Comme l'explique Gabrielle Cluzel au micro de Sud Radio, aucun des arguments contre le fait de faire des enfants ne tient la route. Selon elle, ces injonctions sociétales (assez nouvelles) sont toutes fausses.
Gabrielle Cluzel : "C'est presqu'une castration psychologique"
Périco Légasse : Il peut y avoir une influence idéologique qui fait qu'on considère que pour une femme, faire des enfants, c'est rentrer dans un moule, dans un code et dans un cadre de soumission. Et que l'émancipation de la femme passe justement par ce refus de materner.
Gabrielle Cluzel : Moi, je ne veux pas, même si c'est important, qu'on s'arrête au simple aspect économique. Je crois que l'aspect économique n'est pas suffisant parce que il y a eu d'autres périodes où les gens ont été beaucoup plus pauvres. Mais ce qui est intéressant, c'est de dire : est-ce qu'une mère devient soumise ? Moi, j'ai la vision toute inverse de la mère. Une mère est surpuissante. C'est assez drôle : au fur et à mesure que montaient ses théories sur la maternité aliénante, il y avait Freud qui expliquait que la mère était surpuissante. Ils dit : "si votre enfant va mal, c'est votre faute". Quand la mère va mal, les enfants vont mal. Je crois que c'est très intéressant de le dire parce que les femmes ne le savent pas. C'est une expérience sentimentale, affective, sensorielle… je ne sais pas comment l'expliquer. Je vais plus loin : c'est presqu'une castration psychologique que l'on fait quand on dit aux filles : "Ne soyez pas mère, surtout ne soyez pas mère, parce que ça va être terrible". Imaginez quelqu'un en haut de la piste : si on lui dit ça "va être magnifique, tu vas voir des paysages splendides", elle y va, elle se lance. Si on lui dit "ça va être affreux, tu vas te casser une jambe", elle n'y va pas. Et c'est ce qu'on fait actuellement.
"Simone de Beauvoir et Virginia Woolf avaient décrété qu'une femme, si elle voulait être intelligente, ne devait pas avoir d'enfant"
Périco Légasse : Il y a les mouvements plutôt conservateurs qui nous annoncent l'apocalypse, qui nous parlent de Grand remplacement, d'insécurité permanente, de violence, et puis du côté des environnementalistes : "la planète va devenir un cauchemar, un enfer, au-delà de 10 milliards ça va être apocalyptique parce qu'on ne pourra pas habiter tous ensemble"… C'est vrai qu'on a des éléments concrets pour se dire "moi, je prends pas le risque de faire des enfants". Vous dites "il faut surmonter ces craintes parce que le pire n'est pas toujours sûr". Pour autant, mettez-vous à la place d'un jeune couple de 25-30 ans : précarité de l'emploi, ils ne sont peut-être pas propriétaires, ils entendent tous les matins dans les médias que tout va mal… Est-ce qu'on est porté à faire des enfants dans un monde aussi violent, aussi incertain et aussi trouble ?
Gabrielle Cluzel : Si vous voulez, on peut faire le tour de tous les arguments, une typologie des arguments utilisés. Le premier argument qu'on entend, c'est l'argument économique. Au printemps dernier, on nous expliquait qu'un enfant jusqu'à 25 ans coûtait le prix d'un pavillon de banlieue : 250.000 euros ! Vous voyez, j'ai sept enfants, j'ai perdu sept maisons, c'est quand même bête ! Mais qu'est-ce que j'aurais fait de mes sept maisons ? Je les aurais arpentées seule, sans mes enfants. Ce calcul économique est, selon moi, absurde, et pourtant il est récurrent.
Ensuite, il y a un argument physique. On dit aux femmes : "vous allez détruire votre corps". Récemment j'ai entendu un reportage surréaliste. Des jeunes femmes disaient : "depuis que j'ai un enfant, ma vie est foutue". Ensuite, ils disaient : "vous allez perdre les cheveux, c'est des phénomènes transitoires qui peuvent arriver, et vous allez être incontinente". Prenons deux personnages publics très connus qui ont la même nationalité : Ursula von der Leyen (sept enfants) et Angela Merkel (pas d'enfant). Est-ce que vraiment vous pensez que l'une est plus belle que l'autre parce qu'elle n'a pas eu d'enfant ? Donc, on voit bien que tous ces arguments sont assez absurdes.
Un autre argument intellectuel, on vous dit : "quand vous êtes une femme, vous devez choisir entre votre cerveau et votre utérus". Ça date de Simone de Beauvoir, de Virginia Woolf - elles ont décrété qu'une femme, si elle voulait être intelligente, avoir des activités intellectuelles, il ne fallait pas qu'elle ait d'enfant.
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