Narcotrafic à Marseille, démocratie parlementaire, budget de l’État, divisions à gauche, perspective de 2027. Au micro de Sud Radio, Sandrine Rousseau a répondu aux questions de Jean-François Achilli.
"Le PS est en train de partir trop loin vers le centre"
Jean-François Achilli pour Sud Radio : Le gouvernement veut instaurer une “allocation sociale unique”. Qu’en pensez-vous ?
"C’est une proposition de droite. Une manière de raboter les allocations. Les économies sont faites sur les personnes malades, en affection longue durée, sur celles qui n’ont pas les moyens d’aller chez le dentiste, sur les plus pauvres. C’est honteux. Et c’est ce qu’on veut nous imposer par l’enlisement des débats."
La gauche est-elle encore capable d’unité ?
"Oui, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout. Nous avons 85% de votes en commun et nous repoussons ensemble la casse sociale. Il y a un théâtre pitoyable sur nos divisions, mais le camp central et la droite sont tout aussi divisés. Le seul bloc qui ne s’émiette pas, c’est l’extrême droite. Attention : 2027 pourrait être bien pire."
Le Rassemblement national à l’Élysée, est-ce plausible ?
"Nous avons la responsabilité de tout faire pour éviter cela. À gauche, réveillons-nous ! Ce n’est pas en tendant la main à Macron qu’on tiendra une ligne de gauche écologiste et ambitieuse."
Et le Parti socialiste ?
"Quand je vois que même une primaire de la gauche est jugée trop à gauche par une partie du PS, je leur dis : souvenez-vous de ce que signifie le mot socialisme ! Le PS est en train de partir trop loin vers le centre."
Sandrine Rousseau (@EELV) : "Je ne comprends pas le #PS. Ce n'est pas en tendant la main à #Macron qu'on tient une ligne de gauche… Les amis, vous êtes socialistes ! Souvenez-vous d'où vous venez, vous partez trop loin vers le centre !" #GrandMatin https://t.co/QKa5EfuJSu pic.twitter.com/BTMO5ZPDAv
— Sud Radio (@SudRadio) November 17, 2025
Et vous, vous envisagez d’être candidate ?
"Je m’engagerai si nous arrivons à mettre sur pied une primaire de la gauche et des écologistes. Dans ce cadre, je serai candidate."
"On nous occupe comme dans une garderie"
Le ministre Sébastien Lecornu est-il dans l’impasse sur le budget ?
"Bien sûr que c’est une mission impossible, rendue impossible par le gouvernement. C’est croquignolesque. Ils ont fait durer les débats pour ne surtout rien voter. Il y a un enlisement complet. La ligne Lecornu, c’est : “Nous vous proposons, nous enlisons les débats et nous ne votons jamais.” Nous n’avons pas voté sur le budget de la Sécurité sociale, et nous ne voterons pas sur celui de l’État."
Les députés ont eu droit à un “repos forcé” ce week-end. Un prétexte, selon vous ?
"Oui. C’est bizarre que la seule fois où l’on se préoccupe du rythme à l’Assemblée, ce soit au moment de voter le budget. C’était un prétexte. Une démocratie qui fonctionne bien doit aussi permettre aux députés d’avoir une vie familiale, mais pas en sacrifiant le vote du budget."
Vous parlez d’enlisement volontaire des débats ?
"Oui. L’enlisement, c’est une manière de ne pas avoir de vote contre soi et de noyer le poisson. J’ai l’impression qu’on nous occupe comme on occuperait des enfants dans une garderie, tout ça pour qu’on ne vote pas le budget. Et c’est très grave."
"Emmanuel Macron se moque de la démocratie"
Vous dites qu’Emmanuel Macron “se moque de la démocratie”. Vous maintenez ?
"Oui. Il se moque de la démocratie, du Parlement. Il contourne sans cesse le rôle des députés, soit par le 49.3, soit désormais par l’enlisement. C’est une forme de 49.3 détourné. Je crois qu’il joue avec la démocratie de manière extrêmement dangereuse, parce qu’il s’en moque, en réalité."
Le Président a annoncé 30 milliards d’investissements lors de “Choose France”. Une bonne nouvelle ?
"C’est le macronisme dans son essence pure : il fait son show, il annonce, mais rien ne change. Je ne sais même plus comment commenter cette politique. Elle tourne au ridicule complet et éloigne les citoyens de la politique. Je leur dis : ne vous détournez pas de la démocratie, nous avons besoin de vous pour changer de direction."
Manuel Valls estime que le second quinquennat d’Emmanuel Macron est un “naufrage”. Vous êtes d’accord ?
"C’est sans doute la seule fois où je suis d’accord avec Manuel Valls. Oui, c’est un naufrage complet. Emmanuel Macron finira et sortira de l’Élysée par la petite porte. Il ne peut pas continuer comme ça."
Que faut-il faire ?
"Respecter le peuple. Au nom de quoi un Président décide-t-il de tout contre le peuple simplement parce qu’il en a le pouvoir ? Il fallait envoyer des signes au camp arrivé en tête, c’est-à-dire la gauche."
"Marseille vit sous la terreur du narcotrafic"
À Marseille, l’assassinat du jeune militant écologiste Amine Kessaci a choqué. Le ministre de l’Intérieur parle d’un "point de bascule effrayant". Que vous inspire ce drame ?
"Je voudrais apporter tout mon soutien à Amine Kessaci, un militant courageux, et à toutes les familles marseillaises endeuillées par ce narcotrafic. Dans les quartiers nord, il installe une terreur complète. Le tout-répressif ne permet pas d’endiguer le trafic de drogue. Il faut passer un cap."
Comment passer ce cap selon vous ?
"Déjà, en allant chercher l’argent des trafiquants de manière bien plus importante, avec des brigades dédiées au narcotrafic international. Mais il faut aussi s’attaquer à la demande, aux personnes qui achètent la drogue. C’est la pire loi du marché : s’il n’y a plus de demande, il y aura moins d’offre. Et il faut remettre du tissu associatif et du service public. Les politiques actuelles fragilisent tout cela."
L’ancien député marseillais Saïd Ahamada parle d’un assassinat politique et appelle à un Conseil des ministres extraordinaire. Partagez-vous ce constat ?
"Les mafias ont toujours tenté de s’infiltrer dans le milieu politique. La question, c’est comment on lutte contre cette mafia. Il faut arrêter la démonstration de force, les opérations “place nette” qui ne servent à rien. Il faut agir de manière fine et sérieuse dans le temps, et lutter contre la corruption. Aujourd’hui, la démocratie est extrêmement fragile."
Laurent Nunez propose d’armer davantage les polices municipales. Êtes-vous favorable à cette idée ?
"Non, mais voilà, ça c’est la réponse typique d’un Gérald Darmanin ou d’un Laurent Nunez, qui sont un peu Dupond et Dupont. Armer, armer, armer. Comme s’il n’y avait pas d’autres annonces possibles que d’une escalade sur la police municipale. On l’a déjà fait, et ça n’a rien changé."
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