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"L’abaya n’est pas un signe musulman mais salafiste", assure Gilles Kepel

Par Jean Baptiste Giraud

"Interdire l’abaya, ça n’a rien d’une stigmatisation des musulmans" selon Gilles Kepel, professeur des universités, spécialiste du Moyen-Orient et de l'Islam contemporain. Il était “L’invité politique” sur Sud Radio. 

abaya kepel islam
Gilles Kepel interviewé par Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio, le 7 septembre 2023, dans “L’invité politique”.

Le Conseil d’État, jeudi 7 septembre 2023, va se prononcer sur l’interdiction de l’abaya en France. Pour l’occasion et pour revenir sur le débat qui a enflammé la rentrée 2023, Jean-Jacques Bourdin invite un spécialiste pour discuter abaya, salafisme, éducation, islam… Gilles Kepel, professeur des universités, spécialiste du Moyen-Orient et de l'Islam contemporain et auteur de "Prophète en son pays" (éditions de l’Observatoire).

 

Voile à l'école : "On s’est rendus compte que c’était l’organisation des Frères Musulmans qui était derrière"

Orientaliste et spécialiste du Moyen-Orient et de l’Islam, Gilles Kepel retrace une partie de sa vie et de ses observations dans "Prophète en son pays". Logiquement, il a suivi les débats sur le port de l’abaya à l’école, interdite en cette rentrée 2023 sur décision de Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale. Membre de la commission qui a été à l’origine de l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires en 2004, Gilles Kepel ne manque pas de faire un rapport avec cette période. "Jacques Chirac nous avait réunis à la fin juin", raconte-t-il. Il avait alors participé à de nombreuses auditions "de toutes sortes d’acteurs de la société". Objectif : "essayer de comprendre pourquoi il y avait eu la volonté de porter le voile dans l’espace scolaire".

"On s’est rendus compte que c’était l’organisation des Frères Musulmans qui était derrière", explique le spécialiste. Son but ? Marquer leur territoire. Les jeunes "devaient pouvoir faire respecter les injonctions de la charia dans leur domaine personnel".

 

"L’abaya comme telle n’est pas un signe musulman"

La question que devra trancher le Conseil d’État est donc la suivante : l’abaya est-elle un signe religieux ? La réponse est complexe, selon Gilles Kepel. "C’est un problème qu’il faut traiter en soi." Les opposants à l’interdiction de l’abaya partent du principe que la loi de 2004 ne s’applique pas puisque l’abaya ne serait pas un signe "ostentatoire". "C’est là-dessus que les gens qui souhaite l’abaya" se basent dans leur argumentaire. "Si ce n’est pas un signe religieux, la loi ne s’applique pas."

Et, en ça, ils n’ont pas totalement tort. "L’abaya comme telle n’est pas un signe musulman", souligne le spécialiste. "On peut être musulman de mille manières." Par contre, précise Gilles Kepel, "c’est une signe du salafisme. C’est le marqueur du salafisme." Abaya, en tant que tel, "ça veut dire une robe longue, c’est tout, ça n’a rien de particulier", explique le spécialiste. Tout comme le Qamis qui signifie longue chemise. Mais les salafistes l’ont mis en place "au moment où les femmes sortaient des harems, sortaient dans l’espace public".

En Arabie Saoudite, où l’abaya a été mise en place initialement, désormais les femmes sont libres de faire ce qu’elles veulent. "Ce n’est plus du tout une obligation." Ni une interdiction.

 

Abaya : Erdogan est un "entrepreneur de colère"

La Turquie a été fortement critique envers la décision d’interdire l’abaya en France. Rien d’étonnant, pour Gilles Kepel : "c’est habituel". "Monsieur Erdogan est ce que mon collègue Bernard Rougier appellerait un entrepreneur de colère."

Il rappelle qu’Erdogan avait également critiqué le discours d’Emmanuel Macron des Mureaux, sur le séparatisme. "Erdogan a monté cette gigantesque campagne en disant que Macron était fou, qu’il devait aller consulter un psychiatre." Or, quelques semaines plus tard, Samuel Paty était assassiné dans le même département des Yvelines. "Le Président avait parlé par anticipation", estime Gilles Kepel.

 

"Interdire l’abaya, ça n’a rien d’une stigmatisation des musulmans en général"

Certains estiment que les musulmans se victimisent, soutenus par une partie de la gauche qui crie à l’islamophobie. C’est l’avis de Gilles Kepel qui juge que l’Islam politique dès lors qu’il est en position de faiblesse assume "une posture de victimisation". "Pour faire des adeptes et dire vous voyez, nous sommes dénoncés comme musulmans."

Pour autant, "interdire l’abaya, ça n’a rien d’une stigmatisation des musulmans en général".

 

Retrouvez "L’invité politique" chaque jour à 8h30 dans le Grand Matin Sud Radio avec Jean-Jacques Bourdin

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