud Radio, Aurore Bergé a répondu aux questions de Jean-François Achilli.
"Ça fait des années qu’on parle de cette notion du consentement sans qu’elle soit définie"
Jean-François Achilli : C’est un vote important qui est attendu ce matin à l’Assemblée nationale, celui du texte qui va permettre d’intégrer la notion de non-consentement à la définition pénale du viol. Vous avez fortement soutenu cette proposition de loi. Que va-t-elle changer ?
Aurore Bergé : "Écoutez, il fallait déjà qu’il y ait un changement, parce que ça fait des années qu’on parle de cette notion du consentement sans qu’elle soit définie. Elle est donc souvent très caricaturée, comme s’il fallait signer un contrat, un bout de papier. Ce n’est évidemment pas ça la question. Pour moi, ça change deux choses". "Un : ça change le débat dans la société, après Mazan, après Le Scouarnec, après ce qui a ébranlé et heureusement bousculé notre société, parce qu’on s’est rendu compte qu’une femme pouvait avoir été victime de dizaines et de dizaines d’agressions sexuelles et de viols". "Il faut définir, caractériser ce que c’est, et il faut que chacun prenne conscience de ce que ça veut dire. Et puis, il faut mieux sanctionner aussi, parce que les magistrats nous interpellaient sur le fait qu’il y avait des situations dans lesquelles ils n’avaient pas suffisamment de matière juridique pour sanctionner ce qui est un viol, et donc un crime."
Parce que pour bien comprendre, le consentement ne peut pas être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime. Vous pensez que ça va vraiment faciliter le travail ?
"On a encore des mises en accusation des victimes. Ces phrases qu’on entend encore dans les tribunaux : « elle ne s’est pas débattue », « elle n’a pas crié », « elle n’a pas dit non ». Sauf qu’il y a des situations dans lesquelles votre instinct de survie, quand vous êtes agressé, fait que vous êtes dans la tétanie, dans la sidération, que vous n’êtes pas en capacité de dire non ou de vous opposer, parce que vous voulez juste sauver votre peau". "Or, continuer à entendre ces phrases-là, cet espèce de renversement permanent où en fait celle qui est coupable, c’est celle qui a été victime… c’est absolument insupportable. Il fallait clarifier."
Il y aura un consensus sur le vote ?
"Je l’espère. Je pense qu’il y a encore quelques sujets qui doivent permettre à notre société, y compris à l’Assemblée nationale, de créer du consensus."
"La suppression de l’ISF, je l’assume, parce que ça a permis à un moment de redonner de l’attractivité"
Jean-François Achilli : Aurore Bergé, je ne suis pas sûr que ce soit la même chose avec le budget qui arrive. Le bloc central est vent debout contre les quatorze milliards de hausses d’impôts. Ce sont Les Échos qui le révèlent ce matin : un effort supplémentaire sera demandé aux mutuelles, les complémentaires santé seront davantage taxées, les retraités verront un gel des pensions en 2026 et une sous-indexation en 2027. La doxa, c’était « pas touche, pas de hausse d’impôts ». Et soudain, sept ans après, c’est reparti : quatorze milliards ?
Aurore Bergé : "Alors déjà, je veux rappeler deux choses. La première, c’est que le premier effort qu’on fait, c’est sur la dépense. Deux tiers de l’effort sont faits sur la dépense publique, un tiers sur la question des impôts. Et puis sur les impôts, il y a une attente très forte dans notre société de justice fiscale". "Ce qu’on a fait n’est pas remis en question : la suppression de la taxe d’habitation, qui a rendu du pouvoir d’achat aux Français, n’est pas remise en question ; la baisse du barème de l’impôt sur le revenu non plus. La suppression de l’ISF, je l’assume, parce que ça a permis à un moment de redonner de l’attractivité". "La baisse de l’impôt sur les sociétés continue. Il y a même des baisses prévues, notamment la CVAE, qui intéresse les entreprises, celles qui créent de l’emploi dans nos territoires, les PME industrielles". "Et oui, il y a un effort demandé aux plus grandes entreprises et aux plus fortunés de ce pays. C’est un effort raisonnable, qui garantit que chacun puisse contribuer un peu plus à l’effort collectif, dans un moment où il faut en effet faire des efforts."
Donc vous dites aux retraités que c’est raisonnable ?
"Oui, je l’assume. Quand j’étais redevenue députée, j’avais moi-même proposé qu’on puisse à un moment revenir sur l’abattement forfaitaire pour les retraités. On ne supprime pas tout : il restera un forfait qui leur permettra de continuer à payer moins d’impôts que les actifs."
Suspension de la réforme des retraites : "Tout sera écrit. Il n’y aura ni doute, ni ambiguïté"
Jean-François : Vous avez oublié la réforme des retraites. C’est ce matin, au Conseil des ministres, que la suspension va être sanctuarisée. Il y a eu une incompréhension avec ce qu’a dit Emmanuel Macron en Slovénie il y a deux jours. Quand il dit : « Ce n’est ni une abrogation, ni une suspension, c’est un décalage d’échéance », on n’y comprend plus rien…
Aurore Bergé : "Ce matin, au Conseil des ministres, on va acter un texte. Avant qu’un texte soit discuté à l’Assemblée ou au Sénat, il arrive sur la table du Conseil des ministres, présidé par le président de la République. Tout sera écrit. Il n’y aura ni doute, ni ambiguïté. Ce sera l’engagement que le gouvernement a pris : la suspension de la réforme, si le Parlement en décide ainsi."
Le Président dit que ce n’est ni une abrogation ni une suspension : qui croire ?
"On croit ce qui est écrit, c’est-à-dire le texte présenté en Conseil des ministres, sous l’autorité du président de la République."
Soyons francs, quand il dit ça en Slovénie, ça vous fait bondir ?
"Ce qui compte, c’est ce qui va changer ou pas pour les Français. Ce qui compte, ce n’est pas la technique parlementaire. Ce qui compte, c’est : qu’est-ce qui change concrètement pour la vie des Français. Moi, ce qui m’importe, c’est qu’on puisse enfin commencer le débat budgétaire."
Jean-François Achilli : Bruno Retailleau dit que le texte est invotable, et il susurre la censure.
Aurore Bergé : "Ce qui compte, c’est qu’il y ait enfin un débat. Une majorité de parlementaires a accepté qu’il n’y ait pas de censure, que le gouvernement puisse continuer à travailler et que le Parlement puisse débattre du texte budgétaire. La copie présentée par le gouvernement, c’est une copie de démarrage du débat."
Vous ne redoutez plus la censure ?
"Je crois à la nécessité de la stabilité pour le pays. Ce n’est pas un gros mot, la stabilité. Quand vous êtes artisan, commerçant, agriculteur, vous en avez assez que les règles changent sans cesse, que vos interlocuteurs changent, de ne pas savoir ce qui va se passer pour vous, pour vos enfants, pour vos impôts. Les entrepreneurs, je les rencontre tous les jours. Ce qu’ils demandent, c’est qu’on se mette au travail, qu’on arrive à s’entendre, parce que cette Assemblée, on l’a élue."
Et pas de hausse d’impôts : ils nous le disent tous les jours.
Mais ça tombe bien, puisque les entrepreneurs, les chefs d’entreprise, les artisans, les commerçants ne verront pas leurs impôts augmenter. Les PME industrielles, celles qui ont permis de recréer de l’emploi, verront même leurs impôts baisser avec la CVAE.
"Au-delà même de l’antisémitisme crasse de ces propos, il y a cette apologie du terrorisme"
Jean-François Achilli : À l’université Paris 8, une étudiante a déclaré : « Je ne condamne pas le 7 octobre. » Elle a revendiqué ses mots à la gloire du Hamas, qualifié de mouvement de résistance, hostiles à Israël, et a été applaudie. Vous dites quoi ?
Aurore Bergé : Ce sont des propos inacceptables, insupportables et illégaux. Il est interdit de faire l’apologie du terrorisme. Au-delà même de l’antisémitisme crasse de ces propos, il y a cette apologie du terrorisme. Le 7 octobre 2023, 1 200 personnes ont été assassinées par les terroristes du Hamas, dont 51 Français. Quand on dit « nous étions prêts au 7 octobre, c’est une résistance légitime », c’est de l’apologie du terrorisme. Le gouvernement a réagi et agi : des instructions très claires ont été données au procureur de la République.
Vous attendez des sanctions ?
"Évidemment. Elles s’imposent. Comment peut-on accepter que l’université devienne cela ? L’université, c’est un lieu de débat, de savoir, de transmission des valeurs de la République — pas un lieu d’apologie du terrorisme, ni de diffusion de la haine ou du poison antisémite."
Vous dites que la France insoumise, par sa façon de traiter le conflit, y contribue ?
"En tout cas, il y a eu depuis le 7 octobre une libération de la parole antisémite, du poison antisémite dans notre pays. Cela doit nous alerter et nous imposer d’agir, notamment auprès des plus jeunes. Ce qui m’inquiète, c’est que selon un sondage, un jeune Français sur trois considère qu’on peut s’en prendre à un Français juif à cause d’Israël. C’est insupportable."
Vous venez de l’UMP. Nicolas Sarkozy dort en prison. On a vu les menaces qui pèsent sur lui et sur sa sécurité. Vous avez été proche de lui : que ressentez-vous ?
"Je ne commente pas les décisions de justice. Il a été condamné en première instance, donc il est présumé innocent, comme tout justiciable qui fait appel. Il faut évidemment garantir sa sécurité."
Il est à sa place derrière les barreaux ?
"Ce n’est pas à moi d’en juger. Je ne suis ni magistrate, ni procureure. Il y a une indépendance de l’autorité judiciaire, et c’est normal que je m’y tienne."
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