19 mai 2025. Thierry Ardisson est l'invité exceptionnel de Jacques Pessis dans « Les Clefs d'une vie » sur Sud Radio. Le confident des stars et des personnalités de la culture française tous azimuts l'ignore encore mais ''L'Homme en noir'' accorde-là sa dernière interview fleuve, qui retrace les dates clés de sa vie et de son incroyable carrière. Moins de deux mois plus tard, l'animateur vedette de la fin des années 1990 et du début des années 2000 nous quittait le 14 juillet, à l'âge de 76 ans.
"Je n'ai jamais supporté qu'on m'enseigne quelque chose"
« Toute ma culture, je me la suis faite, je suis un autodidacte, j'ai appris tout seul, raconte-t-il notamment au cours de cet entretien au long cours. J'ai beaucoup de curiosités et je cherche beaucoup. Internet, pour ça, c'est génial. Et je n'ai jamais supporté qu'on m'enseigne quelque chose. Moi, je m'enseigne très bien tout seul. »
« Les Beatles ont changé ma vie »
« Les Beatles ont changé ma vie, poursuit-il. Quand ils se mariaient, je me mariais. Quand ils divorçaient, je divorçais. Quand ils allaient en Inde, j'allais en Inde. Quand ils prenaient de la drogue, je prenais de la drogue. Non, ce qu'il faut dire sur les Beatles, c'est que il y a ceux qui ont eu la chance, comme moi, d'assister à leur évolution. C'est-à-dire qu'au début, ils faisaient du rock traditionnel. Après, ils rencontrent George Martin et ils mettent les instruments européens, la flûte, le clavecin, tout ça. Après, George Harrison va en Inde. Il revient avec la musique indienne. Donc, les Beatles, c'est une fusion et une créativité. Je veux dire, il n'y a personne qui a écrit autant de bonnes chansons. Pour moi, ce sont les plus grands. Il n'y a rien de comparable, depuis Schubert. »
« Pour moi, la télé, c'étaient les ringards ! »
« Quand je suis arrivé à la télé, à l'époque, c'était Foucault, c'était Sabatier, c'était Sébastien, c'était Drucker. Moi, j'avais été élevé par l'ORTF. En fait, ma vraie école aussi, il faut le dire, ça a été l'ORTF avec François Chalais, Philippe Bouvard, évidemment. Je ne peux pas dire qu'il ne m'a pas inspiré quand on a vu mes émissions et les siennes. A ce moment-là, j'avais envie de tout foutre en l'air. Pour moi, la télé, c'étaient les ringards ! Et donc, tout de suite, j'ai essayé d'inventer mes formats et de faire vraiment ce que je voulais. On m'a laissé faire. On m'a donné les moyens. Ça aurait été dans le cinéma, ça aurait été pareil. On m'a dit : ''voilà de l'argent, fais ce que tu veux''. Je ne me suis pas privé. »
« J'ai inventé 70 types d'interview »
« Quand je faisais une interview, j'avais d'abord à cœur de rappeler qui est un peu les clés d'une vie, c'est-à-dire de rappeler qui était la personne. Ensuite la promotion, parce que si les gens sont là, c'est qu'ils ont quelque chose à vendre. Et puis après, il y avait les petites interviews : 4 minutes, 5 minutes. Les fameuses interviews formatées. En fait, la seule qu'on connaissait à l'époque, c'était le questionnaire de Proust dont Pivot s'est servi abondamment. Et moi, j'en ai inventé 70. Alors, les 70 ne sont pas bien, mais il y a une dizaine qui ont fonctionné. La base, c'était les fiches. Je me trouvais à 3h du matin, un peu pété au champagne. Je m'accrochais aux fiches et je regardais mes fiches. Sans ça, ça n'aurait pas été aussi bien. S'il y avait une rature à la dernière ligne, je recommençais la fiche. Même le dernier invité de la soirée, il avait droit à une vraie interview. Vous savez, c'est un peu comme les flics. S'ils vous disent : ''hier soir, vous avez dîné au restaurant avec machin'', vous vous dites : ''s'il sait ça, il sait tout''.
« Les trucs les plus connus comme ''Orlando exige le clip !'' naissent bêtement »
« Pour donner du rythme à mes émissions, il y a de la musique, il y a des sampleurs. Vous savez, les trucs les plus connus naissent bêtement. C'est-à-dire ''Magnéto Serge'', par exemple, ou ''Orlando exige le clip'', c'est parce qu'Orlando, un jour, vient avec Hélène Ségara. Il dit : ''moi, je t'amène mon artiste, mais à une condition, c'est que tu passes le clip''. Quand on est arrivé là, j'ai dit : ''Orlando exige le clip'', puis après, c'est devenu un truc. Quand j'avais des acteurs, des chanteurs anglais, américains, genre Cyndi Lauper ou je sais pas, Robbie Williams, je disais ''Orlando exige le clip''. Alors, ils disaient ''what ?'' Alors, je leur faisais dire en français : ''Orlando exige le clip''. Orlando, il m'en parle à chaque fois que je le vois. »
« L'Homme en noir, comme Lagerfeld... »
« Pourquoi ''L'Homme en noir'' ? Pour plusieurs raisons. La première, c'est que c'est la praticité. Le matin, quand je me lève et que je m'habille, je vais dans la penderie, je prends le costume qui sort du pressing. J'ai pas de soucis d'accorder le bleu avec le vert. Ça, c'est déjà une chose. Ensuite, j'étais plus grassouillet il y a quelques années. Donc, j'avais besoin d'être plus mince. Ça me mincit. Et puis, je crois que la vraie raison, en fait, elle m'est venue aussi dans ce bouquin (son dernier ouvrage précisément intitulé « L'Homme en Noir ») quand j'ai eu cette idée des personnages de pub, c'est-à-dire le Géant vert, le cobaye Marlboro, Don Patillo, des gens qui sont toujours les mêmes, qui sont des espèces d'archétypes, un peu comme Karl Lagerfeld. Karl Lagerfeld, il savait jamais comment s'habiller, il était gras, il avait son éventail parce qu'il transpirait. Et puis un jour, il a décidé de mincir, et il a fait cette silhouette noire, très mince. Donc voilà, c'était l'idée de créer un personnage. »