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Partager son toit avec un réfugié, une ouverture à l'autre "positive"

Lui est Soudanais et a dormi sous les ponts de Paris, eux vivent dans un appartement cossu et l'ont hébergé pendant plus d'un an. Le temps pour Mustapha de reprendre pied, comme le millier de réfugiés ayant bénéficié de ce dispositif d'accueil au long cours.

STEPHANE DE SAKUTIN - AFP/Archives

Lui est Soudanais et a dormi sous les ponts de Paris, eux vivent dans un appartement cossu et l'ont hébergé pendant plus d'un an. Le temps pour Mustapha de reprendre pied, comme le millier de réfugiés ayant bénéficié de ce dispositif d'accueil au long cours.

"Quand elle m'a donné les clés de son appartement le lendemain de mon arrivée, j'ai cru qu'elle se trompait", se souvient Mustapha Omar, attablé dans la chic cuisine de son hôte aux murs décorés de masques africains.

Comme plus de 1.300 réfugiés, le désormais électricien dans une entreprise de vélos a bénéficié du réseau de l'association J'accueille, qui depuis dix ans met en relation des exilés sans logement avec des personnes qui ont une chambre libre, dans une dizaine de régions, pour un hébergement gratuit sur le long terme.

Une stabilité qui leur permet, après un entretien avec les familles, d'être immergés dans la culture française, d'améliorer leur niveau de langue, de bénéficier du réseau de la famille pour trouver du boulot et de trouver leur propre logement, souligne l'association. Les personnes passées par ce dispositif ont quatre fois plus de chances de trouver un emploi et six fois plus de trouver un logement à l'issue, selon elle.

"Les cas d'échecs sont extrêmement rares et s'ils ne trouvent pas solution à la fin de la convention signée avec la famille, alors l'expérience peut être prolongée ou poursuivie dans un autre foyer", explique l'association.

"Je suis plus détendu, je me sens en sécurité et je sais que, maintenant, j'ai des personnes sur qui je peux compter", confirme Mustapha, qui a partagé le quotidien de la famille de Laurence Pardieu-Duthil pendant un an et s'apprête à rejoindre un logement social.

Le réfugié de 35 ans, qui a fui seul les combats dans son pays il y a cinq ans, avait dormi un an et demi à la rue. Il a pensé "rêver" quand cette main s'est tendue.

Mais, pour Laurence Pardieu-Duthil, cadre dans une entreprise de cosmétiques, et son époux, cela semblait pourtant une "aberration" de garder une chambre vide depuis le départ de l'un de leurs enfants de la maison.

Elle reconnait néanmoins avoir eu "quelques appréhensions" lorsqu'elle a ouvert pour la première fois ses portes à un étranger en 2021.

"Je me demandais si le fossé ne serait pas trop grand, j'avais peur d'être envahie, incapable de faire face à leurs éventuelles angoisses, et en fait c'est beaucoup plus simple qu'on ne l'imagine. Il y a à chaque fois beaucoup de respect et de reconnaissance de la part des réfugiés", raconte la Parisienne.

- "Lien fraternel" -

Un avis partagé par David Robert, directeur général de l'association qui, avec Monad, un Afghan de 31 ans, accomplit sa quatrième expérience: "les réfugiés ont beaucoup plus peur que nous et se demandent ce qu'on va exiger d'eux en retour car ils ont été souvent été exploités au cours de leur parcours", constate-t-il.

"Puis, après six mois de cohabitation, on les voit s'ouvrir, nous faire confiance et commencer à faire des projets", explique le père de famille, qui a noué en deux ans un lien "fraternel" avec son hôte afghan, cuisinier.

"Si je me dispute avec ma femme ou que je veux engueuler mes enfants tranquillement, il s'éclipse! Ils ont tous fait toujours très attention à ne pas déranger", poursuit le quadragénaire qui a gardé des liens avec tous ses colocataires étrangers.

"Trop parfois", s'agace amusée Edith, hébergeuse fidèle de femmes à qui elle apprend à "regarder les hommes dans les yeux" et à avoir une "meilleure estime d'elles-mêmes".

"Au bout d'une semaine, je leur dis qu'il y a une interdiction: arrêter de dire +désolée+ à chaque fois qu'elles demandent quelque chose", témoigne cette sexagénaire divorcée, ravie d'avoir mis fin à sa solitude.

Pour toutes ces familles, le départ est toujours un moment particulier: entre tristesse et joie de voir que leur hôte mieux armé pour démarrer une nouvelle vie. Mais rapidement, vient l'envie de garder la porte ouverte pour une autre rencontre.

"On ressort de ces expériences plus forts avec l'impression qu'on peut faire tribu et construire des choses positives dans un monde qui se délite", résume Laurence.

Par Estelle EMONET / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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